Jeff Le Nerf : 10 ans après IV My People

Jeff Le Nerf : 10 ans après IV My People

Repéré par DJ Djel (le DJ de la Fonky Family) lors d’un Open-Mic en 1999, le Grenoblois Jeff Le Nerf, devenu au fil du temps une figure respectée de la scène underground française a accepté avant la sortie de son sixième opus – évidemment en indépendant – sobrement intitulé Black Album le 4 décembre, de répondre à nos questions. 

Même s’il est très proche de son public, surtout à travers les réseaux sociaux où il ne manque jamais une occasion d’échanger, communiquer avec ses fans, Jeff Le Nerf est néanmoins quelqu’un de très discret dans sa vie en dehors du Hip-Hop. On n’entend que très peu (ou pas) parler de lui dans les médias, y compris ceux dits « spécialisés », ses choix artistiques ont mené aussi – et il est important de le souligner – à une non diffusion de ses clips à la TV.

Il est donc difficile d’appréhender cet Ovni dans ce milieu de plus en plus policé que devient le rap français. On a tout de même voulu en savoir plus sur ce à quoi ressemblait la vie de Jeff aujourd’hui, depuis son album Kilos De Plumes Et Grammes De Plomb. Au cours de cette rencontre, Jeff a abordé tranquillement des sujets aussi variés que sa jeunesse, sa manière puriste d’aborder le rap, sa vision de ce dernier aujourd’hui ou encore IV My People, ce collectif fondé en 1998 par Kool Shen, qui outre Jeff pouvait compter en son sein des Mc’s aussi talentueux que Busta Flex, Salif ou encore le légendaire Zoxea.

On vous laisse, en préambule de cette interview, découvrir le nouvel extrait de son dernier album.

The BackPackerz : En premier lieu, comment vas-tu ? On peut dire que tu t’es fait relativement discret depuis ton album Kilos De Plumes Et Grammes De Plomb sorti fin 2013.

J’ai vécu un drame familial, et la réalisation de l’album de Kool Shen – album qui s’intitule TBA – m’a pris pas mal de temps. Du coup, je ne me suis remis sur mes projets solo que depuis mai 2015. Par contre maintenant les chargeurs sont pleins.

On peut voir dans ta bio que tu as commencé à écrire, puis rapper à l’age de 12 ans. Comment es-tu venu au rap ?

En écoutant, par l’intermédiaire d’un grand de mon quartier qui me faisait tourner les cassettes des freestyles de radio Nova (lire notre dossier sur les 10 lieux cultes du Hip-Hop parisien des années 80 pour en savoir plus). Avec cela, il y a eu l’arrivée des clips de rap à la télé… Cela m’a tout de suite plu…

Tu es souvent catalogué, à tort ou à raison, “Rappeur engagé”. Que penses-tu de ces catégorisations encore omniprésentes dans le rap français ?

Je n’aime pas du tout car je me considère sans étiquette. Je peux néanmoins comprendre que les gens aient besoin de cataloguer les rappeurs pour mieux les identifier mais personnellement je n’aime pas être identifié ou alors en tant qu’ovni. Peut-être que cela vient du caractère original de mon rap.

On remarque à travers tes textes une insatiable soif de t’inspirer de la vie, ses tourments et de ses émotions pour nourrir ta soif de rapper. Ceci est ta manière de fonctionner ?

Je m’inspire de ce que je vis, ce que je ressens, des épreuves que je traverse. La science fiction ce n’est vraiment pas mon domaine, je serai vite à court d’idées.

Comment définirais-tu le succès d’estime ?

Je te dirais que ça ne remplit pas le frigo mais que cela fait quand même plaisir parce qu’à la base je n’ai jamais visé le million. Pour arriver au milieu, il y a des choses à faire que je n’ai jamais faites et que je ne ferai jamais, par conviction.

Comment s’est faite la rencontre avec Kool Shen, précédent votre (très bonne) collaboration avec IV My People, et qu’est ce que IV My People a apporté à ta carrière, artistiquement parlant ?

J’ai rencontré Kool Shen en 2001 suite à un concert sur Grenoble dans lequel je faisais sa première partie, lui a kiffé. C’est à partir de ce moment qu’on a commencé à travailler ensemble. Quant à IV My People, cela m’a apporté du professionnalisme, de l’exposition aussi et surtout une belle expérience.

https://www.youtube.com/watch?v=Bas_mh6ges4

Tu as aussi été en Major, chez AZ Universal, et on peut dire que cela ne s’est pas très bien passé. Qu’est-ce qui ne collait pas ?

Je pense que le label AZ de l’époque n’aurait pas du s’engager dans le rap vu le résultat de mes ventes mais aussi celui des ventes de Kool Shen et Salif. Ils savaient vendre de la variété mais pas du rap.

Ton nouveau projet, Black Album, sort le 4 décembre en indépendant. Peux-tu nous parler du processus de création de ce nouvel opus ?

C’est un album que j’ai enregistré cet été. J’avais à vrai dire un peu l’impression de tourner en rond. J’ai voulu me tester sur des sons un peu plus actuels tout en gardant mon truc. En fait j’ai fait comme d’habitude, le but est de pousser le délire toujours plus loin. 11 titres de cet album ont été enregistrés et écrits en 6 jours au studio Rootscore. C’était la canicule, cela donne une ambiance très particulière…

Jeff Le Nerf en pleine session studio pour Black Album, son nouvel opus.

Jeff Le Nerf en pleine session studio pour Black Album, son nouvel opus.

Les néophytes ne le savent pas forcément, mais tu as tout de même une longue carrière derrière toi, quel regard portes-tu sur celle-ci ?

Je pense qu’on a la reconnaissance qu’on mérite. Je ne suis pas spécialement accroc à la lumière. S’il fallait que je me colle une étiquette je dirais que je suis un rappeur de proximité. Je n’ai pas spécialement l’impression de mener une carrière, je le vois comme un parcours de vie tout simplement. Je suis dedans depuis tout gosse, c’est comme ça, aujourd’hui, je ne vois pas ma vie sans rapper.

Qu’est ce que tu écoutes aujourd’hui, rap français ou pas ?

Niveau rap français je n’écoute pas vraiment mais je jette une oreille sur ce qui se fait. Et il faut reconnaître qu’il y a du niveau dans tous les domaine. A défaut de rapporter beaucoup d’argent, le rap est très riche aujourd’hui…

Pour finir qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

De continuer à pouvoir faire de la musique et à servir mon public parce que même s’il n’est pas bien grand il est quand même là.

Remerciements : Sonia Nesrine.