IDK, la rédemption par le rap

idk-rapper
IDK - 1200x1200 (1)

IDK

En concert au Hasard Ludique

IDK, la rédemption par le rap

Aux côtés d’autres valeurs montantes du Maryland telles que YBN Cordae ou encore K.A.A.N., le jeune IDK (anciennement Jay IDK) continue de gravir les échelons et s’impose aujourd’hui comme un des ROOKIZ les plus prometteurs de 2019. À quelques jours de son concert au Hasard Ludique le 5 juin prochain dans le cadre du festival Paris Hip Hop, focus sur ce jeune espoir du rap US.

C’est par curiosité et suite à une publication d’Ash Riser que j’ai commencé à écouter le petit homme tenu en laisse sur sa pochette d’album Empty Bank. Pour ceux qui l’ignore, Ash Riser, présent sur cet excellent 13 titres, n’est autre que le compagnon de départ d’un certain Kendrick Lamar, qui l’a aidé notamment sur des titres comme Ronald Reagan Era. Aussi, avant même avoir lancé la lecture de l’opus et à la seule vision de la tracklist (Fat Trel, Saba, Masego, Michael Christmas, CJ Fly…), j’ai compris instantanément que Jay IDK savait s’entourer d’artistes de talents et qui partagent une certaine vision du rap : celle qui consiste à prendre le micro quand on a des choses à dire.

Ignorantly Delivering Knowledge

Natif de Londres sans y avoir vécu, IDK est issu d’une famille recomposée relativement aisée de Prince George’s County, une petite bourgade d’un million d’habitants de la région de Virginie. Destiné à un statut social plutôt élevé, Jason développe une fâcheuse tendance à la contradiction ; comme lorsqu’il choisit l’école réputée la plus « hard » du comté alors qu’il avait les moyens de choisir un établissement mieux côté.

I was supposed to be a doctor or something
Honor roll like my auntie and cousins
But instead I was a robber or something
’till they caught me red handed like my arm in the oven

« No Shoes On the Rug, Leave Them At the Door »

Cette expérience dans ce qui est, selon ses dires, le pire lycée de la région le pousse à se désintéresser totalement des études. En échec scolaire et en proie à des relations assez conflictuelles avec sa mère et son beau-père, Jason privilégie alors la vie d’à côté : les amis, les filles, les sorties et parfois même les conneries…

idk-rap (2)

© IDK

Incarcération Vocation Libération (x 2)

Il faut remonter dix ans plus tôt pour comprendre le renouveau et la prise de conscience du IDK actuel. Alors mineur et âgé de 17 ans, il commet l’irréparable : un vol à main armée dans une pizzeria. C’est l’un de ses proches amis qui le balance à la police… ambiance ! Pour rajouter un peu d’huile sur le feu, Jason est le premier de la famille à passer par la case prison… Tension à son comble chez les Mills.

En Virginie, un mineur peut être jugé sur les mêmes faits qu’un adulte pour : meurtre, viol et… tout ce qui implique une arme. Jason risque à l’époque 80 ans de prison, une caution de 300 000$ est fixée. Par chance, son arme n’est pas retrouvée et il voit sa peine se réduire à 3 ans. Une peine qu’il purgera en plusieurs étapes.

La première, celle où IDK prend conscience qu’il n’a rien à faire en prison, se fera en 6 mois. Une demi année à côtoyer des prisonniers adultes, souvent derrière les barreaux pour des actes beaucoup plus violents . Puis, son avocat réussit à lui obtenir une possibilité d’intégrer une maison de détention privée pour le reste de sa peine. La deuxième période durera 1 an et demi, durant lesquelles le rappeur reprendra goût aux études et envisagera alors de terminer son parcours scolaire pour devenir professeur d’informatique.

La dernière se déroule sur l’ultime année de détention. Alors qu’il est concentré sur ses études et malgré la détention privée, IDK se refait coffrer… pour retard de paiement. Cette fois, c’est la dirigeante de la maison de détention qui le dénonce.

De retour en prison, IDK prend son mal en patience et commence à écrire et à freestyler dans le fond de sa cellule. Bercé par la musique de Michael JacksonGorillaz ou Erykah Badu durant son enfance, il se tourne alors vers J. Cole, Kendrick Lamar (qui vient de sortir Section 80) ou encore Kanye West, qu’il décrit comme ses principales inspirations à cette époque. De nature discrète, il lâche ses premiers couplets devant des prisonniers ébahis par ses performances. C’est à ce moment qu’il commence à réfléchir à l’idée d’écrire son avenir en rimes.

idk-rap-convict (1)

© IDK

Progression Maturation Confirmation

À sa sortie de prison, IDK prend le taureau par les cornes et commence à poser des freestyles sur YouTube avant de sortir son premier clip « Shotty Mouth ». Cette vidéo lui permettra de se faire un nom dans le Maryland et ainsi travailler sur son premier projet Sex, Drugs & Homework. Malgré le succès très limité du projet, il permettra au jeune artiste de se créer une première fan base.

En 2016, il revient avec un second effort solo nommé Subtrap. Dans cet opus, il donne vie à des alter égo qui reprendront différentes personnalités qu’il a pu croiser au cours de son existence. On retrouve entre autres, Jay & Her (lui et une fille), King Trappy III le gangster, Chris l’étudiant qui fume à longueur de journée ou encore Jon Jon et son frère et leurs histoires pas très légales…  On compte pas moins de six personnages qui communiquent entre eux et apportent chacun leur propre histoire.

Véritable tournant dans la carrière d’IDK, c’est à la suite de Subtrap qu’il commencera à assurer les premières parties de Freddie Gibbs, qui lui offre ainsi la possibilité d’exprimer son talent à plus grande échelle et dans des concerts pleins à craquer. En parallèle, il continue de travailler sa musique et se penche déjà sur une nouvelle mixtape, celle dont je vous parlais en introduction : Empty Bank. Sur ce projet fois, il ouvre les portes et convie les artistes cités en début d’article : Fat Trel, Saba, Masego, Michael Christmas ou encore CJ Fly.

Évolution Abnégation Consécration

Entre 2016 et 2017, Jay IDK ne s’arrête plus. Il enchaîne les dates et tournées (notamment avec Isaiah Rashad) et signe un partenariat avec Adult Swim pour la sortie de son premier album studio IWASVERYBAD. La préparation de ce premier album va confirmer tout le potentiel de l’ex-détenu qui choisit alors de raccourcir son nom pour IDK. D’un point de vue musical, cet album est un cocktail d’influences multiples et variées. De la trap avec Chief Keef ou Yung Gleesh à des sons plus jazz, IDK dévoile une palette artistique riche et continue de décliner son univers très introspectif, dans la lignée de ses précédents projets. Acclamé par la critique, IWASVERYBAD lance IDK dans le grand bain et assoit un peu plus sa présence sur les radars de la presse rap.

Devenu complice de Denzel Curry ou A$AP Ferg, qu’il va côtoyer le long d’une tournée commune en 2018, il sort en fin d’année dernière une mixtape sobrement appelée IDK & FRIENDS 🙂. Un projet plus léger sur lequel IDK se fait plaisir en invitant sur chaque titre un artiste avec qui a eu le plaisir de collaborer par le passé. On compte parmi eux des rappeurs établis comme Wale ou Domo Genesis mais également des artistes émergents comme l’excentrique Rico Nasty ou l’humble Maxo Kream.

Aujourd’hui âgé de 27 ans, IDK semble déterminé à se faire une place dans la cour des grands : « 2019 is my year », peut-on ainsi lire en intro de son clip de « ONCE UPON A TIME ». Le gamin a les dents longues et il n’hésite pas à aller titiller des artistes bien en place tels que Logic, autre rappeur du Maryland, avec qui il règle ses comptes sur son dernier titre « Trigger Happy » :

Logic and his manager tried to ruin my deal

I guess that’s what happens when you tell a nigga who spent his whole career proving that he’s Black that he ain’t black still

But when you taking food out my fridge I ain’t gotta chill

Pas de date de sortie, ni de tracklist pour le moment concernant un probable nouvel album nommé IsHeReal mais déjà une profonde envie de découvrir ce que IDK nous réserve pour la suite. En attendant, on sera sans aucun doute aux premiers rangs le mercredi 5 juin prochain pour son concert au Hasard Ludique dans le cadre de la quatorzième édition du très bon festival Paris Hip Hop, histoire d’aller plier les coudes sur ce genre de banger !

IDK - 1200x1200 (1)

IDK

En concert au Hasard Ludique