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Vin’s nous donne les clés de lecture de sa carrière

Tu es une personne qui semble naviguer entre Paris et Grenoble. Aujourd’hui, où te trouves-tu exactement ?

Actuellement, je suis à Montpellier. En général, je suis principalement entre Montpellier et Paris, mais j’ai toujours un lien spécial avec Grenoble où je vais de temps en temps pour retrouver mes amis, car j’ai un cercle proche là-bas.

Tu es impliqué dans le rap depuis un certain temps maintenant. Malgré les hauts et les bas, tu es toujours là. Qu’est-ce qui te motive à persévérer malgré les difficultés ?

J’ai traversé différentes phases dans ma carrière musicale. Comme je l’ai évoqué dans ma dernière vidéo, j’ai appris à voir les choses sous un angle différent au fil des années. Ce changement de perspective m’a permis de mieux gérer la pression et les défis inhérents à la musique. Être dans le monde du freelance, que ce soit en tant qu’artiste ou dans d’autres domaines, comporte son lot d’incertitudes et de pression. Pour ma part, adopter une attitude plus détachée m’a beaucoup aidé à continuer.

Aujourd’hui tu es dans cette dynamique ? 

Exactement. Je me retrouve un peu dans cet état d’esprit que j’avais quand j’étais plus jeune, où je voulais « tout niquer », pour ainsi dire, mais j’avais moins de responsabilités. Aujourd’hui, je ne peux pas retrouver exactement cette insouciance, car j’ai acquis une certaine expérience du milieu. Cependant, je m’en soucie moins, ce qui me permet de retrouver une certaine légèreté dans ma démarche.

Beaucoup de personnes auraient peut-être abandonné face aux difficultés que tu as rencontrées. Qu’est-ce qui t’a poussé à continuer malgré tout ?

Je pense que la clé réside dans la capacité à se remettre en question et à s’adapter constamment aux situations. Dans le domaine artistique, il est essentiel de tirer des leçons de ses expériences passées, même des échecs. C’est ce processus qui m’a permis de mieux me connaître et d’affiner mon travail au fil du temps.

Est-ce que tout ce que tu as vécu influence également ton art ?

Absolument. Mes expériences, qu’elles soient positives ou négatives, ont largement inspiré mes trois derniers projets musicaux : La chambre d’écoute, Le masque vide et Le faux miroir. Ces projets reflètent beaucoup mon vécu et mon évolution en tant qu’artiste.

Récemment, tu as partagé deux vidéos dans lesquelles tu te livres sur ton parcours et tes émotions. Comment cette idée est-elle née ?

L’idée est venue progressivement. Tout a commencé en août 2023, lorsque j’ai eu l’idée de créer ces vidéos, avec l’intention de trouver un moyen plus authentique de partager mon histoire, loin des réseaux sociaux traditionnels. À cette époque, nous avions envisagé un ton plus léger, dans l’esprit de YouTube : avec des mèmes et des éléments plus divertissants. Mais, après avoir traversé des difficultés personnelles en septembre-octobre de la même année, j’ai ressenti le besoin de changer radicalement de direction. C’est alors que nous avons décidé de reprendre les vidéos avec une approche plus poétique et introspective, reflétant davantage mon évolution personnelle.

Les vidéos combinent des images d’archives, des plans actuels en face caméra et des extraits de films. Comment avez-vous choisi ces éléments ?

Pour les images d’archives, nous avons effectué une recherche approfondie pour trouver des éléments pertinents. Pour les extraits de films, nous avons choisi des scènes qui résonnaient avec mon histoire personnelle et qui véhiculent les émotions que je voulais transmettre.

Ce processus a-t-il été difficile ?

Ça m’a plu mais ce travail a également été très fastidieux. Il fallait déjà se replonger dans les archives avec toute la quantité de vidéos et le poids émotionnel que ça implique. Concernant les extraits de films, la première partie ne m’a pas posé de problème. J’adore Robin Williams et ça m’a fait plaisir de pouvoir utiliser Le Cercle des Poètes disparu qui s’est imposé à moi un peu comme une évidence. Par contre, trouver les bons extraits de films pour la deuxième vidéo a été particulièrement difficile. Il nous a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour trouver les citations qui reflétaient vraiment ce que je voulais exprimer. Mais au final, je suis très satisfait du résultat avec les extraits du film Le marchand de rêves.

J’ai remarqué dans les commentaires ce message : « Merci pour ce partage et pour ta vulnérabilité. » C’est vrai que ces vidéos documentaires sont souvent conçues pour mettre en avant un succès. Mais ici, c’est vraiment pour montrer les difficultés.

Exactement, c’était important de montrer que ma vie ressemble à celle de tout le monde. On est souvent attiré par des rêves de succès. Je suis content de ce que j’ai accompli dans la musique et suis fier de mon parcours. Mais, il y a quelques mois, j’ai ressenti cette frustration. À 20 ans, je m’imaginais peut-être avec des disques de platine, dans mon propre studio. Mais avec le temps qui passe, je me rends compte que certaines cases n’ont pas été cochées. Il faut aussi assumer que ces questions te hantent, tu y penses tellement que ça en devient obsessionnel. Tu te demandes si tu n’as pas raté quelque chose, et c’est une interrogation commune à beaucoup.

Pour moi, c’est intéressant de montrer cette facette. On a souvent tendance à être dans l’égo et à se glorifier. Parfois, même les rappeurs, lorsqu’ils évoquent leurs difficultés, le font avec une sorte de fierté mal placée. Moi, je voulais montrer qui je suis vraiment, sans artifice ni masque. La vidéo n’est pas parfaite, et certains pourraient trouver des défauts, mais je n’ai pas cherché à entrer dans des cases. J’ai simplement dit : “c’est moi”. C’est tellement moi que j’ai quasiment tout monté moi-même. C’est ma première vidéo, et voilà ce que ça donne.

Tu as vraiment assuré pour une première vidéo montée ! 

Oui, et ma copine m’a beaucoup aidé, il faut le dire.

Vous avez avancé en binôme ? 

Oui, on était ensemble H24, même les week-ends. Ça a vraiment un impact sur le quotidien, tu sais. Parfois, je passais la semaine à Paris, et on se disait : « On va faire quelque chose ce week-end« . Mais non, j’avais une vidéo à monter !

Es-tu content des premiers retours ?

Oui, vraiment content. Les premiers retours ont été géniaux ! Les gens ont été touchés, et j’espère que ça accompagnera le projet que je vais sortir. Même pour ceux qui écoutent mes anciennes chansons, ils verront que les paroles prennent encore plus de sens. Quand je disais « j’ai pas besoin d’un bon instrument mais d’un bon avocat » dans un de mes morceaux, c’était à un moment où je me séparais de mon label. Cette phrase n’était pas juste pour la rime, elle avait vraiment du sens. C’est intéressant de comprendre les paroles dans leur contexte.

En fait, tu donnes des clés de lecture ! 

Exactement.

Je n’ai pas de question spécifique sur ce point, mais je voulais te saluer pour aborder un peu la santé mentale dans la musique, surtout dans le rap. 

Il y a peu de temps, je discutais avec un autre rappeur, et il expliquait qu’il se sentait mal, même s’il gagnait bien sa vie. Quand il rentrait chez lui et voyait ce que les autres faisaient, il se disait qu’il ne travaillait pas vraiment. Mais je ne suis pas d’accord. On choisit la vie que l’on mène, avec ses avantages et ses inconvénients.

Moi, j’ai choisi une carrière artistique, mais ça implique aussi son lot de difficultés. C’est ça être artiste aujourd’hui, soumis aux réseaux sociaux, à la concurrence… Et puis, il y a cette pression constante, ce sentiment que quelque chose va se passer à tout moment. C’est dur de prendre des vacances, de prévoir quelque chose à l’avance. Les concerts sont le week-end, donc c’est ça, la vie d’artiste !

Puis, ce milieu m’a un peu dégoûté en réalité parce que les gens pensent qu’aux chiffres, ils veulent juste le succès. Initialement, c’était censé être du partage. Lorsque j’ai commencé la musique c’était pour partager cette passion avec des gens. 

En tant qu’artiste je remarque quelque chose à petite échelle : le fait de se faire reconnaître. Où que j’aille, je me sens un peu dans le besoin de me maîtriser. Ça te met un peu une pression sociale.

Depuis 2023, on observe un changement au niveau de ta DA et surtout sur tes pochettes qui sont en illustration. Est-ce que tu peux nous en parler un peu sur ces choix ?

J’avais envie de faire quelque chose qui me ressemble et il se trouve que je suis également magicien dans la vie. J’ai toujours cherché à relier cette pratique avec la musique mais sans quelque chose de trop évident. Et je trouve que le surréalisme relie énormément de choses. Il y a ce questionnement de la réalité. Et comme j’aime beaucoup le style de René Magritte, on est partie sur cette idée de pochette que nous avons réalisée à l’aide d’IA. Et l’idée du WeTransfer est venue naturellement car on utilise toujours cette plateforme. Puis ça nous permettait de mettre la tracklist. 

Ton nouveau projet reflète bien ta carrière : on y retrouve ton talent de punchliner et de dénonciateur malgré le fait que tu exprimes l’envie de te détacher de cet aspect. 

Même si j’avais envie de m’en détacher, je n’ai pas envie de l’effacer. Si j’ai voulu le faire sur des projets comme Sofia aujourd’hui je ne cherche pas à le gommer. C’est quelque chose qui fait partie de moi !

Comment as-tu travaillé les instru sur ce projet là ?

Il y a une continuité avec mon projet précédent sur lequel on avait déjà commencé à poser des bases. Même si Le Masque Vide, est légèrement plus acoustique et mélodieux, avec Le Faux Miroir on est allés dans quelque chose de plus rap. J’ai principalement travaillé avec Herman sur le projet. Pour l’intro et l’outro, on avait fait une résidence en juin et on avait déjà commencé à créer quelque chose. Sur le projet, il y a une partie que j’ai réalisée lorsque j’étais encore dans le run et il y a des morceaux que j’ai fait quand je commençais à m’en foutre. Par exemple, Slim ou A4, c’est un morceau que j’ai fait pendant que j’en avais plus rien à faire du rap. La prod de Highlight, il y  3 mois en arrière on se serait dit “non peut-être un peu trop boom bap” alors que maintenant je m’en fiche, si ça me fait kiffer je vais le faire ! 

Pour terminer, pas de question mais un constat : tu expliques dans tes vidéos que tu as eu du mal à apprendre à écrire et aujourd’hui c’est ton métier ! Bravo c’est une belle revanche sur la vie !

Merci beaucoup, ça me touche ! 

Merci à Vin’s et Loïc pour leur bienveillance.

Merci à Pierre pour l’organisation de cette rencontre.

Manon Virsolvy

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