Susanoô : la définition d’un Artiste chanson-rap
Susanoô, l’auteur-compositeur qui a captivé des millions d’auditeurs et auditrices avec ses covers voix/guitare et piano, dans son dernier EP Cover Capsule I, a dévoilé il y a quelques semaines son nouveau single « Briller ». Nommé d’après le dieu japonais de la tempête, il intègre l’essence de la chanson française, le charme d’une popstar et le groove du funk dans son art. Dans cette interview, il revient sur sa jeune carrière dans la musique : du beatmaking à la sortie de projets en solo.
Peux-tu te présenter pour nos lecteur·rice·s qui ne te connaissent pas ?
Moi c’est Susanoô, j’ai 26 ans et je suis auteur-compositeur et interprète. Je vis au Mans.
Quel est ton parcours, comment as-tu commencer la musique ?
J’ai commencé la musique par l’écriture, la poésie et le slam. Le piano et la guitare sont des instruments que j’ai approché au début du lycée. Ensuite j’ai mis en commun les deux pour faire mes propres morceaux. J’ai commencé par écrire et composer pour mes potes qui chantaient puis j’ai commencé à chanter mes propres textes, un peu plus tard. J’ai commencé par le piano de la cafétéria de mon lycée [rire] et j’allais au magasin de musique le mercredi pour jouer sur les pianos d’essai pendant deux ou trois heures
Tu sais jouer de nombreux instruments : piano, basse, guitare, ukulele, harmonica, cajon. Comment as-tu appris tout cela ?
J’ai commencé en autodidacte. Tout le monde essaie d’apprendre à jouer de la guitare donc quand on est plusieurs on s’entraine et c’est comme ça que j’ai appris la basse aussi, pour me diversifier. Le prochain instrument que j’ai envie d’apprendre à jouer c’est le saxophone parce que selon moi, c’est le plus bel instrument dans le phrasé, le jeu et l’émotion. J’aime comprendre comment les instruments fonctionnent.
Pour revenir sur ton parcours de producteur, quels producteur·rice·s / beatmaker·euse·s t’ont influencé ?
Je n’ai pas vraiment de nom de tête, mon parcours de beatkmaker est un peu particulier. En fait, avec mes potes, on cherchait sur internet des productions mais je ne trouvais pas ce qui me correspondait et je ne voulais avoir la même couleur que les autres. C’est comme ça que je me suis intéressé à la production. J’étais entouré de personnes qui produisaient déjà et moi je me suis mis au beatmaking pour pouvoir faire mes morceaux et avoir de la matière à personnaliser. Je ne suis pas un historien du beatmaking, même si comme tout le monde, j’apprécie les productions des gros noms comme Dr Dre et de Timbaland, j’ai commencé le beatmaking dans l’objectif de faire mes propres morceaux.
Comment es-tu passé de l’instrument au logiciel de composition ?
Cela s’est fait naturellement. Je commence toujours par le piano-voix ou par la guitare-voix donc quand je passe sur un logiciel informatique, comme FL Studio, j’ai déjà mes notes de piano et je développe par-dessus. Cela se fait de manière fluide.
As-tu un artiste en tête quand tu commences ou un objectif de collaboration ?
Non vraiment j’ai commencé pour moi. Mon entourage était plus avancé dans le domaine du beatmaking, notamment Dada [producteur et ami de Susanoô], donc j’ai été baigné dans un univers de composition. J’ai commencé à faire mes petits trucs de mon côté jusqu’au moment où les « grands » m’ont validé ce qui m’a permis de faire des collaborations au fur et à mesure.
Tu es producteur sur de nombreux titres grand public comme Ninho, YL, La Fouine, RK & Maes… Peux-tu revenir sur ces collaborations ?
Le premier conseil que j’ai eu de Dada c’est d’être professionnel. C’est-à-dire que nous ne nous positionnons jamais en « fan » lorsque nous arrivons dans le studio avec des artistes de renom comme Maes mais en tant qu’associé-producteur, nous sommes là pour travailler. À chaque fois les artistes viennent pour une certaine sonorité, nous remplissons la demande. À l’avenir j’aimerais beaucoup travailler avec Stromae, Yâmé et Nemir.
Quelle est ta propre instrumentale favorite ?
En production déjà sortie je dirais « Briller » pour un son à moi et le featuring « Petit coeur » de RK & Maes.
Quelle est la production que tu aurais aimé composer ?
La première qui me vient en tête c’est « Fille de joie » de La Zarra.
En t’écoutant nous pouvons ressentir l’influence de beaucoup d’artistes, ton univers est très riche (Don Toliver / Karol G / Féfé / Luidji / Black Kent ou encore Henri Salvador) tu dis toi-même faire de la chanson-rap. Quelle est ta définition de la chanson-rap ?
Je dirais que c’est un hybride qui vient du fait de mixer ces affluences-là qui peuvent être éloignées mais qui au fond se rejoignent : le rap et la chanson française. J’ai marqué mon identité en chanson-rap parce que j’ai fait beaucoup de concours où l’on me positionnait dans une certaine case. Moi-même j’étais assez tiraillé de savoir comment me présenter et cette définition est ce qui me parle le plus.
Dans tes chansons-rap, tu fais souvent référence à la trahison, la déception et plus globalement aux personnes intéressées. Dans “Force” en 2022 tu disais “Je suis démarqué tu ne fais pas la passe”. Est-ce que depuis ton passage aux Inouïs du Printemps de Bourges on te fait plus de passe ? [Rire]
Je ne sais pas, je pense que j’ai toujours eu un positionnement un peu d’observateur. J’ai toujours beaucoup analysé ce qui m’entoure. Mon cercle ne change pas donc finalement je ne m’en rends pas vraiment compte.
Dans ton EP Cover Capsule tu reprends des morceaux existants, par exemple “Crash” de Prince Waly avec Jazz Bazz et Enchanté, comment as-tu sélectionné ces morceaux sur lesquels tu voulais apporter de l’acoustique ? Et comment t’es venu cette idée ?
La sélection a été très simple : ce sont les morceaux que je kiff. Si un morceau arrive à me parler, je peux faire quelque chose dessus en rajoutant ma touche. Il y a une berceuse brésilienne dans l’EP, je ne parle pas un mot de portugais [rire] mais l’émotion procurée a été tellement forte quand je suis tombé dessus que cela m’a parlé directement. Dans le rap nous avons un tabou avec le concept de cover – reprise parce que la culture est plutôt portée sur « j’écris mes textes » alors que dans la chanson française cela se fait beaucoup. Moi cela me plaît et ça contribue à partager la musique encore un peu plus. J’ai eu des bons retours des artistes, ils se rendent compte que je ne dénature pas le sens de la musique, c’est un clin d’œil pour eux.
Peux-tu en dire plus à nos lecteur·rice·s sur ta direction artistique sur l’ensemble de tes projets ?
Les titres de mes EP : Ichi et Nitoryu c’est un concept de décompte, je vais garder ça tout au long de ma carrière. Pour les prochains projets on va aller plus loin sur du propos et des histoires. Les projets avec la numérotation ce sont des projets où je me fais plaisir, ils sont plus variés.
Tu viens de sortie le clip de « Briller », peux-tu nous parler de ton nouvel opus ?
Oui, j’ai déjà le nom En premier l’amour je spoile [rire]. Cela fait un moment que je le travaille et il rentre dans un projet plus grand que je construis depuis un an déjà. Ce projet sera en trois parties. En premier l’amour traitera de l’amour sous toutes ses facettes, de la famille, de l’argent, de la famille etc.
En 2022, dans ton album Force tu disais que 80-90% de tes productions sur l’album était les tiennes, c’est toujours le cas sur ce nouveau projet ?
J’ai toujours la même mentalité dans le sens où je suis enfermé au studio la plupart du temps pour macérer mes projets. Si je sens qu’un beatmaker peut apporter sa touche alors je n’hésite pas à le contacter. Je ne suis pas fermé.
Quid des projets à venir avec tes groupes Symbioz et Ingoba ?
Avec Ingoba, on continue de produire et on se concentre sur les lives. Concernant Symbioz, chacun est parti sur ses propres projets artistiques mais on continue de faire de la musique ensemble.
Pour finir, quels conseils donnerais-tu aux jeunes beatmakers qui aspirent à faire carrière dans l’industrie musicale ?
C’est assez cliché mais il faut faire ce que tu aimes. C’est le principal. C’est compliqué de sortir du lot alors si en plus c’est en faisant quelque chose que tu n’aimes pas le chemin sera d’autant plus compliqué. Mon deuxième conseil serait de vous former : il y a tout un panel d’activité qui peut faire qu’à terme tu peux vivre de la musique. On pense que le beatmaker ne fait que de la production mais il est possible de faire des formations, des ateliers…
Merci pour ces conseils Susanoô.
Merci