Alors que les beaux jours arrivent tranquillement, le plus célèbre des rappeurs albinos vient lui aussi mettre un peu de douceur dans votre quotidien avec son nouvel opus. Près de cinq ans après le très bon Mourning in America and Dreaming in Color, Brother Ali revient avec son nouvel album intitulé All The Beauty In This Whole Life. Un titre qui porte à lui seul tout l’esprit de cet album.
Plutôt connu pour ses prises de position et son rap engagé, le rappeur de Minneapolis délivre ici un album qui s’inscrit dans la lignée de ses projets précédents. Au travers de sujets actuels tels que l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis ou encore le mouvement Black Lives Matter, Brother Ali donne un point de vue intéressant sur le monde qui l’entoure. La différence avec ses projets précédents réside dans la façon de rapper. Il aborde tout cela avec un calme olympien, dans des textes dépourvus de rage. Le titre « Dear Black Son » en est le parfait exemple : au-delà de la critique de la haine raciale qui existe aux Etats-Unis, c’est est un véritable éloge de la culture et de l’histoire afro-américaine.
« They lied when they said it was the bottom where you started
You were a king long before them ships departed »
A l’opposé, le morceau « Before They Called You White » est un brûlot qui critique fermement la façon dont l’homme blanc a toujours cherché à s’approprier la terre, et les répercussions que cela a sur notre présent et notre futur. C’est donc avec un flow très posé, mais des rimes toujours aussi travaillées que Brother Ali s’exprime sur ces thèmes on ne peut plus importants. On retrouve tout de même la verve du MC albinos dans les titres « Pen to Paper » ou encore « Never Learn ».
Au-delà des morceaux politiques, All The Beauty In This Whole Life est également un album très personnel et introspectif. Par le biais de nombreux storytellings, Brother Ali y partage plusieurs expériences vécues, aussi lourdes de sens que douloureuses. Ces histoires font partie de lui car ce sont des « blessures » comme il l’explique à la fin du morceau « Can’t Take That Away »: « You can forget about scars but you can’t forget about wounds ». Comment rester insensible au titre « Pray For Me », où il relate ce qu’il a enduré au cours de sa jeunesse à cause de son albinisme. De même pour le morceau « Out of Here », hommage poignant à son père et son grand-père qui se sont suicidés. Mais c’est véritablement « Uncle Usi Taught Me » qui s’avère être la parfaite jonction entre le côté engagé et l’aspect plus intime du rap de Brother Ali. Il y raconte un passage difficile de sa vie, où à la suite d’un incident au cours d’un voyage en Iran, il s’est vu être traité comme un terroriste en rentrant aux USA, ce qui lui coûta quasiment une interdiction de prendre l’avion.
« Now imagine my exhausted embarrassment
Get back to America they interrogate me like a terrorist «
Sur ce nouvel opus, on sent la volonté qu’a Brother Ali de se construire en tant qu’homme au sein du monde qui l’entoure. Au fil des morceaux on suit le voyage intérieur d’un homme en discussion avec lui même, dévoilant ainsi sa philosophie de vie à travers un parcours spirituel, teinté de religion. Cette philosophie, c’est la voie de la positivité. Au-delà du personnel, cette philosophie s’imprègne jusque dans sa musique et sa façon de rapper. Ses textes sont sublimés, magnifiés par les instrumentaux composés par son ami et comparse du label Rhymesayers Ant, beatmaker du duo Atmosphere.
A la fois fidèle à lui-même et pourtant plus mature, Brother Ali montre dans All The Beauty In This Whole Life toute la force de son rap : celui d’un homme capable, à travers une réflexion sur lui-même, d’apporter des enseignements utiles à tous.