Reason – There You Have It

Septembre 2018

Reason

There You Have It

Note :

Reason, le dernier signee de chez TDE vient de sortir son nouvel opus sous ses nouvelles couleurs. Annonçons que l’ADN du label est respecté : des textes qui suent la rue et des productions au cordeau même si tout n’est pas irréprochable sur ce projet.

Reason, c’est le gars dont peu avait entendu parler avant la touffeur de cet été et l’annonce surprise de sa signature dans le plus grand label hip-hop du moment. Un joli sceau de reconnaissance pour un rappeur qui n’a pourtant rien d’un novice et qui, à force de volonté et de confiance en son talent, a su regarder dans les yeux quelques étoiles du genre. Reason, c’est le verbe et la rue. Une certaine conception du rap pensée par Anthony Tiffith et relayée avec le succès qu’on leur connait par Jay Rock, Kendrick Lamar, Ab Soul ou ScHoolboy Q depuis quelques années.

Presque en écho à la Redemption réussie de Jay Rock, There You Have It jette à nouveau l’auditeur dans les rues gangrénées de LA, et de Carson en particulier. De ces rues où le soleil éclaire les drames et la cruauté de l’espoir déçu promis par la pauvreté et la guerre des gangs. Le rap a toujours été un phénomène sociologique dans sa capacité à raconter ce que les doctorants mettront 10 ans à expliquer. Et clairement, Reason a su y dépeindre sa touche de douceurs, de résilience et de cruautés.

A little glimpse of soul

En douze titres et un effort de 45 minutes, il a pris le soin de démontrer pourquoi « Top Dawg » l’a fait signer : des lyrics à double lecture, teintés d’humilité et de résiliation, une sensibilité de la plume de haute volée et un kicker acharné.

Now wait up, my life movin’ quick, had to slow like a change up
But never change up, just focus on gettin’ change up

Pour faire vivre le mouvement et continuer à affirmer sa vivacité, Reason s’appuie clairement sur les recettes qui ont fait son succès. A commencer par sa sensualité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le MC parie sur ce caractère indissociable de la soul music pour distiller des textes emprunts d’espoirs et de tristesses dont seul le mélange entre la percussion et la scansion du rap et la grâce de la soul peuvent garantir l’osmose.

D’ailleurs, si la démo est facile, quel meilleur argument que d’évoquer le morceau « The Soul » qui a fait de la nouvelle recrue de TDE une des curiosités de l’été ?

TDE off-house?

On le sait, si TDE a su s’imposer comme un label sur-performant et pourvoyeur de sonorités qui grandissent le rap, c’est parce que les artistes (MC et beatmakers) travaillent ensemble, presque en vase clos, au sein de la House of Pain, recyclée en fabrique à disques d’or depuis que ses portes se sont ouvertes devant K Dot et ScHoolboy Q notamment. Pourtant, on constate que même si Dave Free a du sceller le projet, l’équipe de producteurs n’est pas forcément affiliée aux Digi+Phonics.

Les plus attentifs avaient entendu parler de Reason lors de sa prestation sur la BO de Black Panther sur le morceau « SEASON » dont la musicalité faisait déjà écho aux recettes qui font de There You Have It un projet singulier. Le tempo lent et l’atmosphère langoureuse qui s’en dégagent se font déjà l’écho de la sève de ce opus : « mets-nous une jolie galette de soul avec des notes qui crépitent, je m’occupe du spit ».

Voilà la formule qui semble avoir drivé le natif de Carson au moment de brander son opus chez Top Dawg. Et s’il a débarqué avec un savoir-être qui a convaincu TDE, il semblerait également que son savoir-faire les ait conquis puisque les productions sont signées par son équipe (parmi lesquels on pourrait citer Classic Beats, SWI$H, Kampo ou Tropical Gameboy qui sont tous, hormis SWI$H qui a fricoté avec The Weeknd sur son « True Colors », d’illustres inconnus).

C’est peut être justement la faiblesse qu’on pourrait reconnaître à cet opus : Reason a débarqué avec son crew pour assurer ce qu’il sait faire de mieux. Si le résultat est objectivement louable, le manque de variations mélodiques dans les productions, une monotonie et une recette déclinée sur les 12 tracks qui font le projet marquent sans doute une voie perfectible. Ce qui, finalement, n’ancrera peut être pas cet opus comme un immortel du genre.

Notons également que Reason convie peu d’artistes sur ce projet (Xian Bell et Space 600 & D Beezy). Ce qui semble très cohérent avec la sensibilité et la sincérité des thèmes abordés et qui renforce l’effet d’intimité et d’appropriation des sujets évoqués.  Enfin, il est notable de signaler qu’aucun membre de TDE n’y apparaît. Assurément, un opus intéressant à plus d’un titre qui pourrait annoncer un changement de stratégie de la part du label de L.A.

Clairement, Reason chez TDE, c’est une découverte et, surement, une bonne idée. Seul l’avenir nous le dira mais la démonstration qu’il réalise pour ce premier projet dans un label où il ne pouvait qu’être observé et jalousé est déjà une belle performance. Plume précise, verbe acéré et allégories bien amenées rythment son écriture et emmènent l’auditeur vers plus d’écoutes pour en déceler les subtilités. Cependant, si c’est faire la fine bouche que d’en réclamer davantage au regard de sa récente arrivée au sein de l’écurie, on sent tout de même qu’il faudra encore un peu de temps à Reason pour épouser les codes de la maison et sortir de sa zone de confort. A n’en pas douter, il suffit de se pencher sur ses textes pour comprendre que ca ne lui fait pas peur et qu’un prochain projet pourrait nous le démontrer.