Comment Timbaland a redéfini les codes du rap et R&B post-2000 (Part 3)

Timbaland author photo CR: Eric Ray Davis

Comment Timbaland a redéfini les codes du rap et R&B post-2000 (Part 3)

Pour cette troisième et dernier acte d’un dossier trilogique consacré à Timbaland, Stéphane Morriset (alias Sagittarius), vous propose une analyse de la carrière de ce producteur de génie depuis la sortie de Under Construction part 2 en 2003 et jusqu’à nos jours.

Un an après le coup de maître de « Cry Me A River » qui a ouvert la voie au Justified de Justin Timberlake et la co-production du quatrième opus de l’iconique Missy Elliot, Timbaland & Magoo signaient la suite et fin de leur épique collaboration avec Under Construction part 2.

Fin des ouvrages…

Under Construction part 2 est un disque assez atypique sur lequel Timbaland a choisi de mettre l’accent sur des rythmes tribaux, des samples mélodieux et des basses à faire trembler les murs. Cette recette ayant fait ses preuves, elle a été extrapolée sur cet album dans lequel l’alchimie entre Timothy et Magoo semble renforcée. Parmi les titres qui ont fait la réputation de cet album, lui aussi méconnu, on peut compter sur le très lourd « Cop That Shit » avec Missy et surtout, « Indian Flute » avec l’artiste indienne Raje Shwari (qu’on entend également sur le banger « Naughty Eyes »), prouvant une nouvelle fois que Timbaland est un grand amoureux de mélodies hindous et que personne ne veut rivaliser avec lui en matière de samples de flûte. Les featurings très colorés de ce troisième album comptent Wyclef Jean, Raje Shwari, le raggaman Beenie Man ou bien Brandy, qui apporte son groove chaleureux sur « N 2 Da Music ».

Malgré la longue période de deuil suite à la disparition d’Aaliyah, la productivité de Timbaland ne faiblit pas jusque l’année 2004, millésime durant lequel il assurait la production de This Is Not A Test pour Missy Elliott, The DEFinition pour LL Cool J et Afrodisiac de la chanteuse Brandy. Entre temps, Timbaland fut l’auteur de quelques sorties significatives dans les charts et les esprits avec des morceaux qui ont fait date, comme « The Jump Off » de Lil Kim et le monumental « Dirt Off Your Shoulders » d’un Jay-Z qui annonçait alors sa retraite…

Renaissance dans la pop

A partir de 2005, Timbo, peut-être habité par le sentiment d’avoir fait le tour du rap et du R&B, met sa carrière de hitmaker en pause, exception faite pour The Game, avec « Put You On The Game », sur The Documentary (bien qu’on puisse supposer que le morceau fut enregistré en 2004), et évidemment pour Missy Elliott pour qui il ne produit seulement que deux tracks, dont le génial « Joy », sur The Cookbook .

Durant cette période de stand-by, Timbaland semble préparer son plan d’attaque pour conquérir pour de bon la pop music lorsqu’il crée son label Mosley Music Group et le rattache au géant Interscope (qui englobait alors la sainte trinité Aftermath, G-Unit Records et Shady Records). C’est sous cette nouvelle maison que le producteur signe son retour avec l’album Loose de la chanteuse canadienne Nelly Furtado, un album pop majeur et truffé de bangers et autres ballades radio friendly, qu’il co-signe avec le padawan Danjahandz.

Son entrée fracassante dans la pop se confirme cette même année avec la production de FutureSex/LoveSound de son ami Justin Timberlake dont l’impressionnant succès commercial s’étalera sur deux années. Avec ces deux nouveaux succès mondiaux, il n’en fallait pas plus pour voir apparaître les comparaisons de Timbo King avec l’indétrônable Quincy Jones. Si la comparaison pouvait sembler exagérée, Timbaland a en tout cas réussi son pari de transfigurer sa musique pour l’adapter à la pop, qu’il s’apprêtait désormais à reconfigurer.

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Timbaland et Justin Timberlake au MTV Awards de 2007

Fort de ce succès, le tremplin était trop parfait pour re-propulser sa carrière solo. C’est d’abord avec Justin Timberlake et Nelly Furtado, avec qui il dominait les charts, que le producteur lança son single imparable « Give It To Me », reconnaissable d’entrée de jeu grâce à sa longue introduction aux percussions complexes.

Grâce à ce nouveau tube, Timbaland pu orchestrer son grand retour avec l’album Shock Value en Avril 2007. Un album-compilation qui rassemble une flopée d’artistes rap et R&B, dont 50 Cent, Missy Elliott, Magoo évidemment, Dr Dre, le frangin Sebastian, JT, etc… Un disque qui commence par un sample de Nina Simone, transite par la pop-r&b avec « The Way I Are » et « Scream » (deux autres tubes destinés à révéler sa protégée Keri Hilson), pour finir avec du pop-rock en compagnie des Fall Out Boys, The Hives et son groupe de rock, les One Republic, qu’on découvre ici pour la première fois avec le fameux « Apologize ». Cet album qui deviendra platine et culminera dans les charts se conclut avec Sir Elton John en personne, rien que ça…

Tomber et se relever encore

Après l’épisode Shock Value, Timbaland semblait avoir joué toutes ses cartes. Si le talent chez lui était inné, l’inspiration semblait s’épuiser. C’est ce qu’a confirmé Shock Value II, qui sort fin 2009. A l’inverse du premier volume, cet album est une énorme catastrophe, constitué de productions insipides où seuls quelques titres (« Say Something », merci Justin ; et une bonus track avec Lil Wayne et Shakira) sont à sauver dans ce gloubi-boulga de pop, rock et r&b. Cet album (qui conviait Miley Cyrus, Nickelback, The Fray, Drake…) est l’exemple parfait de ce qu’il se passe quand un immense producteur cherche à forcer la partie créative de son cerveau, alors sur la réserve, pour aller toujours plus loin. Tout ce qui faisait la musique de Timbaland, son identité, son inventivité, a fini par se désintégrer en particules sonores diluées dans une « pop urbaine » façon David Guetta et will.i.am. Après être monté plus haut qu’il ne l’avait jamais été auparavant, Timbo tombait plus bas que terre. Si quelques singles ont eu un certain écho en Europe, aux US, Shock Value II fut un bide retentissant.

Mais fallait-il croire que Timbaland était fini ? Grossière erreur ! Le bonhomme a pris son temps pour recharger ses batteries (quatre ans) mais ; tel un phœnix, su renaître de ses cendres et réapparaître en 2013, aux côtés de Justin Timberlake sur les deux albums The 20/20 Experience, et Magna Carta Holy Grail de son vieil ami Jay-Z . Cette même année 2013, le fidèle Shawn Carter lui offre un deal chez Roc Nation, lui laissant le champ libre pour préparer son futur album d’abord intitulé Textbook Timbo puis renommé Opéra Noir. Il essaiera aussi de préparer le monde pour Tink, sa nouvelle protégée, mais malheureusement pour elle, aucun album ne verra le jour et sa carrière tomba au point mort. Est-ce que Timbo était trop occupé par le chantier du nouvel album de Missy Elliott, attendu depuis des années… ? Ou à poster des vidéos de nouveaux instrus sur les réseaux sociaux pour teaser ces fans ? Quoi qu’il en soit, même constat que pour l’autre titan qu’est Dr Dre, Timbaland a pris cette fâcheuse manie de faire mijoter nos plus beaux espoirs… Restons optimistes et patientons.


Cet article est le troisième et dernier volet d’un dossier en 3 parties proposé par Sagittarius, fondateur du site Sagihiphop.com. Vous pouvez retrouver la première partie ci-dessous: