Bishop Nehru & MF Doom – NehruvianDOOM

Octobre 2014

Bishop Nehru & MF Doom

NehruvianDOOM

Note :

Voilà maintenant une quinzaine d’années que Daniel Dumile aka MF Doom traine son flow dans le milieu de l’underground. Souvent dans l’ombre des géants – et ce malgré une forte corpulence – , le natif de Londres a su néanmoins se démarquer dans le rap jeu pour aujourd’hui en être une valeur sûre. À la fois MC et producteur, l’homme au masque de fer retrouve depuis 2010 une seconde jeunesse. En effet, le producteur a le vent en poupe et c’est toute la jeune garde de New York qui le sollicite pour travailler avec lui. Après Joey Bada$$, c’est maintenant au tour de Bishop Nehru de faire appel au service de papy Doom pour le projet NehruvianDOOM.

Quand un Rookie s’associe à un All Star

Lorsque le classique Operation Doomsday de MF Doom est sorti dans les bac en 1999, Bishop n’avait alors que trois ans. C’est vous dire l’écart de génération entre les deux artistes. Bishop Nehru est depuis longtemps un vrai fan de Dumile et pouvoir travailler avec lui est juste un rêve de gosse. Il l’avait déjà approché en posant sur une de ces prods avec « Lemon Grass ».

Le rookie Bishop n’a aujourd’hui aucune grosse référence, aucun album « carte de visite ». Il s’est comme beaucoup d’artistes des années 2000 distingué par quelques mixtapes (Nehruvia, StrictlyFLOWz, BrILLiant Youth) qui lui ont permis de se faire remarquer (on vous en parlait il y a quelques mois sur notre portrait Bishop Nehru : un « diamond in the ruff »). Cela dit, le jeune rappeur à encore tout à prouver, et ce NehruvianDOOM est donc un excellent prétexte pour le MC New-Yorkais de se démarquer de la concurrence.

Bishop et MF Doom se sont rencontrés pour la première fois dans un club (100 club) à Londres à l’occasion d’une soirée où Bishop faisait la première partie de Doom et Ghostface. Voilà le point de départ de NehruvianDOOM. Cette relation vétéran – freshmen n’est pas nouvelle dans le Hip Hop, car bien souvent les vieillards du rap aiment prendre sous leurs ailes de jeunes poulains en pleine ascension.

L’influence de Doom

Le pendant Hip-Hop de Dr Doom (personnage de la bande dessinée Marvel), va marquer de son empreinte cet album. Aujourd’hui, Dumile se positionne de plus en plus en tant que producteur, notamment avec ses mixtapes Special herbs où le rappeur masqué met en avant son talent de beatmaker. Sur cet opus, NehruvianDOOM, il produit l’ensemble des titres et rappe peu, laissant cette responsabilité au jeune Bishop.

La galette ne dispose que de 9 pistes dont une piste d’intro. Le moins que l’on puisse dire c’est que les gars ne se sont pas surpassés. En parlant de fainéantise, MF Doom nous gratifie ici de seulement 4 verses sur l’ensemble de l’album. En revanche, il produit l’intégralité des titres. Seulement voilà, une fois de plus le producteur trompe un peu tout le monde et ne respecte pas le deal. Il nous ressort tel un vieux briscard de vieilles prods complètement cramées de ses opus Special herbs, comme sur la track « Darkness ». Donc si on fait les comptes :

9 titres

– 1 intro

                              – 1 track de Special herbs

________________________________________

= 7 tracks à produire.

Le mec ne s’est clairement pas foulé. Du MF Doom dans le texte.

Passée cette frustration, on ne peut pas enlever à Doom son style. Dès l’intro on est plongé dans son univers: monde « cartoonesque », échantillonnages vocaux, rythmes détraqués et voix sous hélium à la Quasimoto. Ses prods sont franchement bonnes sur ce NehruvianDOOM. Le voyage est court, mais intense et que dire quand MF pose son flow. Lorsque le titre « OM » se lance, son rap emporte tout sur son passage. Mais sur cet album ce n’est pas lui la star, mais bien Bishop Nehru, ce kid venu de New York.

Un nom sur un CV

À 18 ans, Bishop Nehru se retrouve catapulté devant la porte du rap game au côté de MF Doom. Le boom bap version East coast des années 90’s est en plein revival. Avec la fulgurante ascension de Joey Bada$$, le leader du collectif Pro Era a ouvert la voie pour d’autres jeunes artistes.

Alors qu’aujourd’hui les young MC s’inspirent de plus en plus du son Dirty South en se tournant vers Atlanta ou Houston, certains puristes continue de s’inspirer du son old school de la grosse pomme. Loin des gangsters extravagants aux dents blindées, Bishop Nehru fait partie de cette nouvelle génération fan du Wu-Tang Clan et de Nas.

Cette collaboration avec MF Doom est extrêmement importante pour lui. En effet, pouvoir collaborer avec un tel nom n’est pas donné à tout le monde et encore moins à un MC de 18 ans. Cette association pourrait bien être pour Bishop un véritable « laisser-passer » dans le rap jeu. Le genre de collaboration qu’on accroche sur un CV.

Malheureusement, on se retrouve assez déçu de la prestation de Bishop. Il n’arrive pas à se démarquer et à s’émanciper sur les beats de Doom. Le jeune MC ne nous embarque pas avec lui. Il ne se distingue clairement pas assez et n’a pas encore trouvé l’énergie qui lui correspond. Tel un caméléon, Bishop pourrait passer inaperçu, il lui manque un vrai style. Sans doute dû à son jeune âge et à son manque d’expérience,  Nehru manque cruellement de véritable identité.

Déception ?

Cet opus m’a déçu sur deux points. D’abord MF Doom. S’il y a bien un point où l’on peut tous se mettre d’accord c’est bien sur le fait que ce MC/producteur est bourré de talents. En revanche, produire un album de 9 titres avec une reprise de Special Herbs c’est vraiment prendre de gens pour des c***. MF Doom traine cette image de  je-m’en-foutiste, non respectueux de son public depuis des années, et ce genre de prestation ne va pas arranger ce statut. Cela dit le taf est fait et la qualité des productions est au rendez-vous, mais cette nonchalance pourra en révulser plus d’un.

Le second point de déception ira pour Bishop. Malgré toutes les attentes autour du gamin, l’extase n’est pas au rendez-vous. Sans doute encore trop jeune, le MC New-Yorkais n’apporte aucune vraie plus-value à l’album. Et même s’il kick assez bien sur les prods de Doom, il reste trop transparent.  Il doit encore s’épaissir et se démarquer pour vraiment s’imposer comme une référence du Hip Hop de New York.

Cela étant dit l’album reste plus que correct même si on en attendait plus, ce NehruvianDOOM est loin d’être une mauvaise galette. Les sons sont assez diversifiés et on prend plutôt plaisir à écouter ces 9 titres. Et même si Doom peut nous irriter, il faut bien l’avouer, ses productions sonnent juste. Concernant Bishop, ne nous faisons pas de souci, le MC est encore jeune et a le temps de prendre du galon. Le freshmen New Yorkais possède toutes les cartes en main pour devenir un grand. A lui maintenant de nous prouver qu’il en est capable.