6LACK – East Atlanta Love Letter

Septembre 2018

6LACK

East Atlanta Love Letter

Note :

Révélé en 2016 avec son opus Free 6lack, 6lack est de retour avec un nouveau projet : East Atlanta Love Letter. Une ode à sa ville natale mais également l’occasion pour celui qui est récemment devenu père de faire le bilan. Plus qu’un album, une véritable thérapie.

Révélé en 2016 avec son opus Free 6lack, 6lack est de retour avec un nouveau projet : East Atlanta Love Letter. Une ôde à sa ville natale mais également l’occasion pour celui qui est récemment devenu père de faire le bilan. Plus qu’un album, une véritable thérapie.

I turned a nightmare right into a dream

Lui aussi élevé dans la zone 6 d’Atlanta, 6lack n’a pourtant rien du nouveau Gucci Mane. Plus influencé par le smooth-jazz de Sade et la nu-soul d’Erykah Badu que par la violence des quartiers, Ricardo Valentine de son vrai nom, reste un ancien gosse désabusé qui voit son entourage partir en fumée, squattant le béton des prisons ou les pierres gravées des cimetières. Initié à la musique par son père, Valentine se tourne rapidement vers le rap et s’illustre dans des battles au collège dans lesquelles il affrontera les autres gamins du quartier, dont un certain Young Thug. Une passion qui le pousse à faire ses bagages en 2011, direction le soleil de Miami. Alors âgé de 19 ans, il signe avec International Music Group, label de Flo Rida. Voitures de luxe et studio suréquipé, telles sont les promesses faites au jeune artiste, à une condition : laisser tomber ce R’n’B qu’il affectionne tant au profit d’une musique plus pop, plus « bankable ». Pris au piège et incapable de respecter ces exigences contre-nature, il se retrouvera rapidement face au mur avec un label ne voulant ni le faire grandir, ni le laisser partir. S’en suivent 5 ans de galère, de faim et de nuits incertaines, passées dehors ou dans le studio.

Pas question pour Ricardo de laisser tomber ses rêves : il sera rappeur, peu importe ce qu’il doit traverser et cet épisode ne sera pas le dernier. Fini International Music Group et Miami, 6lack rejoint désormais LoveRenaissance et Interscope Records, grosse écurie qu’on ne présente plus. La véritable aventure commence, avec Free 6lack, premier album studio de l’artiste, et son titre phare « Prblms ». Sur la cover du projet, le ton est donné : le rappeur pose serein à côté d’un ours, symbole de la force tranquille, qu’il abhorre également tatoué sur la main. Le succès est au rendez vous puisque l’album se retrouve 34e au Billboard et lui vaudra une tournée en compagnie de The Weeknd et 2 nominations aux Grammys. Un grand coup dans la raposphère qui assied le style planant de 6lack.

East Atlanta Love Letter

Un premier album réussi s’accompagne forcément de milliers de paires d’yeux (et d’oreilles) à l’affût du prochain succès… ou du dernier plantage. Qu’en est-il alors d’East Atlanta Love Letter, dans lequel l’artiste se livre plus que jamais ?

Entre FREE 6LACK et East Atlanta Love Letter, deux ans se sont écoulés et en deux ans dans la vie d’un homme, de nombreuses choses peuvent arriver. Cette période a transformé 6lack de jeune prodige du R’n’B à papa réfléchi et sûr de lui. Une récente paternité qui a largement influencé ce deuxième opus et qui se confirme, entre autre, par la pochette de l’album sur laquelle il se met en scène dans un studio “home-made” portant sa fille, Syx Rose Valentine.

Les responsabilités ne sont pas les mêmes, la manière de créer non plus. Lui qui se prétendait trop égoïste car trop amoureux et dévoué à son art doit maintenant recentrer ses priorités et intégrer sa fille dans l’équation de sa vie. Il le déclare en affirmant “La musique ne me fera jamais sourire comme ma fille peut le faire”.

Composé de 14 titres, l’album ne sera pas une métamorphose musicale pour 6lack, mais vient d’autant plus affirmer la trajectoire qu’il a toujours tenté de prendre.

Sans surprise, on retrouve la même atmosphère planante et ténébreuse sur laquelle Ricardo vient exposer douleurs et peines. C’est dans ce R’n’B aux nuances de trap profonde que réside la grande force de de 6lack. Sans être le plus grand des chanteurs, il réussit à produire une homogénéité parfaite entre la production et la voix qui parvient à happer l’auditeur dans un tourbillon mélancolique dont il est difficile de sortir.

Côté production, on retrouve Stwo, (le français ayant travaillé pour Drake, Lomepal ou encore Nekfeu) qui signe les titres « Nonchalant » et « Unfair ». T-Minus, Bizness Boi ou encore Jakob Rabitsch (très présent sur FREE 6LACK) sont également de la partie.

L’autre particularité de cet opus est la maigre présence de featurings. Concept relativement appréciable, Ricardo s’entoure simplement de quatre invités et se tourne vers un casting des plus prestigieux. Future vient prêter sa voix sur le titre éponyme de l’album tandis que J.Cole, Offset et Khalid se chargent de compléter la guest list.

Le projet est marqué par une ambiance globale douce et épurée, entremêlée de titres plus façonnés pour les radios (« Balenciaga Challenge », « East Atlanta Love Letter »). Côté textes, la sincérité et l’humanité de 6lack observés sur son premier projet se confirment davantage sur ce dernier. Il affirme avoir écrit lui-même l’album dans l’optique d’aider les personnes souffrant d’anxiétés sociales et de difficultés avec en point de départ le mot « perspective » sur un tableau blanc. Une démarche positive dans laquelle 6lack met ses difficultés et craintes à nu et ouvre la porte à la communication comme solution, la musique comme thérapie.

Et comme si l’aspect musical ne suffisait pas à convaincre, Ricardo parvient à amener son album dans une autre dimension par le biais des différents clips. L’exemple le plus probant est la vidéo de « Nonchalant », second single de l’album, où la vibe calme du morceau épouse parfaitement la quiétude des plans filmés en Islande. Icebergs, geysers et cascades viennent renforcer le message rassurant du rappeur d’Atlanta qui appréhende avec intelligence et finesse l’exercice de mise en scène visuelle de ses morceaux.

Baby, I’ma love you like a stan, stan, stan

Marqué par des moments forts mêlant problèmes sociaux, échecs amoureux et déclarations à ses proches, cette introspection dans l’esprit du natif d’Atlanta est une probante réussite, à tel point que 6lack se demande si son lien avec son public est en partie dû à l’aspect intime de ses tracks.

Damn, do i even have the fans for this shit ?
to be rapping like this people understanding this shit
it’s demanding and shit, but i stand for these kids
like they stan for the kid, understand, how we clear

Un dialogue entrepris avec ses fans avec lesquels il n’hésite pas à changer de place pour déclarer son amour obsessionnel à une femme sur la dernière piste de l’album, “Stan”. Le titre est une référence évidente au tube d’Eminem et est construit sur un sample du morceau « New Grave » du duo américain DJDS. Ici, c’est Ricardo le fan transi, l’homme qui peut aimer sans limite. Car si le projet oscille entre peurs et révélations, il se conclut sur un sentiment positif, peut être le plus positif de tout : l’amour.