‘Une larme de +’ : un projet 100% Araujo

‘Une larme de +’ : un projet 100% Araujo

Après ‘EROSE’ sorti en avril 2022, Araujo revient en cette fin juin avec un nouveau projet. Nous (re)découvrons Araujo à travers ‘Une larme de +’ qui est 100% fait main. Interview. 

Pendant cette interview, nous allons parler principalement de ce projet. Mais juste avant, peux-tu nous parler du parcours qui t’a amené jusqu’ici ? Tu avais déjà fait des trucs avec Backpackerz, donc il y a sûrement des lecteur·ice·s qui te connaissent ! Mais pour ceux qui vont te découvrir sur cette interview, qu’est-ce que tu voudrais leur dire pour te présenter ?

Je suis un gars multi-instrumentiste de 26 ans qui fait de la musique. C’est moi qui fais mes prods, qui m’enregistre et qui mixe mes morceaux. Je fais ça chez moi, à la maison. Ce sont des choses que j’aime faire, en réalité, j’apprécie toutes les étapes du processus de création d’un projet. 

J’aspire à aller le plus loin possible dans ma recherche, que ce soit de sonorité, de featuring… Globalement, j’espère aller au plus loin ! 

As-tu suivi des formations qui t’ont permis aujourd’hui de pouvoir gérer toutes les étapes créatives d’un projet ? 

J’ai fait le cours Florent Musique. C’est un parcours qui est censé t’aider à être un artiste complet. Mais j’ai vite compris que ce n’était pas les cours qui m’apporteraient quelque chose, mais plutôt l’environnement dans lequel j’étais. Ce qui a été vraiment intéressant, ça a été la rencontre avec mes camarades de classe. Il y avait des gens qui faisaient du reggae, du rock, de la techno, du rap… Tu apprends de ouf des autres et je trouve que c’est la meilleure des formations. On avait des cours de chant, de piano, de droit à la musique, de théâtre… C’était très complet, mais j’ai vraiment appris des autres avec qui on faisait de la musique tout le temps !  

Pour la partie technique, on avait des bases, mais j’ai vraiment appris tout seul en allant sur le tas, en mode « let’s go, on y va ». Au début, ce n’était pas forcément ouf, après c’était un peu mieux. Et au fur et à mesure, j’ai aussi travaillé mon oreille au mix, essayé de comprendre comment ça fonctionnait, etc. Donc c’est vraiment tout seul que j’ai poncé le truc au point de me dire « là j’arrive à un stade où ce que je propose techniquement, ça me satisfait ». Mais ce n’était pas le cas encore l’année dernière. Je savais déjà mixer, m’enregistrer, faire des choses, mais je n’étais pas satisfait à 100 %. C’est pour cette raison que mon ancien projet EROSE, je l’avais fait mixer par un ingé son. 

Quelle est ta relation avec la musique ? Quel a été le déclic pour te dire que tu avais envie de faire toutes ces choses-là et de pousser autant un projet ? 

C’est une bonne question ! Parce que la musique est arrivée très tôt dans ma vie. Je crois que j’ai commencé la musique à 6 ans avec la guitare. Je pense qu’en réalité, je n’ai pas trop de souvenirs de ma vie sans musique. J’ai l’impression que j’ai toujours fait de la musique, toujours eu des instruments chez moi. Au début, c’était beaucoup de guitare et quand j’ai commencé à bien gérer la guitare, j’ai commencé à chanter par-dessus en faisant des reprises. Après, j’ai commencé le piano en apprenant tout seul, puis la batterie, la basse… J’ai fait plein d’instruments ! Le rap n’est venu qu’après dans ma vie, à l’époque des type beats ! Ceux que je trouvais sur Internet me plaisaient, mais j’avais toujours envie de modifier quelque chose dans la prod. C’est comme ça que j’ai commencé à produire, sans même composer : je prenais un type beat et je refaisais l’arrangement en coupant des morceaux, en faisant des segments… Sans forcément rapper dessus ou chanter. Techniquement, ça m’amusait. Mais les type beats m’ont très vite saoulé et je n’avais pas l’argent pour les acheter, donc j’ai décidé de composer moi-même mes prods. Au début, ce n’était pas ouf, mais avec le temps le truc s’est affiné. 

Tu parles du moment où le rap est arrivé dans ta vie, quelles ont été tes influences ? 

J’ai beaucoup écouté ce que ma mère écoutait quand j’étais jeune : de la disco, du classique… Ce sont d’ailleurs des trucs que j’écoute encore aujourd’hui, j’adore ça ! Après, j’ai eu ma phase métal parce que j’ai des grands frères qui écoutaient du métal. Je trouve ça trop bien, techniquement, le métal. Et après, j’ai découvert le rap avec mes frères qui écoutaient Eminem et Sinik. Et au collège, ça a été la Sexion d’assaut qui m’a mis une énorme gifle. J’ai l’impression d’avoir découvert le rap quand il est devenu très technique. Les mecs étaient trop techniques, regardes Lefa, et même Maître Gims ! C’était une performance ! Ensuite, il y a eu la phase S-Crew, l’Entourage… Après, j’ai bien aimé digger, chercher les trucs un peu plus de niche. Je crois que digger des nouveaux morceaux que personne n’écoutait, je trouvais ça bien. 

Sur ton nouveau projet, son éclectisme m’a tout de suite frappée ! C’est très riche et je n’ai pas su lui attribuer une seule couleur. Comment définirais-tu cette musique ?

Tu imagines que c’est aussi compliqué pour moi. En réalité, je ne sais pas trop. Je crois que je ne me pose pas la question. Je fais juste ma sauce ! Je marche beaucoup au feeling, surtout que c’est moi qui fais mes prods. Donc, le processus va assez vite parfois : une sonorité me parle, la prod me parle, puis d’un coup je vais écrire et ça va faire un morceau. Et si, à la fin, je trouve que le morceaux est chaud je ne vais pas me demander si c’est mon style ou non. Ça serait un peu se limiter, je trouve ! Et je pense que se limiter quand tu es artiste c’est un peu la fin, ce n’est pas bon. 

Finalement, ce projet est le résultat d’une liberté artistique et d’une expérimentation dans lequel tu as tout fait !  

Complètement ! C’est de l’expérimentation : beaucoup de recherche, de sonorités, plein de synthés… J’aime beaucoup m’amuser à geeker sur mes synthés, sur mon ordi… Rechercher le son un peu tordu qui va me plaire et qui va me procurer quelque chose. Et même si le son est très simple, s’il se passe quelque chose en moi, let’s go ! Donc beaucoup d’expérimentation dans la compo mais aussi dans le mix. J’ai essayé plein de choses que je n’avais pas tentées avant, des nouvelles techniques, parce que j’écoute ou parce que j’ai juste parfois des accidents. Tu mets des effets qui s’appellent des plugins sur ta chaîne d’effets, et puis tu essayes des choses et d’un coup il y a un effet qui se passe et tu te dis « waouh c’est trop chelou » et puis tu l’écoutes trois fois et tu te dis « en fait c’est chelou mais c’est cool ». 

Combien de temps as-tu bossé sur ce projet-là ?

Un petit peu moins d’un an et demi. Directement après la sortie de EROSE, mon ancien projet, j’ai directement commencé à travailler sur celui-ci. Mais il a fallu que l’ancien projet sorte pour que je puisse commencer à travailler. Là, c’est le même phénomène qui se passe, dans le sens où il faut que le projet sorte pour que je fasse de la musique. 

Tu parles du 5ème étage dans ta musique, est-ce que c’est là où s’est composé le projet ? 

Eh bien non ! Mais c’est génial parce que c’est ce que j’aime aussi dans la musique : parfois il y a des lectures qui sont complètement différentes pour les gens. Et tant mieux, trop cool si tu l’as vu comme ça. Pour moi, le 5ème étage est un lieu où je me retrouve, où je prends de l’inspiration… C’est presque métaphorique, c’est un peu comme la salle du temps où tu y rentres, tu ne sais pas combien de temps tu vas rester, si tu vas rencontrer l’amour ou quelqu’un de gentil ou de méchant, si tu vas te battre, si tu vas rigoler, si tu vas passer une soirée ou la matinée, si tu vas faire de la musique ou pas… C’est un espace, une faille un peu qui se passe au 5ème étage. 

Tu me parlais des prods tout à l’heure, c’est toi à 100 % sur tout le projet ?

Il y a une seule prod que je n’ai pas faite, c’est le morceau « Northside ». C’est la première fois que ça m’arrive, c’est un ami compo à moi qui m’a envoyé la prod et j’ai directement accroché. Habituellement, je réalise des co-prods où je reprends la prod envoyée et je recompose au-dessus. Mais cette fois-ci, j’ai flashé sur la prod. Mais à part ce morceau, toutes les autres prods, c’est moi et certaines co-prods avec d’autres amis qui sont compositeurs. Disons que 85 % du projet correspond à mes prods solo. 

C’est drôle parce que j’ai trouvé que « Northside » était un morceau transitoire entre deux états qui correspondent au positif et au négatif qui sont à l’origine de toute la dualité du projet. 

Je pense que, comme tout le monde, on a parfois des phases de « down » et puis, parfois, tu as des petites lumières qui s’allument et ça fait plaisir. Donc oui, cette dualité, elle est réelle et je trouvais ça intéressant de la mettre dans un projet. Je ne suis pas du tout le premier à avoir fait cette dualité, mais je pense que c’est parce que c’est humain. 

Tes pochettes sont très travaillées à chaque fois. Comment se passe la création de tes covers ? 

J’ai toujours mis de l’importance dans le visuel. Je trouve que c’est important, surtout qu’aujourd’hui la musique se regarde aussi un peu, je trouve. J’ai toujours eu une vision visuelle de mes projets, en tout cas en termes de covers. Je savais où je voulais aller.

Pour celui-ci, pour Une Larme de +, on a travaillé avec un graphiste qui s’appelle Adrien, qui est trop trop chaud. Je lui ai dit vouloir une cover palpable, une cover fait main et il a adoré le concept ! Lui qui est souvent, voire tout le temps, derrière Photoshop, à faire des trucs sur l’ordi, ça lui a grave parlé. Donc nous sommes arrivés à cette cover qui est palpable. C’est vraiment quelque chose d’art plastique où tout est vrai : les fils oranges qui sont sur la pochette, les petits cheveux, les agrafes… Tout est vrai !  

J’ai l’impression que tous les métiers qui pourraient toucher à la musique, tu les exploites au max d’une manière très artistique. C’est aussi ce que j’ai ressenti dans tes clips, qui sont un peu cinématographiques. 

C’est pareil, j’aime quand les clips sont “ciné” et j’aime faire de l’acting. J’aime quand ça raconte quelque chose et que ça soit très ciné, voire même qu’il n’y a pas de playback. Dans le clip de “Laisse”, je crois que je ne fais pratiquement pas de playback. Je trouve que ça permet de porter l’émotion, elle est encore plus forte comme ça. Il faut que les images servent vraiment à la musique. 

Pour les deux clips du projet, j’ai travaillé avec des réals qui s’appellent Ruptures, qui ont une vision trop cool. J’adore leur travail. Je pense qu’on a des références communes, mais ils ont aussi un bagage que je n’ai pas et du coup, je pense qu’on se complète vraiment bien. 

C’était la première fois que tu bossais avec eux ? 

Oui, le premier clip qu’on a fait ensemble, c’était “Bordel”, puis on a fait “Laisse”. Et on continue de travailler ensemble puisqu’on a aussi tourné le clip “KM” en feat avec Jey Brownie

Jey Brownie est l’un de tes feats. De manière générale, je n’ai pas l’impression que tu sois un artiste qui réalise beaucoup de featuring. 

Je pense qu’ils sont peu nombreux parce que j’ai envie qu’à chaque collaboration artistique, il y ait un intérêt et que ça soit cohérent ! Je ne souhaite pas faire un feat pour faire un feat.  Je veux que ça soit vraiment une réelle collaboration. De plus, j’accorde vraiment beaucoup d’importance à l’aspect humain des gens avec qui je collabore. Je veux rencontrer les gens avant, je veux qu’on discute, qu’on écoute des sons, on se fait une session au studio, on boit un coup, on écoute des morceaux, on voit les refs qu’on a en commun, ce qu’on aime, ce qu’on n’aime pas… Je souhaite qu’on se rencontre aussi bien humainement qu’artistiquement. 

Par exemple, Jey Brownie, c’est comme ça que ça s’est fait : on s’est rencontrés sur un co-plateau. On a kiffé nos deux prestations et on s’est connecté. Surtout qu’en discutant, on a remarqué qu’on avait des potes en commun. Et ça rend le truc encore plus humain. Après, on s’est vus en studio, on a écouté du son, je lui ai fait écouter des prods, on a travaillé le son un peu ensemble. Ça s’est fait très naturellement. Pour Sheldon, on s’était rencontrés différemment : j’avais fait des prods pour lui. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés artistiquement. Sheldon, c’est un humain comme je n’en ai rarement rencontré. Et comme c’est un mec trop important pour moi, le morceau s’est fait très naturellement. J’ai mis du temps à faire la prod car j’avais envie de lui proposer un vrai truc, une vraie prod avec une vraie identité. Donc, toutes les collabs ce n’est que du feeling et de l’humain ! 

Quelle est la signification du nom du projet Une larme de + ?

Une larme de +, ça peut être une larme de colère, de joie, de tristesse… Ça rejoint l’idée de la dualité dont on parlait tout à l’heure ! 

J’ai trouvé ce titre parce que moi je suis quelqu’un qui n’est pas forcément touché par des situations émotionnelles procurées par des films par exemple. Mais quand ça touche à des choses personnelles comme la famille, là j’ai je peux avoir les larmes qui viennent très vite. C’est ce genre d’émotions qui m’ont fait trouver ce titre. “Ah bah, encore une larme de plus”,  c’est des potes qui m’ont dit ça. Puis je trouvais ça cool aussi visuellement que le plus soit un + , le visuel est important aussi dans ce titre. 

Tu fais la Boule Noire en octobre, est-ce que tu as hâte de défendre ce projet-là sur scène ? 

J’ai trop hâte, j’attends que ça ! Je kiffe le live. Comme je t’ai dis, j’ai commencé la musique très jeune et j’ai très vite fait face à du public, et très vite, je crois que j’ai aimé ça. Je pense que c’est un truc d’artiste d’aimer qu’on nous regarde ! Puis, j’ai toujours aimé faire de la performance, être sur scène, défendre mes musiques…Surtout qu’aujourd’hui, je suis tout seul sur scène. Avant, j’avais une autre formation qui était plus classique rap avec un pote qui était mon DJ. Mais au bout d’un moment, je trouvais ça moins intéressant parce que je commençais à faire mes trucs tout seul. Je commençais à dire à tout le monde que je faisais mes prods, mes mix, mes trucs, etc, et j’avais envie aussi d’être ce gars-là qui faisait tout seul. Je trouvais ça dommage que sur scène, je ne sois pas tout seul. Donc, depuis un an, je suis solo sur scène : clavier, guitare, je lance toutes mes prods. 

C’est carrément cohérent avec la création musicale que tu produis ! 

C’est pour ça que je voulais être tout seul. Je trouvais ça beaucoup plus cohérent. Après, être seul sur scène aussi, c’est bien, mais tu es tout seul ! Quand il y a un problème, tu n’as pas le pote qui est derrière que tu peux regarder, tu es tout seul dans la sauce. Il m’est arrivé des moments où j’ai eu des galères, les gens attendent, il n’y a pas de musique pendant deux minutes et tu dois meubler ! Mais c’est le risque et c’est cool aussi. 

 

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Merci à Araujo pour son temps et la qualité de cette discussion. 

Merci à Eléonore pour avoir organisé cette interview.

Merci à Soazig pour ses superbes photos.