Scarface, les fondations du Southern Rap

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Scarface

Tribute Mix

Scarface, les fondations du Southern Rap

À l’occasion des 30 ans de l’album Grip It! On That Other Level (1989) du groupe Geto Boys, profitons-en pour faire un petit focus sur la carrière musicale de Scarface. Un rappeur qui aura influencé le rap game autant que le film du même nom, véritable référence au mic et légende vivante de la culture Hip Hop. En bonus, une mixtape rétrospective de sa carrière en fin d’article.

C’est donc en 1988 que celui qui fit ses débuts sous le nom d’artiste DJ Akshen signa sur le label Rap-A-Lot Records et intégra le groupe Geto Boys, tout comme Willie D, en remplacement de Sire Jukebox et Johnny C. Si le premier album du crew Making Trouble (1988) avec la formation d’origine ne fût pas un succès, ce changement de casting fera lui des étincelles avec un nouveau quatuor formé de Scarface, Willie D, Bushwick Bill et DJ Ready Red. Un résultat à la hauteur des attentes avec, à la clé, un second album référence qui donnera au Southern Rap ses premières lettres de noblesse, mais aussi au label Rap-A-Lot son premier classic. Un opus qui sera tout simplement l’équivalent du Straight Outta Compton de NWA pour le South, et notamment Houston.

Nobody knows my name, they’ll only know this face / And ask my posse, they say : We call him Scarface

A la barre de ce projet, on retrouve un MC âgé de seulement 18 ans qui adoptera comme nouveau nom d’artiste celui de Scarface, avec comme introduction le morceau du même nom présent sur cet album Grip It! On That Other Level. Au micro on entend un adolescent qui débite ses propos avec une insouciance cynique faisant preuve toutefois d’une certaine maturité dans son flow, à l’image de ses influences dans le milieu : « Chuck’s delivery, Kane’s skills, and Rakim’s rhyme style, plus Willie D’s content ». Avec Rakim, Chuck D (Public Enemy) et Big Daddy Kane, on a connu pire comme exemple dans la profession.

Geto Boys, le NWA du South

Suite au succès retentissant de cet opus, quelques mois plus tard sortira le projet The Geto Boys (1990), une version alternative de ce précédent album ré-enregistrée et remixée par Rick Rubin et Brendan O’Brien avec ce désormais fameux sticker qui ornera la pochette: « Si Def American Recordings est et sera toujours opposé à la censure, toutefois notre fabricant et distributeur tient à préciser qu’il ne cautionne en aucun cas le contenu violent, sexiste, raciste et indécent de ce projet ». Un LP qui donnera une seconde vie à leur classique et qui installera définitivement le groupe au premier plan de la scène rap, offrant au South un peu de lumière entre les 2 énormes mégalopoles de l’industrie que sont New York et Los Angeles.

Les Geto Boys ont aussi popularisé le genre horrorcore avec des thématiques tirées de films d’horreur sous fond de rap hardcore. Après « Assassin » sur leur premier album, c’est sur leur second LP que le genre décollera avec les morceaux « Trigga-Happy Nigga » et « Mind of a Lunatic ». 3 titres rassemblés pour l’occasion sur la tracklist du projet The Geto Boys et qui seront à l’origine de nombreuses vocations dans le milieu dont les meilleurs représentants deviendront Flatlinerz et Gravediggaz.

Pour les Geto Boys la suite sera faite de haut et de bas, de départs et de retrouvailles, et de tracklists bricolées trop souvent par J Prince (CEO de Rap-A-Lot Records). Lors de l’enregistrement de l’album We Can’t Be Stopped (1991), DJ Ready Red quittera le crew définitivement pour des raisons personnelles (et principalement financières). De leur côté Willie D (remplacé par Big Mike) sur le projet Till Death Do Us Part (1993) et Bushwick Bill sur Da Good Da Bad & Da Ugly (1998) quitteront le groupe de façon temporaire pour se concentrer sur leur carrière solo. Le désormais trio se réunira ensuite à deux reprises, sur les opus The Resurrection (1996) et The Foundation (2005), mais c’est en solo que Scarface écrira par la suite les plus belles pages de sa légende.

Le rappeur préféré de vos rappeurs préférés

Avec pas moins de sept albums sortis entre 1991 et 2002, qui auront chacun leur impact. On retiendra notamment son premier projet solo Mr. Scarface Is Back (1991), le parfait The Diary (1994) ou encore les The Untouchable (1997) et The Fix (2002) qui auront marqué toute une génération. Ce dernier opus reste le préféré du MC de Houston, un LP sorti dans une période où il pouvait enfin mettre de côté ses démons (des phases de dépression) comme il l’explique dans son excellente autobiographie Diary of a Madman. En 2008, Scarface présentera son album Emeritus comme son dernier avant une retraite bien méritée, mais finalement il reviendra 7 ans plus tard avec Deeply Rooted (2015), son 11ème projet solo et dernier en date.

Scarface c’est aussi un rappeur qui a toujours été impliqué dans les prods de ses albums, notamment crédité aux côtés d’un beatmaker local de Houston du nom de Mike Dean. Un producteur qui depuis les années 90 s’est construit un CV vraiment impressionnant, bien au delà des frontières du sud devenant un collaborateur privilégié de Kanye West depuis maintenant plus de 10 ans. On le retrouve encore aux crédits de cette série de projets 7 titres sortie en 2018 sur G.O.O.D. Music, mais aussi sur les albums récents de Migos, Jay-Z & Beyonce, 2 Chainz ou d’un autre artiste de H-Town : Travis Scott.

Stuck inside a ghetto fantasy hopin’ it change / But when I focus on reality we broke and in chains

La discographie de Brad ‘Scarface’ Jordan aura été marquée par des collaborations mythiques comme ce duo « Smile » avec 2Pac qui restera comme l’un des plus grands morceaux des années 90. Un titre sorti quelques mois après l’assassinat de Shakur et qui ressemble à une émouvante lettre d’adieu posthume. Sur le même album il se payera aussi le luxe d’aligner sur le même morceau trois légendes West Coast avec Dr. Dre, Ice Cube et Too $hort. Preuve une nouvelle fois du respect que lui portent les plus grands MC’s, dans les années 2000 Scarface sera le seul à réunir Nas et Jay-Z sur un même projet (The Fix) en plein milieu de leur fameux beef.

A cette époque il n’y a pas un MC du rap game qui ne cite pas Scarface comme référence. Un impact qui dépasse sa ville d’origine ou sa région. C’est donc en toute logique que lui est décerné le titre de rappeur préféré de nos rappeurs préférés avec cette faculté pour sortir des morceaux qui auront toujours un retentissement social qui marquera les esprits.

Référence intemporelle

On lui doit aussi, notamment, la découverte de l’excentrique Devin The Dude (qui fera ses débuts dans le groupe FACEMOB produit par Scarface) et la signature de Ludacris sur Def Jam South à l’époque où il était le président de cette subdivision. Il aurait même pu signer un certain Rick Ross plus de 3 ans avant qu’il n’explose avec son hit « Hustlin » mais Def Jam n’était pas encore convaincu par le rappeur de Miami, qu’ils signeront finalement plus tard avec le succès qu’on connaît.

La meilleur façon de comprendre ce que représente Scarface, c’est encore d’écouter les ravages que pouvait faire ce MC au mic. Pour l’occasion je vous propose donc avec la compilation We Call Him Scarface une virée profonde dans la discographie de ce rappeur mythique de Houston avec au moins un extrait tiré de chacun de ses projets solo ou en groupe. Vous y retrouverez pour commencer ce premier morceau Do It Like a G.O. produit par DJ Ready Red, membre fondateur de Geto Boys, qui nous a quitté récemment lors de l’été 2018 des suites d’un arrêt cardiaque. Une tracklist de 24 morceaux dont les fondamentaux « Mr. Scarface », « Now I Feel Ya », « I Seen A Man Die » ou « Going Down » (qui reprend magnifiquement le « 99 Luftballons » de la chanteuse Allemande Nena).

Vous y retrouverez aussi les collaborations évoquées précédemment (2Pac, Dr. Dre, Ice Cube, Devin The Dude, Nas, Jay-Z, Mike Dean), mais aussi du beau monde derrière les manettes avec les références Erick Sermon (« It Aint Part II »), Kanye West (« Guess Who’s Back »), Alchemist (« G Type ») et Nottz (« Girl You Know », « Can’t Get Right ») pour ne citer qu’eux. En 1h50 vous aurez donc un bon résumé de la carrière de Scarface, une référence intemporelle au micro. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute !

We Call Him Scarface (Mixtape)

TRACKLIST

[ 00:00 ] Intro

[ 00:28 ] Do It Like a G.O. (feat. Geto Boys)

[ 05:00 ] Trigga Happy Nigga (feat. Geto Boys)

[ 09:45 ] City Under Siege (feat. Geto Boys)

[ 13:45 ] We Can’t Be Stopped (feat. Geto Boys)

[ 17:03 ] Mr. Scarface

[ 22:50 ] Six Feet Deep (feat. Geto Boys)

[ 28:13 ] Now I Feel Ya

[ 35:40 ] I Seen A Man Die

[ 39:49 ] Goin’ Down

[ 44:01 ] Hold It Down (feat. FACEMOB)

[ 49:26 ] Smile (feat. 2Pac & Johnny P)

[ 54:25 ] Game Over (feat. Dr. Dre, Ice Cube & Too $hort)

[ 58:47 ] Ma Homiez

[ 01:04:04 ] Win, Lose Or Draw (feat. DMG, Lo-Ke & Johnny P)

[ 01:09:08 ] Bitches & Ho’s (feat. Geto Boys & Tela)

[ 01:13:25 ] It Ain’t Part II

[ 01:16:38 ] Guess Who’s Back (feat. Jay-Z & Beanie Sigel)

[ 01:20:33 ] In Between Us (feat. Nas)

[ 01:25:30 ] What? (feat. Geto Boys)

[ 01:29:30 ] G Type (feat. The Product)

[ 01:33:49 ] Gotta Get Paid

[ 01:39:00 ] Girl You Know

[ 01:43:00 ] Can’t Get Right (feat. Bilal)

[ 01:47:03 ] Fuck You Too (feat. Z-Ro)

Un grand merci à l’illustrateur Paul Baigts pour la réalisation de la superbe cover de cet article. 

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Scarface

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