Pa Salieu, rencontre avec le phénomène rap de Coventry

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From The UK

La playlist qui te fait traverser la Manche

Pa Salieu, rencontre avec le phénomène rap de Coventry

Avec la sortie de son premier album nommé Send Them to Coventry, Pa Salieu nous donne l’occasion de découvrir un artiste attaché à sa ville mais aussi à ses racines. Les pieds sur terre, il nous a accordé quelques minutes afin d’en savoir plus sur son parcours et son projet.

La pandémie en a peut-être ralenti certains. Ce n’est surement pas le cas de Pa Salieu. Du haut de ses 22 ans, le rappeur né en Gambie et élevé au cœur de l’Angleterre (Coventry) est revenu avec nous sur la sortie de son premier album Send Them To Coventry. Rencontre avec un gars humble, passionné et surtout bourré d’ambitions pour l’avenir.

Pour commencer, parlons de Send Them to Coventry. Cela fait une semaine que le projet est sorti, comment tu te sens?

Je me sens bien, tu sais, ce n’est que le début ! C’est mon premier projet et j’essaye juste de voir ce que je peux apprendre de tout ça. Il y en a pour tous les goûts et ça peut plaire à tout le monde. Attendez-vous à un message clair (sur l’ensemble de la mixtape). Ça parle de sujets divers sur ma vie et d’où je viens (ndlr. Pa Salieu a passé une grande partie de sa jeunesse à Coventry).

Tu as un connu un succès rapide avec cette mixtape. Comment gères-tu cela ?

J’apprécie le succès. J’essaye de ne pas trop me dire que c’est réellement ça le succès. Je reste focus et je travaille. A vrai dire, je ne me sens pas encore à l’aise (dans cette position d’artiste qui explose). Pour l’instant, je vois la lumière mais je ne parle pas encore de succès. Là, on essaye vraiment de construire quelque chose. J’entrevois ce qu’on peut faire et j’aime ça mais ce n’est vraiment que le début.

Send them to Coventry est une expression anglaise qui signifie ostraciser une personne. Peux-tu nous en dire plus sur Coventry («COV» – City of Violence) et le fait que tu vives maintenant à Londres?

Tu sais, j’ai l’impression que le système m’a laissé tomber, tu vois ce que je veux dire ? Ce système m’a laissé tomber moi, mes frères, mes sœurs, les mères de famille, les tantes, les filles, les fils… on nous a tous laissés tomber. Voilà ce que signifie « Send Them to Coventry » et cela représente quelque chose pour moi car je viens de là-bas. C’est une grande ville tu vois ? (329 000 habitants, un peu plus que la ville de Nantes en France).

Grâce à la mixtape, t’entends parler de Coventry et de ses quartiers, peut-être que tu n’en n’aurais jamais entendu parler sinon, réfléchis-y ! Pense toi aussi à ton village ou ta ville. Il y a des quartiers qui craignent plus que d’autres, tu vois ? Il y a des beaux aspects de la ville mais également des mauvais. Send Them To Coventry représente ce que j’ai pu voir au cours de ma vie et montre d’où je viens. Je mets la lumière sur une autre partie de l’Angleterre : Coventry c’est au cœur de l’Angleterre et la mixtape n’en montre qu’un aperçu.

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C’est un peu ce que tu as essayé de montrer sur le morceau « Frontline »?

Ouais c’est ça. Tu sais je peux faire pas mal de choses… Si je voulais faire du rap classique ou des mélodies plus classiques, je pourrais le faire. J’ai pas envie de la jouer old school car ce n’est pas ce qui fonctionne. Les gens se retrouvent piégés. T’as l’impression d’être obligé d’aborder tel ou tel sujet ou que ta musique devrait sonner comme ci ou comme ça. LA LIBERTÉ !

Ce que j’aime c’est utiliser ma voix comme un instrument. C’est comme jouer de la guitare. Le message peut être clair car tu utilises ton instrument comme toi tu l’entends. Le système m’a pris au piège trop longtemps. Si je peux faire tout ça et m’exprimer librement, j’évite de me faire prendre au piège. Je vais m’assurer que si tu n’aimes pas ce type de son, je ferai un style de son qui te plaira. Essaye juste, laisse toi tenter et écoute ce que je raconte.

Tu as acquis une certaine notoriété grâce à des lives sur des chaînes YouTube reconnues en Angleterre. Quel rôle jouent ce genre de médias pour la scène UK selon toi ?

Tu vois Mixtape Madness , ils te donnent vraiment la force et le soutien qu’il faut. Et ça a démarré bien avant « Frontline ». Les freestyles Next Up (son freestyle date de février 2019) par exemple… C’est vraiment des gars qui viennent te chercher hors de Londres. C’est vraiment une plateforme rap très soutenue par le public et qui donne de la force aux artistes émergents. Ils poussent beaucoup les jeunes. Ça fait partie des points clés pour ma promo. C’est comme ImjustBait (influenceur anglais aux 4,5M d’abonnés), ils font tous partie de ce mouvement. C’est une nouvelle génération, bien plus déterminée, bien plus informée. Tu sais, j’adore le soutien qu’ils m’apportent car je les soutenais moi aussi, avant tout ça.

Et un show comme COLORS? Tu serais partant? 

C’est pas prévu pour le moment mais je serai totalement partant pour ce genre de truc. Si j’en ai l’occasion, je suis 100% partant !

Malgré ta courte carrière, tu sembles être une personne très réfléchie, la tête sur les épaules malgré ton succès récent. Tu n’oublies pas le fait que tu aies survécu à une balle dans la tête ou que certains partent trop tôt (RIP son ami AP). Est-ce ta recette du succès, l’humilité ?

Pour être honnête, ne pas trop regarder ce qui t’entoure est sûrement la meilleure chose à faire. Reste focus et ignore le reste. Forcément, tu réalises ce qui se passe autour mais tu dois tout absorber. Fais abstraction de ce qu’il y a autour et avance. Je ne fais que vivre et survivre. Je respire et je suis heureux. Je connais l’importance de la vie.

Tu sais ce que tu aurais fait si la musique n’avait pas marché?

J’aurai sûrement été dealer! Un trapaholic !

Comment tu t’es organisé pour enregistrer cette mixtape?

Il y a beaucoup de sons qui n’ont pas été totalement finalisés sur la mixtape. J’étais un peu partout tu sais, j’étais à Bath (dans le sud-ouest de l’Angleterre), à Londres etc… En Angleterre bien sûr, à cause du confinement puis un peu des plans de dernière minute parfois. Pour moi, c’est toujours la musique qui prime. Le processus… Je ne vois même pas ça comme un processus, j’enregistre, j’écris et j’adore ça, je te jure! Je ne le vois pas comme un processus. Je me laisse juste porter par les énergies.

As-tu des projets pour ta ville? 

J’ai envie d’y ouvrir une sorte de studio. Les gens de Coventry sont ma famille, mes premiers fans ! Ils vivent tous là-bas et certains y resteront toute leur vie. Je compte faire en sorte qu’ils se retrouvent moins dans des situations compliquées. Le quartier reste le quartier avec ses mauvaises habitudes. Il y aura toujours des petites galères. J’essaye de rendre les choses plus faciles pour eux et je le ferai à l’avenir également. Je ferai tout ce qui est possible. Un homme ne peut pas changer le monde entier mais j’essaierai aussi longtemps que je pourrai.

D’origine gambienne, tu parles wolof et français dans certains sons et on remarque une vraie l’influence dancehall sur la mixtape. D’où te vient ce côté multiculturel ?

La liberté ! Et être en vie. Ça vient réellement de la liberté que j’ai et du fait que je sois en vie. Je suis libre de faire tout ce que je veux. Il n’y a rien qui me bloque, je m’en fous ! C’est comme ça, c’est la seule solution et je m’en fous car c’est comme ça que je suis

Les sonorités de la Gambie, du Sénégal, vous allez les entendre, faites-moi confiance à 100% ! Vous allez vraiment m’entendre sur tous types de sons. Il y a quelque chose avec le dancehall, c’est dans l’énergie. Je suis une personne spirituelle, quand je vois les jamaïcains, j’ai cette réelle impression qu’on est de la même famille. Mes ancêtres, mes cousins, mes frères et sœurs… une spiritualité folle! Que ce soit le dancehall, la musique du Sénégal, de la Gambie…. Et pourquoi pas de la musique feng-shui ? La musique des USA ? De la pop japonaise planante ? La musique brésilienne… J’aime tout !

On remarque ça très bien dans  l’album avec des producteurs d’horizons multiples. (Kwes Darko, Felix Joseph, Yussef Dayes entre autres). Varier les styles était important pour toi ?

Oui car c’est tout ce que je connais de la musique. N’oublie pas que ce n’est que le début pour moi. J’apprends à me connaître donc ce que j’ai sorti jusqu’à maintenant représente ce que je connais, ce que j’ai l’impression de connaître.

Je peux aller n’importe où et produire des sons totalement différents donc j’essaye de tirer avantage de ce fait. Comme je te l’ai déjà dit, c’est la liberté mec, la liberté frère ! Tu auras ce que tu veux. Je me fous de ce que tu aimes ou pas. Ressens les énergies, essaye de me comprendre, c’est tout. Tu sais, je fais ma musique pour personne d’autre que pour les gens qui peuvent comprendre ou kiffer la vibe, c’est tout. Je pense que ça m’aide pas mal aussi. Je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup donc la musique m’aide beaucoup à rester focus.

Notre seul regret, c’est de ne pas avoir vu Gazo dans l’album… Peut-être dans son futur album ..? Est-ce qu’il y a d’autres artistes avec qui tu aimerais collaborer particulièrement?

On a d’autres sons en stock, on a un son déjà prêt tu vois (rires). J’aime beaucoup la France et j’ai prévu d’y passer beaucoup plus de temps dans le futur. J’adore cette culture.

J’aimerai travailler avec Kaaris et Niska. Tu connais Singuila ? J’aimerais aussi faire un son avec Singuila. Ah, et aussi tu sais, quel est son nom déjà.. (il cherche). Cette fille (il chante) « Oh Djadja! »

Aya Nakamura! 

Ahhh, tu connais! (rires) Tu vois cette fille Aya Nakamura, j’aimerais tellement collaborer avec elle ! Avant, je t’aurais dit Niska ou Gazo a 1000% mais si tu me demandes aujourd’hui c’est Aya et de loin. Elle a cette énergie que j’adore! Mais il y a beaucoup d’autres talents en France !

Pa Salieu – Send Them To Coventry

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