Behind The Beat : Shuko, la qualité allemande qui s’exporte

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Behind The Beat : Shuko, la qualité allemande qui s’exporte

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Alors qu’il vient de sortir son nouvel album For the Love of It, le producteur allemand Shuko s’est posé quelques minutes pour répondre à nos questions. Il nous parle, entre autres, de sa vision internationale du hip-hop, de ses nombreuses collaborations et de l’évolution du beatmaking.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le « German Wunderkind », Christophe Bauss a.k.a Shuko est un des plus importants producteurs de rap en Allemagne. Dès le début des années 2000, alors qu’il a déjà produit et rencontré le succès outre-rhin avec  divers rappeurs allemands, il se fait remarquer en plaçant quelques premières prods pour les emcees américains Bubba Sparxxx, Nappy Roots et certains membres du Dipset.

Par la suite, il continuera à produire pour plusieurs grands noms du rap US comme R.A. The Rugged Man, Talib Kweli et même le grand Rakim. En parallèle, Shuko commence à se faire un nom sur la scène beatmaking avec trois albums d’instrumentaux signés sur le très bon label Jakarta Records.

En 2015, il sort For the Love of  It, une sorte d’album consécration sur lequel il invite les artistes avec lesquels il a, semble-t-il, le plus apprécié travailler tout au long de sa carrière: Talib Kweli, CL Smooth, 20Syl (lire notre interview « 20Syl, des projets plein la MPC« ) ou encore le rappeur californien Blu. Malgré un aspect compilation, l’album est assurément un succès et contient un nombre impressionnant de tubes en puissance; ce qui nous a donné envie de poser quelques questions à l’intéressé.

The BackPackerz : Peux-tu commencer simplement par te présenter à ceux qui ne te connaitraient pas encore ?

Shuko : Je suis un producteur originaire d’Allemagne. J’adore créer des beats, réunir des gens et sortir de la bonne musique

Quel est ton premier souvenir hip-hop ? Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir producteur ?

Mon premier album de hip-hop a été Soul Survivor de Pete Rock, de 1998 je crois. J’écoutais tout type de musique mais cet album a tout changé, un des projets les mieux produits selon moi. plus tard, c’est le disque de Hi-Tek qui m’a amené vers des genre comme le neo-soul, le Gospel, etc.

Le nombre et la qualité des rappers pour lesquels tu as produit sont impressionnants. Quelle est ta collaboration préférée ? Comment as-tu réussi à rendre cela possible ?

J’ai vraiment aimé travailler avec Vinnie Paz et tous ceux de AOTP, collaborer avec ces gars-là a toujours été très marrant. Tout le travail pour mon dernier album était aussi cool. J’ai adoré être enfermé en studio avec Bubba Sparxxx en 2007 tellement ce mec est sympa, de même pour Tyga, avnt qu’il ne devienne célèbre. Enfin, j’ai aussi aimé bosser avec Nekfeu et 20syl. Ce sont vraiment de sacrés artistes que j’admire, en particulier 20syl et ses beats de malade.

Y a-t-il encore un MC pour lequel tu rêves de produire ?

Bien sûr ! Eminem, ce serait incroyable.

For the Love of It contient plusieurs collaborations transnationales entre des rappeurs français et américains. As-tu volontairement donné à cet album une dimension internationale ?

C’est la musique avec laquelle j’ai grandi ! Ce son boom-bap du rap US et français…le rap français a toujours été si proche (surtout dans les années 90) de la musique US que cela faisait peu de différence pour moi. J’ai tous les albums d’NTM, Passi, Busta Flex, Shurik’n etc.

Aujourd’hui, le beatmaking semble s’émanciper du rap pour devenir plus instrumental. Pourtant, chaque track de ton album comporte des MCs. Tu préfères bosser avec des rappeurs ?

Bonne question…J’adore créer des chansons et parfois tu n’as aps besoin de rappeurs pour faire une bonne chanson. Je travaille déjà sur mon prochain album instrumental, qui est carrément plus facile à terminer…J’ai bossé de nombreuses années sur For the Love of It et je pense que je préfère travailler en tant qu’artiste solo.

Penses-tu que le rôle de producteur est en train de changer ? Selon toi, les producteurs sont-ils en train de gagner de l’importance dans l’industrie musicale ?

Tout à fait. Aujourd’hui tu as besoin de t’y connaitre en graphisme, en vidéo et en réseaux sociaux, sinon personne n’écoutera ta musique car tout le monde en fait. Avec l’essor du streaming et autres, ce n’est plus aussi facile de vivre des ventes de disques, donc tu dois faire des concerts ou essayer d’amener ta musique à la télé, au cinéma, ou dans des pubs.

À quoi ressemble la scène beatmaking en Allemagne ? Penses-tu qu’être allemand t’apporte une vision particulière du hip-hop ?

La scène beat est folle. Tu as beaucoup de très bon producteurs comme Suff Daddy, Dexter, iamnobodi, Abaz, Reaf, X-Plosive et GEE, qui font tous de super choses. Je ne pense pas que ma nationalité ait un quelconque impact sur ma musique. Par exemple, récemment, je suis particulièrement inspiré par la musique de Los Angeles.

Pourrais-tu pointer des différences notables entre les scènes hip-hop françaises, allemandes et américaines ?

Je dirais que la scène française est très proche du marché US, notamment à cause d’Internet, il n’y a selon moi plus beaucoup de différences. Il y a des producteurs talentueux partout mais la mentalité en France est particulière: vous avez une culture musicale que l’Allemagne n’a pas (ou pas de la même ampleur). On a de bons auteurs dans notre histoire mais vous, vous avez des mecs comme Charles Aznavour etc…ce qui vous place devant nous.

Tu suis aussi des artistes de « future beat » comme Ta-Ku et Esta. Quelles sont tes plus grandes influences en ce moment ?

Bien sûr, Ta-Ku et moi on parle assez souvent. J’adore Esta, Kaytranada, et tout le crew de Soulection. Les gars de Jakarta Records sortent aussi des projets très lourds ! Ça fait un paquet de talents tout ça…