La Fine Équipe : les beatmakers de retour aux fourneaux

La Fine Équipe : les beatmakers de retour aux fourneaux

À l’occasion de la sortie de La Boulangerie 3, les artisans du son oOgo, Chomsk’, Blanka et Mr Gib nous ont donné rendez-vous au Pan Piper pour la release party de leur album collaboratif. Sur ce troisième opus, qui fait mine de concours pour le meilleur ouvrier de France, les boulangers nous offrent une trentaine de beats compilant collabs entre potes beatmakers et morceaux de leur cru. Le mélange est homogène, et l’ensemble succulent. Au micro de The BackPackerz, ces fameux pâtissiers mélomanes nous ouvrent leur cuisine afin de nous parler de l’histoire du collectif, de la scène future beat française, de leur label Nowadays Records, de leurs gâteaux préférés et de leurs projets à venir.

The BackPackerz : Afin de vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous nous raconter en quelques mots l’histoire de La Fine Équipe ?

oOgo : Notre première rencontre était à Marseille, où Mr Gib, Blanka et moi-même faisions du scratch. Suite à des émissions de radio, nous sommes montés à Paris, où nous avons rencontré Chomsky, le quatrième de l’équipe. C’est alors que nous avons décidé de nous installer à Paris, et de nous diriger vers la prod. Peu après, nous avons sorti notre premier album La Boulangerie, et avons monté en parallèle notre studio d’enregistrement et notre label.

TBPZ : En ce moment, dans le Hip-Hop nous avons l’impression de revenir à nos premières amours, à savoir la musique électronique. Que pensez-vous de l’état actuel du Hip-Hop, de cet abaissement des frontières entre les genres ? D’ailleurs, vous revendiquez-vous toujours comme Hip-Hop ?

Mr Gib : La scène beat au sens large a explosé, et la place du beatmaker a beaucoup évolué. Avant, le hip-hop, c’était un rappeur et un DJ. Dorénavant, le beatmaker/DJ prend beaucoup plus de place, et n’a plus forcément besoin d’un rappeur pour exister. Les outils se sont eux aussi transformés, avec l’utilisation d’acapellas ou de samples de voix. Aujourd’hui, oui, nous sommes toujours Hip-Hop, mais nous faisons surtout de la musique électronique au sens large, sans aucune barrière.

oOgo : Chacun a son opinion là dessus, mais comme le dis Gib, La Fine Équipe, c’est un groupe qui vient du Hip-Hop, et qui fait de la musique de façon plus large, sans faire partie du game Hip-Hop français. Mis à part Blanka, qui produit différents projets pour des rappeurs français et/ou francophones, l’unique album que La Fine Équipe ait produit pour un rappeur, c’est Fantastic Planet. Globalement, les seuls rappeurs avec lesquels nous collaborons sont anglophones, à l’image de Green T et FP du groupe A State Of Mind.

TBPZ : Quel est votre avis sur cette scène beat ? Pour vous, y a-t-il réellement une scène beat en France ? Est-on en retard par rapport aux Etats-Unis, ou est-ce au contraire un style en pleine expansion de ce côté de l’Atlantique ?

Blanka : Justement, les français ont plutôt le vent en poupe (Avec un fort accent marseillais), et nous sommes très connectés !

Chomsk’ : Aujourd’hui, grâce à des plateformes comme Soundcloud, il n’y a plus vraiment de frontières.

oOgo : Surtout qu’avec des artistes comme Kaytranada, qui est canadien, francophone et très connu en France, le français Stwo, ou Mr Carmak qui remixe Stromae, nous sommes très bien placés. Depuis déjà un moment, la musique électronique française s’exporte bien. C’est la suite logique, avec cette nouvelle forme de musique électronique plus teintée Hip-Hop. Le concept derrière La Boulangerie, c’est justement de réunir tous ces artistes, et d’apporter la preuve que ce genre est bel et bien en train d’émerger.

TBPZ : Les albums La Boulangerie ont parfois des airs de compilation. Est-ce que cette volonté de faire découvrir de nouveaux artistes était présente dès le départ, avant même la création d’un label ?

Banka : Bien sûr ! Les gens avec qui nous travaillons depuis des années sont des gars que nous avons rencontrés en studio, et avec qui nous avons développé des affinités. Forcément, quand est venu le moment de faire un album ayant pour but de fédérer plusieurs artistes d’univers très différents, nous leur avons fait signe. En France, ce genre de projets reste assez rare. Tout le monde se sent le cul, observe ce que chacun fait, sans pour autant avoir vraiment l’occasion de travailler ensemble.

TBPZ : Concrètement, comment les connexions se sont-elles faites ? Connaissiez-vous a priori tous ces artistes ? En avez-vous contacté certains exclusivement pour le projet ?

Chomsk’ : Beaucoup viennent de la radio. Pendant longtemps, nous avions une émission sur Radio Campus Paris. Et puis, il y a eu les débuts de MySpace, où tout le monde s’envoyait des messages, faisait sa propre promo. Tout ça n’avait pas encore explosé, c’était un outil de communication tout nouveau. Ensuite, nous avons commencé à tourner, et c’est comme ça que nous les avons rencontrés. Au fur et à mesure des sorties, des contacts de contacts sont ensuite venus se greffer pour créer une sorte d’arborescence.

Mr Gib : À l’époque de La Boulangerie, en 2008, mettre dix huit beatmakers en trente deux pistes sur un disque ne correspondait à aucun format. Pourtant, c’est ce dont nous avions envie.

Chomsk’ : En fait, le format qui existait, c’était Donut, l’album qui nous a retourné et qui nous a donné envie de faire La Boulangerie. Les morceaux courts, les tracks qui s’enchaînent très vite, ça vient de là.

oOgo : Même le nom La Boulangerie est inspiré de Donuts, avec ce côté friandise. C’est ce qui nous a motivés, avec Tribute de Onra & Quetzal, et nous a montré qu’il était possible de sortir un album juste en tant que beatmaker. Après, le format entre compile et album, ça vient du fait que nous avions entre les mains des productions de nombreux artistes que nous adorions. Puisque nous ne savions pas s’il y aurait un deuxième disque, nous avons voulu réunir un maximum de gens.

Chomsk’ : Il faut se remettre dans le contexte, le CD était en train de mourir, internet arrivait. Depuis, ce genre de démarche a pris une certaine importance, du moins c’est ce que nous espérons.

oOgo (En se moquant) : Internet arrivait, juste après la télé couleur et le minitel… on est pas si vieux que ça hein… (Rires)

TBPZ : oOgo et Chomsky, vous formez tous les deux le duo Hoosky, et êtes également les fondateurs du label Nowadays Records. Comment gérez vous ces différentes casquettes, et comment répartissez-vous le travail au sein des différentes formations ?

Chomsk’ : Dans la mesure du possible, nous essayons de ne pas mélanger les projets. A la base, Hoosky (ndlr: oOgo + Chomsky = Hoosky), c’est une branche de La Fine Équipe. Maintenant, c’est devenu un side-project à part entière. C’est encore très récent et pour l’instant, le projet est un peu mis en stand-by. Quant au label, ça remonte à 2012, lors de la sortie de Fantastic Planet, que l’on tenait à sortir de manière indépendante.

oOgo : Au niveau de la gestion, le groupe et le label sont totalement liés. C’est simplement plus de boulot qu’un groupe qui s’autoproduit, car nous travaillons aussi pour d’autres artistes. Il y a FakearYann Kesz qui vient de sortir un projet, Everydayz & Phazz qui en sortent un bientôt, et nous devons sortir un projet commun avec Khryo & SNKA, qui seront là ce soir. C’est la continuité de La Boulangerie, sauf qu’au lieu de faire un album tous ensemble, nous allons sortir les projets un par un. En fait, il s’agit de duos de boulangers !

TBPZ : Prévoyez-vous de futurs projets solos ?

Mr Gib : J’ai monté un studio de mixage et d’enregistrement qui s’appelle « One Two Pass It », et il y a de la nouveauté à venir. Blanka a « Kasablanka Mastering ». Tout ça est voué à continuer.

Blanka : D’un point de vue artistique, j’ai travaillé avec Guts sur son dernier album. Je produis également plusieurs morceaux sur les albums respectifs des français Face Cachée et Hippocampe Fou, qui doivent sortir en mars prochain.

Chomsky’ : De notre côté, nous allons continuer à développer Hoosky et le label.

TBPZ : Une dernière question, pour terminer sur une touche culinaire : quel est votre gâteau préféré, dans la vie et/ou sur La Boulangerie 3 ?

oOgo : Moi, je déteste les pâtisseries ! (Rires) Au hasard, je dirais le choux à la crème. Sinon, j’aime bien « Mon Chéri », qui est une prod de Hoosky.

Blanka : Le « Paris Brest », mais il est sur La Boulangerie 1, et le « Fraisier » sur La Boulangerie 2.

Mr Gib : Moi, dans la vie c’est la tarte aux poires, et sur La Boulangerie 3, j’adore « Jazz et Thé Vert ». Simple et très efficace.

Chomsk’ : Moi, sur La Boulangerie 3, j’aime beaucoup les « Crêpes Crapuleuses ».


Big up aux 4 artisans boulangers (oOgo, Chomsky, Mr Gib et Blanka) pour avoir accepté de se poser au micro de The BackPackerz.

On vous invite fortement à écouter (et vous procurer) leur dernière fournée La Boulangerie 3 qui est sortie du four le 1er Décembre.