Ikaz Boi, futuriste invétéré

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Ikaz Boi, futuriste invétéré

Loin d’être un simple beatmaker, Ikaz Boi a fait le grand saut en sortant le 22 Juin 2018 son premier projet sobrement nommé Brutal. Retour sur l’évolution de l’un des producteurs français les plus bankables du moment.

Rares sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir produit pour Hamza, Damso, Hoodrich Pablo Juan, 13 Block, Ateyaba, ou encore Jazzy Bazz. Depuis sa chambre de La Roche-sur-Yon, jusqu’à la Mecque de la Trap à Atlanta, celui dont le prénom est Zaki a fait du chemin et des rencontres.

Le spectre de Jay Dee

Début des années 2010 en France : porté fièrement par 1995 , le boom-bap se voit donner un renouveau. En 2012 sort Paris Sud Minute, album à la production léchée mais qui détonne avec son époque. La même année sort Apex de Veerus, un EP où l’on peut retrouver trois productions d’Ikaz. Bien loin des sonorités Trap-électroniques du Zaki de 2018, celui de 2012 préfère les samples soulful de piano et trompette. Si ces productions caresseront le tympan des aficionados des années 90, elles pourront laisser perplexes ceux qui ont multiplié les turn-up sur « Vide » de 13 Block.

La complémentarité d’Ikaz Boi avec le emcee havrais peut se lire à travers leurs collaborations au fil des années et illustre de la plus belle des manières la mutation d’un son très boom-bap vers un son plus expérimental et unique. Bien sûr, cette transition ne s’est pas faite du jour au lendemain, et en cette même année 2012, on peut entrevoir ce que sera Ikaz Boi pour les années à venir sur « Arithmétique » de Deen Burbigo. Co-produit avec DANCE, ce morceau propose une prod plus originale qui tend vers des sonorités electro.

Ambitions musicales

S’il place quelques prods à gauche à droite pour des artistes dont la renommée reste restreinte, c’est bien en 2014 avec l’énorme banger «On est sur les nerfs » qu’Ikaz va acquérir ses premières lettres de noblesse. Joué en boîte de nuit, cet OVNI de l’époque ouvre la voie vers une production qui ose sortir des sentiers battus. La patte si reconnaissable du Yonnais réapparaît à nouveau en 2015 sur l’EP DeLorean Music d’Ateyaba où il confirme l’apanage de son style envoûtant et original. Toujours en cette année bénie pour le rap français, Ikaz parvient à être joué sur OVO Sound Radio, la prestigieuse radio du label de Drake. De plus, Ikaz réalise sa première incursion dans l’hémisphère nord-américain en produisant « Lay Low » pour Derek Wise, rappeur de Toronto appartenant à la nébuleuse XO.

Sa renommée grandissante lui permet de signer en 2016 sur le défunt label Bromance, co-fondé par Brodinski, en même temps que son frère d’arme Myth Syzer. Ensemble ils sortent l’excellent EP Cerebral, où l’on retrouve le Bruxellois Hamza en featuring sur « High ». La collaboration avec le Sauce God se répète sur « Zombie Life » où Hamza ride sur les délicieux « Slowdown » et « Mes entrailles ». Dans un tout autre registre, Jazzy Bazz fait appel à ses services sur son premier album P-Town. Sur le suave « Trompes de Fallope », le rappeur de L’Entourage délivre un tour de maître et un morceau des plus harmonieux.

Les choses s’accélèrent

Après cette année bien remplie, la carrière de celui qui cite The Chronic: 2001 de Dr. Dre comme sa plus grande influence prend un sérieux tournant en 2017. L’année commence sur les chapeaux de roue, avec la sortie en janvier d’« Inglorious », le premier album de Derek Wise. Ikaz Boi sublime le delivery tout droit sorti du 6ix avec des prods planantes et atmosphériques. Quant à la France, le grand retour d’Ateyaba avec le single « Visions » porte haut le nom d’Ikaz Boi et attise la convoitise des fans pour le tant attendu Ultraviolet. Sur sa lancée, Ikaz sort le projet commun Mercure avec Veerus. La quintessence de ce qu’est la signature sonore d’Ikaz Boi se trouve ici : des prods sombres, énigmatiques et métalliques. En avril, Damso livre « Nwaar is the new black », court morceau à la prod infiniment mélodieuse, dont l’auteur, vous l’aurez deviné, n’est autre qu’Ikaz.

Il apparaît désormais évident qu’Ikaz Boi arrive à se positionner sur des projets d’artistes majeurs qui peuvent le porter plus haut. Aux États-Unis, par le biais de Brodinski, Ikaz et Syzer atterissent sur « Drug Designer 3 » d’Hoodrich Pablo Juan, rappeur montant d’Atlanta qui a récemment signé chez 1017 Eskimo, le nouveau label de Gucci Mane. Enfin, « Pasadena » et « Monopoly » sur la mixtape 1994 d’Hamza lui assurent une présence sur l’un des projets les plus attendus de l’année. Ikaz clôture son année avec « Vide » , extrait du projet commun avec 13 Block. La mélodie entêtante montre à tous qu’Ikaz sait faire des tubes et fait saliver les fans pour ce qui s’annonce.

Le succès de Triple S sorti en avril dernier permet à Ikaz de réellement sortir de l’ombre et de confirmer qu’il est capable de mener un projet de A à Z. On observe ici l’aspect de producteur d’Ikaz Boi qui l’éloigne du réducteur statut de beatmaker auquel on longtemps été réduits nombre de ses prédécesseurs. Sa dernière orfèvrerie en date, « Baltringue » de Damso, ressort comme l’un des meilleurs morceaux du désormais platine Lithopédion.

Poussé par la sortie de « Bisous », premier projet de son grand pote Myth Syzer, Ikaz a fait de même peu de temps après avec Brutal. Salué par la critique, ce projet qui mêle morceaux avec des artistes internationaux et instrumentales grandioses montre qu’Ikaz se définit avant tout par le futurisme de sa musique. Comme pour Syzer, il serait dur de trouver un autre producteur qui lui ressemble. Son particularisme se polit et s’affûte au fil des années. Si l’enfant de La Roche-sur-Yon a aujourd’hui acquit une certaine notoriété, l’éventuelle sortie de « ReRun » (malheureusement pas sur Astroworld) qu’il a produit pour Travi$ Scott et Quavo pourrait bien le propulser vers les hautes sphères. Celui qui rêve de signer la bande-son d’un film à succès semble être à deux pas d’entrer dans la postérité, et nous suivrons bien sûr cela avec attention.

Ce portrait est une contribution libre de Romain Rey que nous avons choisi de publier. Si vous aussi voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.