Geeeko : « Je veux choquer à chaque fois »

Geeeko : « Je veux choquer à chaque fois »

En pleine expansion suite au succès de son premier projet Réel, Geeeko enchaîne les allers retours Paris-Bruxelles pour perfectionner son univers et faire rayonner sa musique comme elle le mérite.

A tout juste 21 ans, le jeune rappeur bruxellois peut déjà se targuer d’avoir un univers construit et accompli. Sublimée par l’autotune maîtrisée à la perfection, sa voix oscille entre des tonalités variées qui offrent à sa musique des ambiances polymorphes, parfois planantes, parfois entraînantes, et toujours pleines de drip. Actuellement en pleine promotion de son prochain projet qui devrait sortir en décembre, Geeeko nous a accordé un peu de son temps pour répondre à nos questions.


Tu as passé les dernières semaines entre Bruxelles et Paris, les allers-retours ne te fatiguent pas trop?

Ces derniers temps… Je t’avoue que si, surtout Marseille, ça m’a tué. Je suis parti bossé avec PH TriganoBenji aussi, qui a bossé sur le dernier album de Damso. On s’est enfermés en studio et on a charbonné.

Mais tu es habitué à voyager parce que tu es né et a passé 7 ans en  Afrique avant de bouger en Belgique, même si ce n’était pas des voyages de plaisance évidemment. Tout ces changements ont dû t’influencer.

Bien sûr ça, m’a grave influencé. J’ai appris à m’adapter quand je bouge d’endroit, à connaître et comprendre la culture de là où je suis et surtout à m’intégrer. C’est surtout ça le truc, parce que je suis un gars timide en plus. Mais je m’intègre tout gardant ma culture évidemment. Quand je suis arrivé ici, j’avais vraiment des attitudes de blédard  (rires), mais je restais moi, on se moquait beaucoup de moi mais ça ne m’atteignait pas. Même maintenant si je suis un belge et que j’ai intégré toute la culture, il y a toujours des trucs de blédard qui peuvent resurgir.

Tu as développé un esthétisme qui mélange couleurs sombres et vives qui se matérialise dans ta musique mais aussi ta façon de t’habiller et tes clips. C’est important pour toi que ton univers aille au-delà de la musique ?

Grave ! Parce que maintenant, les gens sont attachés aux visuels, tu vois. Ils ont besoin que tu fasses de la bonne musique et que tu les inspires aussi visuellement. Quand ils te regardent ils veulent voir un artiste complet et accompli. C’est important de dégager quelques chose de charismatique. Que ce soit au niveau des clips ou au niveau des sons, j’essaie qu’il y ait un esthétisme cohérent avec la personne que je suis.

Les dreads du coup, c’est une inspiration de Lil Yachty ?

De base ouais ! C’était il y a environ trois ans quand il marchait vraiment, aux alentours de Lil Boat 2 je crois. J’avais fait rouge comme lui et mon nom sur Insta c’était même « LilYachtySon », donc c’était vraiment calqué, j’avais repris l’énergie et l’univers. Mais c’est devenu un problème quand je passais en ville et que les touristes n’arrêtaient pas de me stopper pour prendre des photos en pensant que c’était Lil Yachty. Donc ça m’a saoulé et j’ai changé, j’ai fait du vert, du mauve et maintenant ça fait un peu plus de deux ans que c’est bleu.

Tu as l’impression, maintenant que les gens sont attachés à cette couleur et te reconnaissent comme ça, que tu es obligé de garder bleu pour ne pas perdre ton public ?

Non, vraiment c’est parce que j’aime bien. Avant que ma musique se diffuse un peu, c’est vrai que les gens me raccrochaient à ça mais ce n’est plus trop le cas maintenant. Maintenant on me confond avec n’importe qui par contre, on m’appelle Koba, on m’appelle Zola (rires), des petits qui sortent de la maternelle et qui hurlent, ça me fait rire en vrai.

Tu as ce style très américain qui manquait au paysage musicale francophone, à tel point que certains te surnomment « le plus américain des Belges ». Est-ce que c’est un surnom que tu comprends ?

Je comprends totalement parce que visuellement c’est très ricain, même dans la manière que j’ai de rapper, comment je mumble, c’est ricain. C’est aussi la façon que j’ai de vraiment mettre en avant les vibes plus que le texte, c’est complètement assumé ça. Mais sur mon deuxième projet je vais essayer de mettre plus le texte en avant parce que bon, faut plaire aux Français quand même (rires). Mon premier projet c’était « ouais il y a beaucoup de vibes, j’aime beaucoup, mais des fois je comprends pas ça etc.. ». Donc maintenant, le deuxième projet, on a fait les choses différemment. C’est pour ça que j’ai travaillé avec PH Trigano qui m’a vraiment apporté le fond et la forme, parce que lui a vraiment les codes.

Il y avait déjà un engouement autour de la sortie de Réel, encore plus aujourd’hui avec les différents singles. C’est une source de motivation ou de pression pour toi?

Tu sais, moi, ce genre de trucs, je suis imperméable. Pour l’instant, je ne réalise pas. Je fais de la bonne musique, j’aime faire ça mais je suis pas là me dire : « ooooh là c’est en train d’exploser ». Je ne regarde pas les chiffres, parce que si je me perds dans ça, je vais commencer à trop me focaliser là-dessus et je vais me matrixer. Je veux juste faire de la bonne musique, et quand ça va vraiment marcher, peut-être que à ce moment je regarderai. Mais ça n’intervient jamais dans le processus de création, et ce n’est pas du tout un objectif. Les chiffres, ça ne me dit rien.

Tu as fais pas mal de clips en animation avec Thomas Silbert, c’était une volonté artistique ou vous avez été coincés à cause du la situation actuelle ?

Corona… Le Corona a fait.. Mais après, on a trouvé que c’était cool, que ça apportait aussi un vraie vibe du coup on l’a refait pour le morceau « Drunk » avec Coyote Jo Bastard. En gros dans la galère on a trouvé un autre moyen de mettre en visuel ma musique et ça a plutôt bien marché. On a trouvé que ça prolongeait bien l’univers et les énergies que je transmets.

Tous tes autres clips ont d’ailleurs été réalisés par la même personne : Johann Dorlipo…

On a une connexion incroyable avec Johann. Je lui fais aveuglement confiance. Il vient avec ses idées et je ne discute même pas, parce qu’il comprend parfaitement mon mood et ma musique, donc il n’y a jamais de problèmes. Il arrive toujours à sublimer les ambiances de mes morceaux.

C’est important pour moi qu’il n’y ait pas toujours la même couleur dans les projets ou les singles

Dans les gens avec qui tu travailles régulièrement, il y aussi et surtout Chuki Beats. C’est important pour toi d’avoir une équipe sur laquelle compter ?

Tellement ! Il faut avoir un socle de base et une fois que tu es bien établi, tu peux aller travailler et ouvrir ton équipe à d’autres gens. De base, mon équipe de producteurs c’est Chuki, Berry et Simeon, là on commence à s’ouvrir à des PH, etc… qui viennent apporter d’autres couleurs. Parce que c’est important pour moi qu’il n’y ait pas toujours la même couleur dans les projets ou les singles. Ces mecs-là vont apporter du relief et un coup de tonnerre sur ma musique.

Ton featuring avec Yung Mavu sur le morceau « 3am in Bruxelles » est ta première collaboration internationale je crois. 

Dans un sens oui mais pas vraiment. Parce que lui aussi est belge mais de l’autre côté, côté flamand. C’est pour ça qu’il rappe en anglais, mais quelque part ouais, c’est un peu un feat international. D’ailleurs c’est lui qui avait explosé sur Twitter avec son freestyle ou il reprenait la musique d’Harry Potter, ce n’est qu’après l’avoir vu que j’ai capté que c’était lui !

Et comment s’est faite cette connexion ?

En fait c’est via Chuki, parce que Yung Mavu est signé dans son label. Donc comme je suis toujours avec Chuki on s’est connectés avec Yung Mavu et d’autres mecs de son label. On est souvent sortis ensemble, j’ai fait pas mal de leurs première parties, donc on est devenus un peu potes, c’est pour ça que cette collaboration était logique. On s’est retrouvés en studio et on a fait le son en deux-deux. Lui, il m’a impressionné parce qu’il a écrit sa partie en 30 minutes et il a posé direct sans étapes, je me suis dit « oh le boug il est vraiment loin », alors que moi j’étais toujours en train d’écrire (rires)

J’ai envie que ceux qui ne comprennent pas ma langue puissent aussi kiffer ma musique

Et toi toi ta musique, est-ce qu’elle a vocation à franchir les frontières et à s’exporter ?

A fond ! C’est vraiment mon objectif ça. Ne pas rester juste dans la francophonie. J’ai envie de toucher d’autres gens, j’ai envie que ceux qui ne comprennent pas ma langue puissent aussi kiffer ma musique, ce serait vraiment une étape franchie. Qu’ils captent la vibe et l’énergie même sans le texte, un peu comme ce que Stromae a fait, ce que Lous fait aussi ! Même sans comprendre le fond, la forme peut aussi te transmettre des émotions et c’est ce que je veux faire. Donc je me dis « pas de limite, essaie de toucher le plus de gens que tu peux, ne te bloques pas pour plaire aux français et aux belges ». Mais la plus grande réussite serait de plaire au bled, ce serait la consécration.

Dans ta musique revient souvent le thème des spiritueux, c’est aussi une source d’influence et d’inspiration ?

Bah oui ! Tu rentres dans un sujet, là ! Va au bout, haha !

Est-ce que tu arrives à rester modéré ?

Oui ! Au début, je vais pas te mentir, non.. Parce qu’au début on était tous excités donc dans le studio c’était la fête, c’était un peu n’importe quoi. Mais maintenant c’est devenu vraiment mon travail donc on sait faire la part des choses et ne pas abuser. On a énormément limité l’alcool au studio et on se modère. Maaais quand je suis avec Chanceko par exemple, on s’autorise un petit écart ahah !

Pour moi tu as un côté Young Thug dans cette façon que tu as de jouer avec les différentes tonalités de ta voix pour créer des ambiances différentes dans un même morceau…

Je kiffe qu’il y ait vraiment du relief, que la personne qui écoute ait l’impression que je suis en feat avec moi-même. Donc je peux te poser une grosse voix et passer à une voix aiguë, des choses qui n’ont rien à voir et que le résultat soit bien et cohérent. Ça permet aussi de varier les morceaux et de lui donner des couleurs différentes.

A quoi peut-on s’attendre pour la suite ? 

Le deuxième projet arrive ! On a été à Marseille, on a charbonné, là on est à Paris on fait encore du studio à fond. Maintenant il faut choisir, parce qu’on a fait beaucoup trop de sons. Entre le premier projet et maintenant on a dû sortir une quarantaine de morceaux. Donc on va sélectionner ceux où je suis le plus mature possible pour qu’il y ait une vraie différence avec le premier projet. On n’a pas envie que les gens se disent « ok il a vu qu’il a une recette qui fonctionne il nous la recrache bêtement », ça je neveux pas du tout. Je veux vraiment choquer à chaque fois que je reviens !


Merci à Geeeko pour son temps, sa bonne humeur et sa chevelure éblouissante. 

Un tendre merci à JuPi pour ces photos toujours saisissantes, prises en costume trois pièces.

Remerciements également à la facétieuse et instagrammeuse Angèle Häfliger-Brethès d’avoir permis la réalisation de cette interview.