Damso – Ipséité

Avril 2017

Damso

Ipséité

Note :

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Damso a parcouru du chemin et marqué une énorme progression en peu de temps. En effet, on l’a découvert en 2015 dans un percutant couplet sur la chanson « Pinocchio » de B2O. Quelques mois plus tard, le rappeur belge nous livrait son premier projet Batterie Faible qui, pour être honnête, nous avait peu conquis à l’époque. Mais c’était sans compter sur Ipséité qui semble faire l’unanimité, autant auprès du public que des critiques.

Ipséité, autrement dit « identité propre », est ce qui fait qu’une personne est unique et absolument distincte d’une autre. Ainsi, le titre de l’album donne le fil conducteur des 14 morceaux et, au passage, un mot savant à sortir dans vos prochains dîners en ville.

Et très clairement, la singularité de Damso s’impose dans le game, et on sent le soin qu’il a pris a composer chaque morceau. Son talent d’écriture est indéniable, et sa capacité à nous sortir des punchlines fracassantes explique sûrement son affiliation avec le duc de Boulogne. Aussi bien crus qu’assortis de figures de style, les mots de William Kalubi (de son vrai nom) sont acérés et dépeignent avec noirceur sa vision du monde, la douleur de celui qui a fuit Kinshasa dans les années 90 à cause de la guerre civile.

Si son histoire et la sincérité qui s’en dégage font le thème et la force de l’album, on peut quand même reprocher une redondance du discours qui, pour résumer, tient à : les autres et moi. A plusieurs reprises, le rappeur belge révèle sa défiance des hommes qui semblent l’avoir déçu à de nombreuses reprises, et qui l’ont laissé tomber quand celui-ci était au plus bas.

Il revient en particulier sur ce thème dans « N. J Respect R », où il évoque des gens qui n’ont pas cru en lui et se comportent en opportunistes depuis que lui a percé. Le clip retrace la dernière année écoulée où paradoxalement plane une atmosphère nostalgique.

[…] Car depuis qu’on se connaît
Nan, jamais tu ne m’as phoné
Bah ouais, à part hier quand j’ai cé-per
Donc t’étonnes pas que j’respecte R

Dems semble vraiment aspirer à la solitude, quitte à travailler avec peu de personnes. À ce propos, on note un seul featuring dans l’album, et c’est probablement un signe supplémentaire de sa volonté de tracer sa route en solo.

Seul certes, mais avec une addiction au sexe qui le pousse à enchaîner les conquêtes féminines dont il se défend de tout sentiment. Le concept d’amour est complètement rejeté par Damso qui semble ne pas vouloir connaître la dépendance affective auprès d’une femme.

« Non je ne veux pas de sentiment
Pour moi c’est trop la lose
J’deviens incontinent quand tu parles d’amour »

Il ne s’en tient malheureusement pas au simple rejet du sentiment amoureux et prend soin de salir les femmes dans de nombreuses punchlines explicites. Néanmoins, l’auteur de ces lignes (de sexe féminin) ne s’est pas sentie insultée outre mesure et considère qu’il exprime ce mépris envers les femmes qu’il a fréquenté et non au genre féminin en général. On ne dira donc pas qu’il est misogyne.

On ne sait pas si le colosse d’1m92 a trouvé l’amour depuis mais il s’est en tout cas vu devenir père entre-temps, lui apportant au passage « un peu de paradis dans mon monde » (cf « Kietu ») et dont il relate ses doutes dans « Peur d’être père ».

Sombre, c’est le mot qu’on retiendra en tout cas pour qualifier l’ambiance de cet album malgré les prods dansantes de « Signaler », « Lové » ou encore « Kin la Belle », dans laquelle il rend hommage à ses origines. Au global, la musicalité est parfaitement maîtrisée, que ce soit au niveau des instrus que de son flow nonchalant qui épouse chaque track avec maîtrise.

Au demeurant, son sens du tempo a fait naître plusieurs titres tubesques comme « Nwaar Is The New Black », « Macarena » ou « #QuedusaalVie » mais également l’OVNI « Mosaïque solitaire », 5 minutes dans lesquelles se s’intègrent 3 prods différentes.

On reste en revanche assez perplexe face à « Une Âme pour deux », qui conte une histoire littéralement cauchemardesque où se suivent bagarre, viol, inceste, réveil à l’hôpital avec une chute loufoque sur fond d’expérience de Walk in….

On retiendra toutefois un album très cohérent, qui montre l’énorme talent et la marge de progression dont l’artiste dispose encore. On ne devrait pas tarder à en avoir le coeur net puisque Damso a annoncé il y a quelques jours qu’un nouveau projet était en cours dans l’émission La Sauce (OKLM Radio) mais dont on n’ignore encore la nature. Affaire à suivre…