Bas – Too High To Riot

Mars 2016

Bas

Too High To Riot

Note :

Bas, le pensionnaire de Dreamville Records, le label de J. Cole, nous revient avec un deuxième album dont, il faut le dire, la facture est sans défaut. Holla à Too High To Riot sorti au début du mois.

Bas, qui cumule nombre de particularités comme celle d’être né de notre côté de la Seine ou de s’être lancé dans le rap sur le tard (en 2010, à 24 ans), n’est donc plus à une surprise près. Non pas que la qualité de son opus nous surprenne, mais bien qu’il ait été en mesure de sortir autant de projets de qualité en si peu de temps. S’il est encore assurément assimilé au proche entourage de J. Cole, nul doute qu’un album comme celui qu’il vient de commettre en fait un interlocuteur (de poids) du rap game.

Too High To Riot s’ouvre sur un morceau au titre éponyme et dont les plus attentifs reconnaitront un beat déjà kické par Mick Jenkins sur « Comfortable ». Dans ce track à la narration en miroir, le rappeur joue sur le terme « high » en expliquant être trop « à point » pour se révolter, comme la masse, dopée aux promesses et aux illusions tandis que de l’autre côté, il fustige ceux qui se sont déjà trop « élevés » dans le système pour le remettre en cause. Côté production, la main est laissée à Cam O’Bi dont le nom est associé à la J.U.S.T.I.C.E League, excusez du peu. Le beat y est aussi vaporeux et léger que le texte se veut éthéré.

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La production met particulièrement l’accent sur l’ambiance qui se dégage de cet opus. Toutes les prods, dont la plupart est réalisée par Ron Gilmore, déjà maître d’œuvre du précédent opus de Bas (Last Winter), sont soignées et on ne peut qu’être attentif à l’intention mélodique qui régit cet album. Sur chacune d’elles, les claviers donnent le « la », les effets sonores sont nombreux et enrichissent l’écoute des beats lourds et un brin downtempo assimilables à ceux de maisons comme Soulection par exemple. Dans un album où Bas fait état de sa vision de la vie, de ses tourments amoureux et de ses observations crues du monde qui l’entoure, cette approche musicale tient idéalement le projet et en souligne la modernité. Dans des textes toujours positifs et tournés vers une description réaliste et sans fard de son univers, Bas propose un rap maîtrisé et mélodieux qui apporte une vraie musicalité à son projet et de la fluidité à l’écoute.

Mention spéciale à deux morceaux présents sur cet opus. « Matches » d’abord, fruit d’une collab’ avec The Hics, groupe londonien d’electro-soul (par ailleurs présents sur un autre morceau, « Ricochet ») et qui décrit la futilité et la fatuité qui peuvent naître de la célébrité. Sur quelques notes volées à un piano qui feront la boucle de ce track, Ron Gilmore ajoute une ligne de basse bien profonde à un beat plus léger et plus erratique. Comme pour illustrer la recherche permanente d’équilibre entre la vie réelle et le fantasme que représente la célébrité et pour préserver la cohérence du morceau.

If I wasn’t preoccupied, self absorbed, you self alone /

I left you with, I got the world /

Still felt alone and ever since been lost in the stars /

Missing on what Heaven sent godly /

I’m faulty, I’m fraud maybe

S’il fallait identifier un banger dans cet album, il s’agirait certainement de « Night Job » sur lequel J. Cole vient prêter main forte dans un couplet de haute volée. Les recettes du succès y sont : une ligne de basse profonde et efficace, des snares bien sentis pour délayer le beat et laisser toute sa place au talent des rappeurs.

Bas  – « Night Job » (feat. J. Cole)

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Au final, avec ce second LP, Bas signe une œuvre de belle qualité tant dans les textes, où la recherche stylistique est manifeste, que dans les productions résolument modernes et confiées à des beatmakers dont le talent n’est plus à démontrer. Tout est propre dans ce projet. Et peut-être un peu trop justement. S’il mérite clairement qu’on s’y arrête, il manque le morceau qui fera bloquer nos têtes et figera cet LP dans les mémoires. Ce manque d’aspérité qui empêche le côté clivant qui fait qu’on adore ou qu’on déteste un morceau. Il n’y a rien à redire en particulier et donc pas forcément d’arguments à avancer. Pourtant tous les ingrédients sont là. Cela étant dit, vu le talent de l’artiste, il y a fort à parier que Bas ré-apparaîtra vite à l’horizon et puis que cet album, on l’a clairement apprécié.