Blaiz nous parle de son prochain projet : Zima

Blaiz nous parle de son prochain projet : Zima

Blaiz est un rappeur parisien, après avoir débuté le rap aux côtés de son ami Vaga, il s’est lancé en solo il y a 5 ans avec Jungle BLBI. Aux fils des années et des projets, il est resté authentique proposant une musique mélancolique et remplie d’espoir. Créatif dans l’âme, Blaiz sort aujourd’hui – vendredi 28 janvier – son tout nouveau projet : Zima. Rencontre autour d’un projet sincère qui vous rendra nostalgique des années passées

 

À quelques jours de la sortie de ton prochain projet, comment tu te sens ? 

Je suis impatient, ça fait très longtemps que je n’ai rien sorti donc j’ai forcément hâte et je suis excité.

Avant de rentrer dans le vif du sujet de ton EP et de ce que tu as pu faire, j’aimerais m’arrêter sur ton écriture. Parce que quand j’écoute ta musique, je trouve que tes textes sont super beaux ! Peux-tu expliquer comment tu as commencé l’écriture et par la même occasion nous présenter tes débuts dans le rap ? 

Je pense que c’est au-delà du rap. Quand j’étais petit, j’écrivais des histoires et après, je dessinais tout le temps. En fait, c’est plus la créativité que j’ai toujours eu ! Ensuite, quand j’avais genre 12, 13 ans, j’écrivais des poèmes mais ce n’était pas du tout pour faire de la musique, surtout qu’à l’époque je ne pensais pas du tout à faire du rap ! Et je pense qu’il y a des artistes qui m’ont dit “mais en fait, toi, tu aimes trop écrire, tu fais des poèmes et tout”. Puis, je me suis dit qu’en fait, écrire c’est une émotion et interpréter s’en est une autre. C’est vraiment là ! Ce sont des mecs comme Sexions d’Assaut, Nekfeu, Hugo TSR, Georgio ! Ce sont vraiment eux quand j’étais plus petit où je me suis dit “ah ouai, je peux grave le faire !”. Et c’est à ce moment-là que je me suis dit que j’avais envie de faire des morceaux de musique, ce qui est totalement différent du procédé d’écriture. 

Tu as posté “4ème EP et je vis celui-ci comme un commencement”, c’est-à-dire ? 

C’est l’idée globale de Zima. Il y avait un moment dans le rap où je me reconnais moins. Enfin, c’est moi qui aimais moins ce qui sortait et pourtant je suis vraiment passionné de rap depuis toujours. Ça me saoulait un peu, et j’avais envie de refaire de la musique qui m’a fait tomber amoureux du rap et ce projet-là m’a aidé. Puis dans cette période-là, je n’avais pas envie d’écrire avec légèreté pour juste écrire et faire des sons pour faire des sons. J’avais vraiment envie de retomber dans le truc construit, concis, etc. C’est la base de Zima. Après Zima, il y a une ref totale. Zima c’est un court-métrage à la base, Zima Blue je ne sais pas si ça vous dit quelque chose ? 

Non, justement j’ai essayé de me renseigner et je suis tombée soit sur une boisson alcoolisée soit sur un personnage d’animé ! 

En fait, c’est un roman adapté en animation, un court-métrage de 11 minutes. C’est de la science-fiction, c’est dans le futur, et à la base on voit juste un mec qui est super bizarre, il est immensément grand et il ne fait que de la peinture. Il devient l’artiste le plus connu de la galaxie et à un moment il présente une toile avec juste un petit carré bleu et tout le monde se demande “qu’est-ce que c’est que ce carré bleu?”. Et au fur et à mesure de ses œuvres, le carré est de plus en plus grand jusqu’à ce que son œuvre ultime soit juste une énorme fresque bleue sur des dimensions irréelles. Puis, cet artiste-là invite la presse et tout le monde à sa dernière œuvre qu’il appellera Zima Blue. Il invite tout le monde chez lui et il saute dans sa piscine et se décompose petit à petit en mécanique. Et à la base des bases, ce mec-là était un petit aspirateur à intelligence artificielle qui lavait les carreaux de piscine ! Il y a vraiment ce côté “retour à la base” et lui en fait, une fois qu’il est arrivé au maximum de ce qu’il pouvait faire, il a décidé que sa dernière œuvre serait de retourner à ce qu’il était, à l’essence même. C’est vraiment comme ça que j’ai vu Zima : j’avais envie de me remettre dans le “Grégoire, 12 ans : à ça c’est trop bien, comme j’aime trop” où je passais mes après-midi entières à me défoncer le crâne avec un casque. À la base, mon projet j’ai failli l’appeler Zima Blue puis je me suis dit non, déjà que Zima est une très belle ref, je voulais voir mon propre Zima

Pour revenir sur ton morceau Môme, tu as dit que c’était un tournant dans la conception de cet EP, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ? Est-ce que tu te reconnais dans l’évolution de l’enfant à l’adulte ? 

J’ai l’impression que je suis encore un grand enfant ! J’ai plus de responsabilités mais avec toujours la même naïveté d’un enfant. Après, j’en suis obligé, c’est-à-dire que quand  tu grandis dans la vie, tu dois prendre des responsabilités, maintenant que je vis seule, je vis en partie de ma musique… Ça n’enlève pas du tout la partie de la passion et de l’émerveillement du côté de la musique mais ça rend les choses plus sérieuses. Donc l’évolution adulte, j’y suis pas encore ! Mais j’espère que quand j’aurais 35 ans, je te dirais la même chose, j’espère vraiment qu’à 35 ans je ne te dirais pas “ouais c’est bon, maintenant je suis carré”. J’aimerai toujours garder mes rêves d’enfant. 

Môme ça a été un tournant parce que… En fait, moi j’aime trop faire des morceaux qui sont un peu décousus, qui ne soit pas : 25 secondes de couplet, 25 secondes de pré-refrain, 25 secondes de refrain… Je n’aime pas du tout, et Môme c’était vraiment un morceau et dans mon projet il n’y avait pas vraiment de son comme ça ! Puis même, j’ai fait ce son et Son histoire est la sienne en même temps et je les ai aimé directement, pour moi, ces deux morceaux pourraient s’appeler Zima carrément tellement ils représentent le truc. 

Sur Môme et 10 ans tu as travaillé à nouveau avec Lausse The Cat, quelles sont les autres personnes avec qui tu as travaillé ? 

J’ai fait 3 titres avec Lausse sur le projet, j’avais déjà travaillé avec lui auparavant. Après, j’ai bossé avec un mec de son groupe de musique de Londre, pour le morceau Ashitaka. J’avais trop aimé car je trouve que dans le moov anglais il y a un truc de fou, pas forcément la drill même si c’est cool, mais ils ont un style qu’on n’a pas en France. C’est ça aussi qui m’a reboosté, ils ont une espèce de jazz old school lofi, mais tu ne peux pas dire que c’est du lofi car ça n’en n’est pas vraiment, tu ne peux pas dire que c’est du jazz car ça n’en n’est pas vraiment… Ils ont un groove comme ça qui me re-rend amoureux du rap en fait ! Et j’ai bossé avec Faux Sala aussi, un mec que j’ai rencontré sur internet qui m’a fait 2 prod. Après, ce n’est pas un 11 titres donc ça va vite les producteurs mais voilà ! 

J’ai vu que sur cet EP il n’y avait aucun feat et j’ai l’impression que tu n’es pas friand des feat de manière générale… 

Pas spécialement, il faut que ça se fasse naturellement et que ça se fasse de la meilleure des manières. A contrario, j’ai pour projet de faire un jour un EP avec tous mes potes. J’ai aussi discuté avec des artistes avec qui on été chaud de faire de sons ensemble, des mecs que j’écoutais quand j’étais petit et même mes potes ils me poussaient en mode “t’es trop con, il faut que tu ailles au stud”, et moi j’étais en mode “mais je vais y aller, ça c’est sûr, mais pour ce projet-là…”. C’est mon enfance, c’est moi ! C’est peut-être un peu trop égoïste ou égocentrique mais voilà c’était le thème du projet : moi petit, et moi peti, je n’avais pas de feat ! Il aurait pu avoir Vaga ! 

Justement c’est ce que j’allais te demander ! 

Ça fait longtemps qu’on n’a pas fait de son ensemble en plus parce que lui était parti pendant 1 an et demi autre part. J’aurai pu avoir Vaga sur le projet, ça aurait été naturel mais ça ne s’est pas fait, on n’est pas tombé amoureux d’un truc tous les deux ou d’un thème ou quoi. Si on veut faire un retour ensemble, parce qu’on va le faire, nous on a trop envie que ce soit trop cool. Donc voilà, j’aurai pu avoir Vaga mais ça ne s’est pas fait naturellement, sans se prendre la tête, il n’y avait aucune obligation dans le projet. 

Sur la sortie de ce projet, quelles sont tes attentes ? 

C’est compliqué car je sais moi-même que je n’arrive pas avec le projet de la tendance d’aujourd’hui. Je le sais et j’en ai conscience. Parfois, ça me pique et je me dis que ce n’est plus à l’ordre de ce qui se passe dans le rap français en ce moment. Mais en même temps, il y a cette vague que je ne retrouve pas dans d’autres artistes, donc je me dis qu’il y aura toujours quelqu’un qui aura envie de consommer ça. Et surtout, je l’ai fait pour moi à la base, et je sais que les trucs les plus intimes et les plus naturellement personnels touchent les personnes qui sont touchées de la même manière. Après mes attentes… J’ai la chance de ne pas avoir un très large public mais un public qui me suis vraiment assez fort et ça me touche. J’espère que ces gens-là, pareils, continueront d’être touchés et que d’autres personnes se rajouteront au délire. C’est le but ! Mais voilà, je sais que je n’arrive pas avec des sons de clubs, des sons dansants mais c’est un parti-pris parce que j’aime bien faire ça aussi, mais pas pour ce projet-là.

J’ai l’impression que dans ta musique, on retrouve sans cesse un questionnement, dans un de tes sons tu dis “j’écris avec le coeur”, et il y a certain moment sur Zima, où j’ai senti le ton monter, on a l’impression que tu as envie de crier ce que tu as à dire… La musique est un exutoire pour toi ?  

Oui totalement. Comme tu dis, c’est le terme que j’utilise tout le temps : exutoire ! C’est vraiment sans en faire la caricature du truc, c’est vraiment ça. Je sais que plein de morceaux, quand je les ai écrits, j’ai tout laissé sur la feuille ! Après ça me fait plaisir que tu me dises que tu as senti les intonations monter etc, parce que dans ma musique je me suis mis une barrière pour ce projet-là : je voulais faire de la musique douce. Pour ce projet, je voulais que ça reste assez téméraire mais je ne voulais pas que ça sonne trop linéaire. Donc, il a fallu trouver le juste-milieu entre faire une musique douce où je ne pousse pas trop ma la voix et en même temps faire ressentir les émotions. Ça a été compliqué, mais si tu me dis que tu ressens parfois ce côté-là, ça veut dire qu’on a réussi les trucs pour lesquels on s’est brûlés le cerveau. 

Dernièrement, sur ta musique je trouve qu’il y a une certaine boucle, aussi bien dans les clips avec les plans-séquences, que dans tes mélodies, dans les beats, etc… Avec tout ça, j’ai eu l’impression de planer avec toi, avec ce que tu ressens, avec tes émotions… Est-ce que c’est quelque chose que tu essayes d’instaurer avec ton public ? 

Je vois mes projets chacun différemment, sur Zima c’était beaucoup plus intime et le côté boucle, il y est vraiment. Et c’est trop bien parce que comme je te disais c’est Zima : revenir en arrière pour pouvoir évoluer ! En plus, je me suis rendu compte qu’avec tous les choix de prod que j’ai fait, ils ont limite le même thème. Sur les accords de piano c’est limite la même chose, et ce n’est pas fait exprès. Je me suis dit que c’était marrant parce que naturellement on en est venu à ça ! C’est vrai qu’il y a ce côté boucle donc je suis trop content, je ne sais pas si les gens en l’écoutant le remarqueront mais en tout cas pour moi c’est une petite étape des accomplissements : c’est d’avoir fait ça naturellement, c’est d’avoir ajouté quelque chose auquel je ne pensais pas qui rentre totalement dans la boucle de ce que je voulais faire. 

Pour revenir sur tes visuels, il y a quelque chose de spécial que l’on retrouve, au niveau des couleurs, du thème, il y a du grain, je trouve que ça dégage un truc d’authentique ! Du coup, je voulais te demander si c’est important pour toi de rester toi-même et d’être sincère ? 

Ah oui ! Pour moi c’est trop trop important. Parfois, c’est un peu une contrainte parce que je me dis : “vas-y on s’en fou” mais en fait c’est trop important pour moi. Un truc tout bête, par exemple quand ma mère regarde je veux qu’elle reconnaisse son fils et pareil pour mes proches. Je n’ai pas envie de donner une image fausse de moi. Quand j’étais petit, j’étais beaucoup plus fougueux, j’ai grandi, je me suis assagi et ma musique a fait pareille. Peut-être que ça changera encore, mais pour le moment c’est super important pour moi. Par contre, je ne dis pas que ça devrait l’être dans le rap, pas du tout ! Pour moi le rap ça peut aussi être de l’acting, de la comédie, de la surinterprétation, etc. Mais pour moi ça l’est. 

Tu me parlais de visuels aussi… J’ai eu du mal à en faire à un moment parce qu’il fallait trouver le juste milieu entre l’image et le son. J’ai trouvé ça super compliqué, avant je m’en foutais, on envoyait, on envoyait… Et je me suis pris la tête à un moment parce que je sais que ce sont des images qui restent aussi ! Avec internet, je sais déjà qu’à 50 ans je pourrai me retrouver sur mes freestyles où j’étais plus petit. Donc il y a aussi ce côté là, où il est important de se reconnaître et de ne pas se dire “oula, là c’est bizarre j’étais entrain de jouer l’acteur”. Et je trouve que le clip de Son histoire est la sienne, c’est le morceau qui me ressemble le plus, et pourtant on ne me voit presque pas ! 

La pochette de Zima prend tout son sens après tes explications sur le court-métrage, mais je suis sûre qu’il y a pleins de significations  ! 

Je suis trop content, je trouve que la pochette est incroyable. C’est une illustration irréelle, ça fait très Tim Burton je trouve dans la construction. C’est moi enfant qui joue au tarot pour connaître son futur et je me regarde dans la glace. La personne dans la glace c’est le moi âgé qui me regarde faire ces choix-là et tout ça donne un reflet vers la mort : il y a ce côté évolution. Il y a même ma mère sur cette cover ! Je pense que très peu de gens l’ont vu, elle est au fond en train de boire un thé. Il y a plein de petits objets qu’on ne voit pas forcément mais par exemple il y a la lampe que j’avais chez mes grands-parents, il y a le sablier, le dé, chaque carte à une signification. Bref, je la trouve trop cool ! 

Après on s’est dit que ça ne ressemblait pas à une cover de rap. Il y a le parti-pris d’être trop blindée, il y a trop de trucs. Qu’est-ce que les gens voient ? Il faut vraiment la regarder pour la voir en fait. L’importance des cover c’est de pouvoir impacter en 1 seconde. Là, c’est bleu ok mais c’est un brouillon, tu ne sais pas ce que tu vois. Mais je suis quand même trop content, je me dis que ça pourrait être la huitième track du projet cette cover. 

Concernant tes influences, tu m’as déjà parlé de quelques artistes mais il y a aussi tes inspirations japonaises…

J’ai remarqué qu’avant j’utilisais des réfs à foison, en plus moi j’aime trop la pop culture, jeux vidéos, dessins animés, films…. Mais un peu comme pour les feats, pour ce projets-là j’ai eu l’impression de tout mettre de côté pour ma gueule [rire]. Ce projet-là c’était moi et moi ! Après il y a quand même Ashitaka parce que son histoire est magnifique, au delà du film que je trouve incroyable depuis que j’ai 6 ans. Ashitaka a une histoire : il doit partir pour se guérir parce qu’il a une malédiction et la chamane de son village lui dit “pars vers l’est et trouve la paix intérieure”. Puis le mec à un périple incroyable, que ce soit entre la nature, l’homme, etc. Je trouvais ça ouf, donc Ashitaka, oui, il a totalement sa place. Je suis même fier d’avoir un son qui s’appelle Ashitaka, c’est d’ailleurs bizarre que je ne l’ai pas fait avant mais tout vient au bon moment. 

Pour terminer cet interview, mettons un peu le rap de côté : à côté de la musique, qu’est-ce que tu fais ? Quels sont tes centres d’intérêt ? 

Alors en fait, j’ai beaucoup de passion. Dans ma vie j’aimerais tout toucher. J’aimerais écrire un livre, écrire un scénario, faire un film, travailler pour une bande dessinée, faire de l’animation… Franchement, j’aime tout, je ne m’arrête jamais de créer. C’est le truc principal, c’est mon moteur quoi ! Et aussi, je l’assume pleinement : les films à foison que je mange constamment, je kiffe les jeux vidéos. En fait, tout ce qui fait évader l’esprit, tout ce qui me sort de la réalité directe, ça me passionne. Un jour pourquoi pas, créer une autre œuvre que la musique pour permettre une autre sorte d’évasion. Je suis rappeur, mais j’aurai aussi pu être réalisateur ! J’ai fait des études de cinéma, j’ai fait des études d’ingé son : j’aurai pu être réal et ça m’aurait fait tout autant kiffé et pareil pour le dessin. Toutes les palettes artistiques je les dévore tous les jours, sincèrement !

 

Je remercie chaleureusement Grégoire et Chloé pour leur temps et leur bonne humeur. 


Cette interview a été réalisée par Manon Virsolvy