Avec ‘VEDA’, YG Pablo lance 2021 sans aucun complexe

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VEDA

Avec ‘VEDA’, YG Pablo lance 2021 sans aucun complexe

Alors qu’il vient de sortir son deuxième EP VEDA, YG Pablo confirme tout les espoirs qui avaient été placés en lui et s’affirme déjà comme une référence d’un rap hybride et sentimental.

Prenez place à bord de la DeLorean et retournez deux ans en arrière. Un jeune rappeur bruxellois explose aux yeux du paysage rap francophone avec son titre « AVM« . Une présentation au grand public avec un morceau qui définira les contours de sa musique, sans pour autant l’enfermer et lui imposer des barrières. Deux ans ont passé, YG Pablo est toujours jeune, mais sa musique a mûri. VEDA est l’œuvre d’un artiste grandi de ses débuts amateurs dans la musique. La production a pris du galon, les mélodies sont plus affirmées, mais il en résulte toujours une certaine douceur et une candeur sentimentale. Nous avons eu le privilège de passer un moment avec YG, discutant de la nouvelle vague belge, de son désir d’explorer les genres musicaux, le tout sur un fond de Britney Spears.

Tu as sorti deux projets de 6 titres en un an et demi, prenant un certain contrepied dans cette ère de surproductivité. Est-ce important pour toi de ne pas étouffer ton public avec trop de sorties?

Je pense que mon premier EP, je ne l’ai pas sorti en prenant la musique vraiment au sérieux. J’avais déjà sorti des singles et des clips donc il fallait que je sorte un projet mais ce n’était pas vraiment « sérieux ». Après, la musique a pris une autre dimension dans ma vie, à partir de « AVM » je dirais, et j’ai commencé à devenir un peu plus sérieux là dedans. Je pense que les choses se sont passées comme elles devaient se passer. On a rien forcé, on a fait attention à rester indépendant et c’était important de ne pas faire de mauvais « move ».

On est finalement encore dans la phase de présentation de YG Pablo au grand public.

Voilà ! Je pense que ce projet, c’est réellement une présentation pour que le public comprenne ce qu’il va se passer après.

Tu es signé chez Believe mais uniquement en distribution. Était-ce crucial pour toi de garder ton indépendance ?

C’était super important parce que j’avais un morceau qui avait bien fonctionné et je n’avais pas envie de signer et qu’on me force à aller d’office dans cette direction alors que j’avais encore des choses à prouver. Je préfère, si je signe un contrat un jour, que ce soit pour ce que j’ai fait avec VEDA et qu’ils aient vraiment saisi la direction dans laquelle je vais. Je pense que si j’avais signé au moment de « AVM », on m’aurait pas laissé autant de choix.

Tu n’avais pas envie d’être juste une machine à fric.

Exactement ! J’avais envie de pouvoir m’exprimer librement encore. Sortir quelques projets, dont VEDA, et que je puisse aller dans la direction qui me plaît.

Ton EP est sorti le même jour que celui de Frénétik. On pourrait penser que les deux sont en concurrence mais on sent finalement une vraie fraternité dans la nouvelle scène belge.

De ouf ! Mais ça s’est vraiment fait par hasard qu’on sorte le même jour. On avait déjà distribué le projet et annoncé qu’il allait sortir le 22 et puis Frénétik a dit juste après qu’il sortait son projet le même jour. Je pense que personne s’est dit: « Oh merde, c’est le même jour!« , on s’est juste dit: ça va être une belle journée pour la musique belge. Au final, ça a été super positif parce que ça a juste mis la Belgique et Bruxelles en avant à ce moment là. Je pense que ça a nous a servi autant l’un qu’à l’autre, personne ne s’est dit: « Moi j’écoute que Frénétik » ou « moi j’écoute que YG ». Avec Frénétik, on a pas ce truc d’égo, on va juste être content l’un pour l’autre du succès qu’on peut rencontrer.

C’est ce que disait Frénétik dans son interview pour « Le Code »: le fait de vouloir être numéro 1, c’est pas pour écraser le reste, mais juste pour montrer ta détermination.

C’est ça. Tu peux pas arriver dans la musique et dire: « Je fais de la musique pour être numéro 2 », tu fais de la musique pour être numéro 1. C’est pas du tout en disant que « je veux être numéro 1 » que je vais discréditer la musique des autres. C’est juste un état d’esprit de vouloir être le meilleur.

Dans « Talk to me nice », tu dis: « Maintenant, la capitale c’est Bruxelles vie ». Comment expliques-tu le succès de cette nouvelle vague belge?

Je pense que c’est dû à la différence de la musique de Bruxelles. La ville, autant que le pays, sont très différents de la France culturellement. Ici, on reconnaît fort cet état d’esprit que vous avez dans le 91, 93, etc, qui ont des identités musicales fortes. Du coup, certains vont vouloir refaire ces recettes, mais c’est souvent inspiré des mêmes modèles. Tandis que je pense qu’en Belgique, on a pas vraiment ce truc de quartier parce que géographiquement ce n’est pas pareil. Donc on s’inspire tous d’artistes qu’on va écouter bêtement sur YouTube. Frénétik, c’est un gars qui est vraiment plus dans l’écriture, Geeeko il est plus dans les mélodies et finalement ça dépend juste de ce qu’on écoute en s’ouvrant l’esprit. En France, mon ressenti c’est qu’il y a plus d’inspirations locales, de mecs qui viennent du même quartier ou arrondissement.

Vous avez aussi beaucoup moins de complexes à vous inspirer des américains.

Je pense que celui qui en a le plus bavé avec ça c’est Hamza. Après, quoiqu’on fasse, il y aura toujours des critiques, mais le fait qu’il réussisse à ramener Headie One (rappeur anglais) sur son projet, c’est très fort.

D’ailleurs sur les critiques, tu dis: « Ca me critique sur les réseaux, ça me rend indifférent ». Tu arrives à faire la part des choses et à laisser de côté ces critiques sans fond sur les réseaux?

Ouais ! Moi j’aime bien les avis constructifs. J’ai écouté une chronique récemment de mon EP à la radio et le mec donnait un point de vue argumenté, et ça je prends. S’il trouve que mon écriture n’est pas assez poussée et me dis pourquoi, je l’entends, et quand je vais retourner en studio je vais avoir ça en tête et ça va me pousser à être meilleur. Si tu dis juste: « YG c’est de la merde », j’en ai rien à foutre et ça ne me touche pas du tout.

Est-ce que cet esprit de compétitivité tu l’as aussi appris en jouant au basket aux États-Unis?

Carrément ! Il y a énormément de points de concordance entre le basket et la musique. En tout cas moi j’ai su trouver plein de similitudes, notamment sur ce désir d’être le meilleur. Que ce soit meilleur que les autres mais aussi meilleur soi-même. Les sessions de studios, ce sont mes entraînements pour devenir meilleur, pour pratiquer.

« AVM » est sorti en février 2019. Est-ce que l’inclure dans VEDA, c’est pour faire le lien entre le rappeur que tu étais il y a deux ans, et le rappeur que tu es aujourd’hui?

T’es le premier qui le capte, c’est vraiment cool ! Du coup oui, c’était voulu que je mette « AVM » juste après « MALHONNETE » parce que beaucoup de gens me demandaient de revenir à un YG un peu plus rappé dans les morceaux. C’était quand même important pour moi de remettre des sons love parce que c’est un truc que j’aime bien faire et dont mon public est friand. C’était important pour moi de le mettre juste après « AVM » parce que c’est une manière de dire: « Voilà je continue à faire des sons de love mais c’est ça la direction que je prends ». C’est pour montrer que c’est plus travaillé aussi bien au niveau des mélos que des prods. Le but était que quelqu’un qui m’a découvert avec « AVM » et qui enchaîne avec « MALHONNETE » puisse voir qu’il y a une différence, qu’il se dise que je suis toujours le même artiste mais que j’ai evolué.

Justement, quand tu arrives en studio, tu as une idée précise de ce que tu as envie de faire ou c’est au feeling?

Franchement ça dépend. Pendant certaines périodes, je vais écouter que du Bryson Tiller et du RnB et, du coup, je vais écouter que des prods RnB en ayant envie de faire que ça. Et pendant d’autres périodes, je vais aller en studio la tête vide. Je laisse le producteur faire sa magie et je m’y adapte en voyant ce qui me vient.

On sent que tu varies les styles. Sur « Goyard » tu disais: « On a souffert beaucoup, on fait de la trap beaucoup ». Est-ce que c’est voué à évoluer? Tu restes ouvert à tout genre musical?

C’est vraiment ça l’état d’esprit. C’est de continuer à aller chercher de nouvelles voies, de ne pas se limiter à un style ou un type de prod. Je n’ai pas spécialement envie de me limiter au rap. Aujourd’hui, on qualifie énormément de choses de « rap ». Dans le sens où, que ce soit le public ou les médias, veulent juste classer les personnes en tant que rappeur mais pas nécessairement leur musique. Pour moi, un Heuss avec « Khapta » qui est considéré rap ou un Kaaris, sans dénigrer ou attaquer qui que ce soit, c’est pas du tout la même chose. C’est même des courants musicaux différents. C’est parfaitement assumé et parfaitement fait, mais c’est pas du tout la même chose. Frénétik, c’est mon frangin de dingue, mais on peut pas dire qu’on fasse la même chose donc pour moi, ça ne fait pas sens qu’on puisse être comparés.

Quand tu dis voir des scènes de films quand tu écris, ce sont des scènes de ta vie ou des scènes qui sont le fruit de ton imaginaire? 

C’était plus une manière d’imager en fait. Parce que quand j’écris, soit je vois des trucs par rapport à ce que j’ai vécu, donc j’écoute la prod et j’ai des visions. C’est à dire que je vois avant d’écrire, j’ai des flashbacks qui m’inspirent ensuite ce que je vais raconter. Par exemple dans « Goyard », je dis: « Contrôle au faciès, je fais plus de biff que l’agent en blue donc on m’agresse », c’est parce que le jour où j’ai fait le son, je me suis mangé un gros contrôle au faciès à Gare du Nord. Donc c’est ça que je veux dire: quand j’écris, j’ai toujours une scène en tête.

Sur « AVM« , la façon que tu as de dire: « Avoue moi tu m’aimes », je le vois un peu comme une supplication de préférer un beau mensonge qu’une vérité qui blesse. Tu voulais transmettre quoi quand tu l’as écrit? 

C’est pas comme ça que je l’avais écrit. Je l’avais plus pensé comme une question d’égo où tu as besoin d’entendre que la personne t’aime et que tu as envie d’être flatté. Mais c’est ça aussi la force du morceau, c’est que tout le monde peut en faire son interprétation personnelle. Je pense que c’est une des raisons qui fait que le morceau a touché autant de monde: les paroles peuvent être interprétées de manière différentes et chacun peut se les approprier.

J’ai essayé de m’informer sur la production avec les crédits très mal renseignés de Spotify et j’ai vu un « Pablo Plaza » crédité. Est-ce que c’est toi ?

Oui c’est moi ! En fait sur tout les morceaux, je suis au moins à la réal. C’est très rare que je prenne pas part à la production car j’ai la chance de pouvoir produire moi même. Sur « Destocker », par exemple, je suis en co-prod. Mais sur les autres, je joue toujours un rôle même s’il est minime, je touche toujours à l’ordi quand le truc se fait. Je sais quand quelque chose me dérange, j’arrive à l’identifier et à résoudre ce problème moi-même. Du coup, je suis sur les crédits ahah, même si c’est que 5%.

Le fait de produire, c’est aussi une manière de contrôler ce que tu veux transmettre au public?

Ouai c’est hyper important! Même au mix, je dois être là parce que j’ai dit les choses d’une certaine manière, j’ai posé sur la prod d’une certaine manière donc je veux que l’émotion que j’y ai mis arrive de la même façon dans les oreilles des gens. Si je laisse le gars faire le mix et qu’il met un gros cut quand il le fallait pas, ça va tout tuer. C’est important pour moi de contrôler le son de A à Z. Tu peux gâcher un morceau très bien écrit et produit si le mix ne suit pas.

« Je suis le gars sur lequel il faut parier ». Quelles sont tes ambitions dans la musique? Qu’as-tu envie de créer et d’amener ?

J’ai envie de pouvoir faire accepter certaines choses dans la musique. Dans le sens où les morceaux d’amour ou sentimentaux sont très mal assumés. Souvent, un rappeur va en glisser un dans son album, pas trop assumé et c’est dommage. Je trouve ça dommage qu’en France, il n’y ait pas de vraie scène RnB. Il y a des gars comme Tayc qui arrivent, mais même là c’est fort influencé afro. Il n’y a pas un Bryson Tiller ou un Tory Lanez. Il n’y a pas un mec qui assume pleinement ce statut sans passer par l’afro ou d’autres genres. J’ai envie de pouvoir faire ce que j’aime, le faire accepter au public sans qu’ils se disent « Ah non ça, ça se fait pas ». Je pense que c’est un truc vraiment belge, Hamza l’a fait avec son univers très cain-ri, Damso le fait avec « 911 » et ce côté Mylène Farmer à mort. Au final, ce qui me ferait le plus plaisir, c’est qu’on s’inspire de moi. Je pense que c’est ça la musique, le partage. C’est ça qui aide à ce que de nouvelles sonorités arrivent dans la musique, et pour ça, il faut des gens qui osent, des précurseurs, qui prennent le risque de le faire, quitte à se casser la gueule.

Comment gères-tu cette frustration de ne pas pouvoir partager ta musique sur scène avec ton public ?

C’est un peu frustrant, j’aimerais bien pouvoir rencontrer les gens qui écoutent ma musique. Après je me dis qu’il y a des gens qui vivent la crise de manière bien pire que moi et je pense que je ne suis pas dans une position où je peux réellement me plaindre. C’est triste, j’ai hâte que ça reprenne et j’ai hâte de pouvoir faire des lives. Mais je me rends compte de la situation chanceuse que j’ai, je ne me plains pas et je pense aux autres qui vivent cette situation dans des conditions plus difficiles.


Cet entretien a été mené en la compagnie du facétieux Brendan Guillot-Noël. Un grand merci à Lila d’avoir organisé cette interview, et d’avoir tenté un vers en alexandrin à la fin (raté). La légende veut qu’un jour, Hicham prit une photo décevante, mais nous n’en avons pas la preuve. 

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