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Aminé – ONEPOINTFIVE

Dès la promo de la pochette, le ton est donné : à l’image des yeux hagards du rappeur de Portland, il semblerait bien que les sonorités ensoleillées de « Caroline », « Spice Girl » ou « Yellow », ce sera pour une autre fois.

Confirmation de ce parfait contre-pied dès le premier titre, « DR WHOEVER ». Aminé y parle de sa mélancolie, de sa liaison avortée avec Kehlani (« I think learnin’ how to eat pussy from someone who eat pussy /Is better than learnin’ from someone who doesn’t ») mais surtout, et c’est ce qui constituera la matrice de ce nouveau projet, de sa relation ambiguë avec l’argent et la célébrité. Se comparant à Paper Boi, l’un des protagonistes de la série Atlanta, Aminé poursuit alors l’exploration d’un thème qu’il avait déjà abordé sur son premier album avec « Money ».

Money don’t make you happy, it just makes you wanna get richer.

Mais cette fois, conscient de ce ton un peu trop moralisateur, il préfère poursuivre sur la lancée humoristique du single pré-Coachella « Campfire » (« Please, no pictures, I’m a tired motherfucker / Spidey senses tigle when it’s fake niggas »).

Le ton est alors à la satire, poussant jusqu’à l’absurde les excentricités matérialistes et mégalomanes de ses collègues trappeurs, allant même parfois jusqu’à sampler les vidéos de l’influenceur Rickey Thompson. Dans ce domaine, l’enchaînement des morceaux « HICCUP », « REEL IT IN » et « BLACKJACK » est plutôt bien réussi, tout comme « SUGARPARENTS » dans lequel Aminé, assisté de la facétieuse Rico Nasty, met en garde son auditeur contre les affolantes goldiggers. Néanmoins, toujours dans le même ordre d’idées, « CHINGY », situé à la moitié de l’album, pêche par son manque d’originalité et lasse assez rapidement.

« SHINE », « RATCHET SATURN GIRL » et « TOGETHER » sont peut-être les morceaux les plus réussis de l’album. Déjà connu pour savoir au mieux disséquer ses pérégrinations amoureuses (souvent toxiques) sur « Hero » et « Wedding Crashers » , Aminé parvient à nouveau à créer une relation d’empathie avec son auditeur lorsqu’il évoque son cœur d’artichaut et ses difficultés à entretenir des relations sérieuses et durables avec ses conquêtes féminines.

Mention également au titre « CANTU », consacré à l’obsession que ses fans blancs ont pour ses cheveux frisés. La référence bien sentie au « Don’t touch my hair » de Solange, combinée à certains passages hilarants (« Did you think this was a petting zoo? / Do I look like somebody’s dog? / Do I look like somebody’s cow? /Do I look like somebody’s lamb? No! /Sit down!”) en font un morceau léger, agréable à réécouter, et qui peut donc d’autant mieux véhiculer son message.

De la même manière, quelques références au Black Empowerment sont distillées subtilement tout au long de l’album, comme sur « STFU2 », qui se réfère sans doute à la mort du jeune Tamir Rice et, plus légèrement, sur « BLACKJACK » « Cuffs on my wrist so the cops don’t trip ». Cette nouvelle approche, plus réfléchie et plus subtile, contraste d’ailleurs avec son attaque lourdingue de Donald Trump durant le show de Jimmy Fallon en 2016 et ses whitefaces du clip de « REDMERCEDES ».

For heaven’s sake let him breathe

Finalement, il est peut-être vain de comparer ce projet avec Good For You. Les invités (Gunna, Rico Nasty, G Herbo), bien que talentueux, sont moins prestigieux que les têtes de gondole du premier opus, tout comme les productions abrasives et nettement moins chaleureuses qui sont pour la plupart issues de la collaboration Pasqué – Aminé.

Il ne serait pas surprenant qu’à l’avenir Aminé privilégie une œuvre transmédia (le morceau « Campfire » a été composé en même temps que la réalisation du clip) tant les visuels de « Caroline », de « Spice Girl » et, désormais, de « REEL IT IN » ont une influence sur le succès de sa musique. Par l’importance qu’il accorde à la réalisation de ses clips (le soin accordé à la photographie, aux mimiques et aux interludes désopilants), Aminé, aidé de ses fidèles acolytes Yosief Berhe, Jonathan Ressom et Demetrius Rhodes Jr, semble même parfois s’inspirer de son pote Tyler, The Creator, lorsque ce dernier réalisait avec ses compères d’Odd Future Jasper Dolphin et Taco Bennett des clips iconiques de la trempe de « Rella » (la perruque, portée par Aminé et Injury Reserve dans Campfire, n’y est certainement pas pour rien). Bref, comme l’indique son titre, ONEPOINTFIVE pourrait faire office de passerelle entre Good For You (1.0.) et un autre véritable album (2.0.).

Cette chronique est une contribution libre de Ludo Ninove que nous avons choisi de publier sur BACKPACKERZ. Si vous aussi voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.

La Rédac

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