Quatre ans après son dernier album solo, Aminé ajoute une nouvelle entrée à sa discographie pleine de caractère. La qualité a-t-elle été à la hauteur de l’attente? Analyse.
Neuf ans après sa percée dans le monde du hip hop, Aminé continue son petit bonhomme de chemin avec succès et panache. Dans le désordre, si nous comptons sa série des ONEPOINTFIVE / TWOPOINTFIVE, Limbo ainsi que KAYTRAMINÉ, le rappeur de Portland a su capitaliser sur sa créativité afin de développer une discographie assez solide pour pouvoir se détacher de l’image du “One Hit Wonder” qui hante bon nombre d’artistes faisant leurs premiers pas dans le monde de la musique.
Néanmoins, cela ne semble guère surprenant puisqu’Aminé est un artiste ayant une trajectoire bien définie concernant la suite de sa carrière marquée par des ambitions clairement affichées : “ Je veux grandir en tant qu’artiste, compositeur et devenir la personne que je souhaite être durant les dix prochaines années. C’est ce à quoi je pense vis-à-vis de mon prochain projet parce qu’il s’agit du troisième album studio. TWOPOINTFIVE et KAYTRAMINÉ étaient des mixtapes ou des projets alternatifs que je faisais pour combler le temps d’attente et donner au public ce qu’il voulait après Limbo en 2020.” (Source: Hypebeast, 2024)
Bien que ces projets aient été conçus avec une part de stratégie, ils l’ont également été avec une dose de conviction puisque ces derniers opéraient comme des passerelles intéressantes qui nous permettaient in fine d’avoir un œil sur les expériences qui sortaient de ses divers laboratoires créatifs.
Cela se solde par des tentatives notables marquées par des prises de risque plus ou moins réussies qui ont le mérite de rester fidèles à sa feuille de route musicale et de lui donner d’autres hits (“Charmander”, “4EVA”, “Sossaup”…).
Cependant, l’heure n’est plus propice aux chemins de traverse artistiques mais à la pratique avec ce troisième projet studio qui revêt une importance toute particulière pour lui. L’idée, comme il le confesse dans les colonnes de Dazed, est de concevoir une œuvre plus mature qui saura traverser l’épreuve du temps : “À mesure que je grandis, je pense à l’héritage et aux choses laissées derrière soi lorsqu’on part…” (Source: Dazed, 2025)
Une prise de parole qui contraste avec son début de carrière tonitruant accompagné d’une maturité artistique encore trop fragile voire juvénile dont il s’est d’ores et déjà détaché : “J’ai grandi depuis mon premier album Good For You en 2017. Je me suis manifesté dans cette industrie musicale avec cet album et le hit “Caroline” qui m’apportait beaucoup de pression parce que j’avais envie de créer un bon projet, c’était ma seule préoccupation. Je ne pensais pas encore à l’héritage musical, aux tournées. J’avais un single qui fonctionnait très bien donc je pensais plutôt à composer un album qui plairait au public.” (Source: fantano, 2020)
Avec toutes ces années de carrière derrière lui, Aminé semble avoir assez mûri pour proposer ce qui devrait être son album le plus personnel. Pour ça, il lui faut s’affranchir de notre calendrier pour nous proposer treize mois de soleil. Ces réflexions se traduisent-elles à merveille sur le projet?
Quoi de beau sous le soleil?
Si certaines personnes s’attendaient à du réchauffé de la part d’Aminé, ils risquent d’être déçus puisque le mantra de l’artiste consiste à aller à contre-courant des doléances de sa fanbase : “ Je n’ai jamais été fan du fait que les gens veulent un son spécifique de ma part comme un « Yellow » de l’album Good For You, parce que je ne vais jamais reproduire la même chose. C’est intentionnel. J’ai vu un article dans lequel un artiste déclarait que le public ne serait pas attaché à la musique mais au souvenir et à l’expérience associée à la chanson. Alors, pour moi un musicien ne doit pas être influencé par une partie du public qui souhaiterait un son similaire. Tout est une question d’évolution, chaque album doit proposer quelque chose de différent. Pour autant, je ne pense pas avoir un son spécifique mais plutôt une voix spécifique.” (Source: fantano, 2020)
Cette réflexion est essentielle pour un artiste puisqu’elle l’empêche de tomber aisément dans l’écueil de la facilité, quand bien même la reproduction d’un hit à la chaîne peut être tentante. Toutefois, Aminé reconnaissait volontiers que certains producteurs qui l’entouraient ne lui permettaient pas d’explorer pleinement sa créativité, quitte à aller au-delà de ses frontières artistiques : “ Certains producteurs avec qui je travaille parfois ne me poussent pas hors de ma zone de confort et laissent mes idées prendre le pas sur tout. (…) Je ne veux pas que mon empreinte prenne le pas sur l’intégralité du travail collectif. ” (Source: Apple Music, 2023)
Pour ce faire, il a décidé de faire appel à son équipe habituelle composée de Pasqué, Lido ou encore Westen Weiss tout en ajoutant de nouvelles têtes dans le collectif comme Jim-E-Stack, FNZ, Buddy Ross, Loukeman, Dahi ainsi que Ely Rise. En mêlant d’anciens producteurs avec du sang neuf, Aminé s’autorise une évolution intéressante sans pour autant effectuer une refonte totale de sa direction artistique.
En effet, sur cet album nous assistons plutôt à une synthèse de certaines ères peu ou prou explorées dans ses œuvres précédentes tout en proposant d’autres angles musicaux jusque là inexploités dans son catalogue. À cet égard, l’ombre de sa mixtape TWOPOINTFIVE plane légèrement au-dessus du projet sans prendre le pas sur la nouveauté qui nous est offerte.
En guise d’exemple, nous avons “Feels So Good” qui rappelle les tempos effrénés de l’hyperpop revisitée sur ladite mixtape mais également “Changer” et “Arc de Triomphe” qui s’inscrivent dans la continuité logique de “Sh!t2Luz” et rendent un bel hommage au hip hop britannique de facto.
Un excellent clin d’oeil qui n’a rien d’opportun puisqu’Aminé collabore avec cette scène depuis 2020, que ça soit avec slowthai ou encore Disclosure. L’influence de son travail antérieur se ressent aussi sur le génial “Raspberry Kisses” qui prolonge la palette KAYTRAMINÉ n’ayant plus été exploitée depuis 2023.
En revanche, l’artiste n’effectue pas uniquement des versions approfondies de ses anciennes pérégrinations musicales puisqu’il nous offre sur ce disque quelques pas de côté loin d’être surprenants pour peu qu’on connaisse ses appétences artistiques.
On en tient pour compte “Sage Time”, “I Think It’s You” et “Vacay” (composé avec un sample de Yamê) qui flirtent avec succès avec la house mêlée à de la pop / rap. Toujours dans le sillage électronique, nous avons le génial “Temptations” marqué par la patte d’un Loukeman qui sort de son horizon habituel afin de proposer une chanson plus ouverte que ce qu’il a l’habitude de composer avec son acolyte Vegyn.
Il convient aussi d’évoquer le single “Familiar” qui se distingue des autres morceaux susnommés grâce à une production électro et industrielle signée entre autres par Buddy Ross. Sa présence est loin d’être anecdotique puisqu’en plus d’être l’un des proches collaborateurs de Frank Ocean, on lui doit plusieurs de ses classiques tels que “Nights” ou encore “Provider” dont Aminé s’inspire sur la reprise du flow.
Le spectre de Blonde s’étire sur “Doing The Best I Can” qui réveille la magie d’un James Blake, Francis And The Lights ou d’un Bon Iver. Encore une fois, la sélection des producteurs effectuée en amont paye ici puisque Jim-E-Stack a su capturer l’essence de Justin Vernon avec qui il a activement travaillé sur SABLE, fABLE afin d’y convoquer la même énergie et ce, sans créer une énième itération.
Lorsqu’il ne s’aventure pas dans les nappes électroniques, Aminé plonge dans un versant laid-back psychédélique à la Unknown Mortal Orchestra (“New Flower!”, “Be Easier On Yourself”) tout en gardant son esprit hip hop à l’instar du morceau éponyme “13MOS”. Sur ce dernier, Dahi fait parler son expertise avec sa signature du sample inversé qui apporte un côté brumeux semblable à ce qu’il a pu faire pour Pusha T sur “Drug Dealers Anonymous”.
Outre l’expérience des producteurs, il y a également celle des invité·e·s qui apportent pour la plupart une plus value. (on regrette néanmoins l’apparition timide de chlothegod) Ce qu’il y a d’audacieux mais surtout de pertinent est la façon dont Aminé est parti chercher des artistes qui sortent de l’ordinaire. Exit l’entre-soi du gotha du rap US (Young Thug, Future, Lil Baby, Travis Scott…) qui, au fond, nous ennuie plus qu’autre chose tant leurs apparitions sont prévisibles et de moins en moins impactantes sur des projets marketés comme des blockbusters.
Ici, il mise sur des artistes confirmés mêlés à des stars en devenir (Toro Y Moi, Leon Thomas, 454, Waxahatchee) afin de proposer un éclectisme rafraîchissant et singulier. Si l’on salue cette prise de risque, l’artiste le voit comme un fait naturel découlant de son environnement et de son vécu : “Je viens de Portland, une ville complètement anecdotique. Donc ma palette artistique est versatile: je peux passer du rap pur et dur à des choses de la scène indie / alternative. Donc en ce qui concerne mon art, je n’ai jamais pensé aux attentes du public vis-à-vis de cela.” (Source: fantano, 2020)
Du vécu, il commence à en acquérir. Justement, il est temps de découvrir sa nouvelle phase.
Uncle mode : 31 années autour du soleil
“Ça me manque d’être naïf, d’espérer, de ne pas savoir de quoi le futur sera fait. Être dans ta chambre à l’université, fauché comme jamais.” (Source: Pigeons & Planes, 2020)
En effet, cette naïveté semble clairement s’estomper au point où celui-ci confiait traverser une petite crise existentielle lors de la conception de Limbo quelques années auparavant.
Une tempête émotionnelle qu’il ne traverse pas seul puisqu’il s’évertue à la documenter et la partager avec son public dans le but d’éveiller un sentiment d’identification : “Partager des choses avec son public et être honnête est génial. J’aime faire ça parce qu’en grandissant, je me suis rendu compte que mes artistes préférés l’étaient pour la simple bonne raison que j’avais l’impression de tout connaître d’eux à travers leur musique. Je m’y identifiais beaucoup. Donc le fait de m’ouvrir aux autres dans mon art est, je pense, quelque chose que je dois faire car c’est ce qui constitue les meilleurs artistes. La qualité ne se résume pas uniquement à la valeur de tes mélodies.” (Source: fantano, 2020)
Cinq ans plus tard, la carrière d’Aminé a certes progressé mais les doutes ne cessent de planer au-dessus de son esprit tourmenté et ce, à une période charnière marquée par le début de la trentaine : “Je suis en mode oncle ! (…) J’ai l’impression qu’aujourd’hui les enjeux sont plus élevés à mesure que je vieillis.” (Source : Dazed, 2025)
Si ses confessions sur Limbo découlaient des conséquences externes (racisme, mort de Kobe Bryant…), il réitère l’exercice sur ce disque en prenant cette fois-ci appui sur des réflexions internes. Dès l’introduction, Aminé plante le décor et nous emmène avec lui en coulisses pour avoir un œil rétrospectif sur les prémices de sa carrière. Entre le manque de soutien et les jobs ingrats, rien ne le prédestinait au succès dont il jouit désormais :
“’Cause baba don’t believe in a sure thing
But now he do ’cause my wrist like the west wing (Prezi)”
(…)
Complex wasn’t really payin’ me shit
And Def Jam had me gettin’ sandwiches
Got one for Big Sean, but at least he tipped
And that twenty saved my life that week”
Les quelques nouvelles facettes de son passé, toujours croustillantes et souvent données de bonne foi, sont tout particulièrement affectionnées par Aminé qui les juge telles des mises à jour sur sa vie comme il a pu le confier dans le podcast The Nod with Brittany & Eric.
Bien qu’on ait relativement tendance à parler d’un album estival empli de légèreté dont le nom nous invite à établir ce raccourci, il en résulte finalement d’un contraste malin entre des paroles à caractère introspectives qu’on aurait parfois souhaité être plus développées (“Changer”) couplées à des écrins musicaux solaires pour la plupart. (‘Temptations”…)
Ce côté “Cheval de Troie” est une caractéristique de la musique d’Aminé qui a toujours joué avec ce paradoxe qu’il a appris à perfectionner lors de l’élaboration de TWOPOINTFIVE : “J’adore écrire des paroles déprimantes sur des rythmes plus joyeux parce que c’est marrant je trouve. Il vous arrive de danser sur quelque chose que vous aimez et puis vous vous rendez compte que les paroles sont très tristes.” (Source: nss magazine, 2024)
À ce sujet, le séquençage de la tracklist permet de balayer les fameuses émotions traversées par l’artiste d’une manière fluide, logique mais parfois pudique. Nous naviguons entre l’épiphanie (“Feels So Good”, “Vacay”), les doutes (“Sage Time”, “Doing The Best I Can”, “Temptations”), les émois amoureux (“I Think It’s You”, “History”, “ “Familiar”).
Néanmoins, même s’il évoque des sujets personnels, il n’hésite pas à contrebalancer son discours par des chansons aux airs de mantra bienvenus comme la ballade “Be Easier On Yourself” :
“Standards I got for myself
Most folks’ll leave on the shelf
Stress myself with the impossible
When I know it ain’t possible
I gotta ease off the gas, just a little
I gotta give myself some time, just a little
I gotta go and pray the God, just a little”
Cette rigueur s’accompagne d’une lecture plus limpide de sa personnalité. C’est en grandissant qu’il est davantage capable de déceler ses erreurs et d’être plus tendre envers sa propre personne.
Même si les années dans l’industrie commencent à s’accumuler, Aminé est à un stade de sa vie où il peut désormais prendre le temps d’être serein quant à son équilibre mental et artistique : “Beaucoup de choses se sont passées durant les dix dernières années de ma vie, j’ai eu l’impression de fermer les yeux, de les ouvrir et me rendre compte que j’avais déjà 30 ans. Le paresseux (ndlr: sur la cover) est donc une bonne représentation de l’équilibre d’une vie paisible.” (Source: Pigeons & Planes, 2025)
À la lumière de cette auto-psychanalyse, le refrain de l’outro “Images” évoque à lui seul sa nouvelle phase “carpe diem” :
“The sun sets every day
Why would you need a picture of it?
I like you, won’t see you for a while
Those images mean more than a pic”
S’il décide de bannir les photos souvenirs, Aminé est définitivement dans son “uncle mode”. Toutefois, ce sont ces fameux souvenirs familiaux qui vont être le centre névralgique de ce projet et qui seront indissociables de sa croissance personnelle.
La boussole familiale
Ayant grandi à Portland considérée comme l’une des villes les plus “blanches” selon les statistiques démographiques, Aminé ainsi que sa famille ont longtemps peiné à s’intégrer compte tenu de leurs origines érythréennes et éthiopiennes : “Je me souviens avoir été un peu honteux de partager ma culture éthiopienne lorsque j’étais au collège parce que tu pouvais être moqué d’être africain. Ce qui est fou d’ailleurs car aujourd’hui, tout le monde est fier d’être d’origine africaine, c’est une chose magnifique.” (Source: Huck Mag, 2020)
Bien que le contexte socio-politique des États-Unis soit sclérosé et marqué par des événements tragiques qui manifestent une escalade violente sans précédent (Trayvon Martin, George Floyd…), l’art a toujours servi d’un relais pacifique. En témoignent les albums To Pimp a Butterfly et Black America Again ou les hymnes à la “Alright” qui ont permis d’apporter un moyen d’expression fort et de mettre un coup de pied dans la fourmilière in fine.
Plus qu’une expression, il s’agit surtout d’une revendication d’un héritage riche, puissant qui révèle des histoires aussi inspirantes qu’éprouvantes comme dans le cas des parents de l’artiste : “Entendre mes parents parler de leurs vies me donne presque les larmes aux yeux car je ne sais pendant combien de temps ils seront encore là.” (Source: The Face, 2020)
De ce fait, il a décidé de placer sa famille au centre du projet afin que les thématiques évoquées tournent autour de cette notion d’héritage. Bien qu’il ait déjà célébré ce legs dans sa musique auparavant (“Roots” ou le racisme dans “Becky” sur Limbo) ainsi que dans son partenariat avec la marque New Balance (cf. sneaker “The Mooz”), Aminé va davantage pousser le curseur sous l’angle de la fierté.
Pour lui, il s’agit surtout d’un certain timing qui semble être enfin le bon dans sa carrière : “Je pense que je suis à un stade de ma carrière aujourd’hui où je n’ai jamais été aussi “gros” et c’est le meilleur moment pour mettre ma culture en avant.” (Source: Dazed, 2025)
Ainsi, des racines de Limbo poussent une nouvelle fleur dans l’intro “New Flower!” au sein de laquelle Aminé met en exergue la discipline familiale à travers les récits de son père. Peu avare en anecdotes, le père apparaîtra à plusieurs reprises au cours du disque, que ça soit au cours d’interventions légères (“Vacay”) ou plus importantes (“Doing The Best I Can”, “Raspberry Kisses”) qui auront pour but de guider Aminé dans l’océan d’incertitudes que lui présente la vie.
Le morceau “13MOS”, au-delà de partager le même nom que l’album, figure comme la pierre angulaire du projet puisqu’il cristallise à la fois les épreuves traversées par la famille :
“As an immigrant, I came into this country
Adapting it every day, the language barrier, the culture barrier
Everything, but, you have to face it
I’ve been working my butt off, haha, you know?”
Mais aussi la fierté qui en découle :
“I was named after my grandfather
So I can’t put shame to the name I’m proud of
If they fuck it up, correct ’em, treat your family with honor
I don’t care if it’s easy for the barista, I promise, yeah”
Cependant, ses origines familiales servent non seulement le fond mais également la forme de son art. Sur la cover du projet, nous pouvons apercevoir un poster loin d’être dénué de sens : “Le poster 13 Months of Sunshine est quelque chose que beaucoup d’est-africains reconnaîtront. Beaucoup d’entre nous ont grandi en le voyant dans leurs foyers. Mes parents n’avaient pas de Van Gogh ou de Picasso dans leur maison mais ils avaient ces posters car ça leur rappelait le pays qu’ils ont dû quitter pour le rêve américain.” (Source: Dazed, 2025)
L’emphase sur les détails est aussi développée dans la partie audiovisuelle de son art, un pan qu’il a toujours eu à coeur de soigner le plus possible en prenant pour exemple Tyler, The Creator : “La personne qui a influencé la façon dont je devais contrôler ma direction artistique avec les clips vidéos est Tyler, The Creator. Il a pavé le chemin d’une génération avec Odd Future. (…) Si les gens apprécient mes clips c’est parce que je suis à 110% impliqué tout comme Tyler l’est avec les siens.” (Source: fantano, 2020)
Une rigueur qui s’explique surtout par une volonté d’être un artiste complet et touche à tout à l’instar d’un Kendrick Lamar ayant déjà fait des éloges sur son travail. Cela s’illustre dans le clip de “Familiar” qui a eu le traitement spécifique du premier single en bénéficiant d’une multitude de détails. Ces derniers sont perceptibles avec la colorimétrie (couleurs vives), les skits interprétés par des personnes d’origine éthiopienne (qu’on retrouvera également sur son freestyle dans l’émission On The Radar), les danses typiques ainsi que les écritures en amharique sur la cover du single en question.
De plus, ses produits dérivés font honneur à ces aspects. (vinyles aux couleurs du drapeau éhtiopien etc…) Pour parachever sa promotion, il a décidé en guise de décorum destiné à l’écoute de l’album sur Youtube, de nous emmener faire un tour de la capitale éthiopienne Addis-Abeba. (signifiant “nouvelle fleur”, la boucle est bouclée)
Une façon maline de détourner le fameux “visualizer” avec un contenu enrichissant, atypique et fidèle à la direction artistique aboutie du MC de Portland. Via ce tour de force créatif, Aminé favorise l’immersion dans un univers symbolique, riche de sens voire didactique pour les plus curieux et ce, sans jamais rien laisser au hasard. De quoi montrer la voie aux futurs artistes quant à la façon dont se construit la sincérité au service de l’art.
À travers ce nouveau projet, Aminé célèbre sa carrière en synthétisant ce qu’il a déjà pu réaliser par le passé tout en explorant certaines nouvelles pistes musicales cohérentes. Bien qu’on aurait souhaité une introspection et une écriture un peu plus poussée sur certains morceaux qui s’y prêtaient comme ce fût le cas sur Limbo, Aminé a néanmoins honoré son postulat de base : l’hommage culturel.
En ce sens, l’album est une franche réussite voire une véritable démonstration de force dans l’équilibre du fond et de la forme artistique.
“Je suis vraiment chanceux de savoir exactement d’où je viens, c’est quelque chose que je n’échangerai pour rien au monde.” disait-il fièrement à Huck Mag cinq ans plus tôt. Ça tombe bien car, malgré les lacunes présentées, on n’échangerait ce projet pour rien au monde non plus.