Skence, le beatmaker de la Ouest Côte

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Skence, le beatmaker de la Ouest Côte

Skence, c’est déjà plusieurs mixtapes sur le web, un EP, et un album en cours de préparation. TBPZ a interrogé pour vous ce beatmaker venu de l’ouest dont la musique est comparable à celle de la Fine Équipe et de Flying Lotus. Portrait.

La « beat scene » nationale s’enrichit d’année en année, c’est acquis. Autrefois marginal et réservé à un public averti, le beatmaking s’est installé dans les consciences comme une discipline reine de la culture Hip-Hop. Il aura fallu pour cela l’effort continu d’artistes renommés tels que DJ Food, DJ Shadow et DJ Krush depuis le début des années 90. Aujourd’hui chacun peut s’improviser beatmaker avec un ordinateur et une licence Ableton, mais il faut un véritable talent et beaucoup de persévérance pour se faire remarquer. C’est le cas de Skence, jeune nantais qui s’est lancé dans la bataille en 2011 avec une première mixtape intitulée Hip-Pop. Il prolonge l’effort en 2015 avec son EP Voyager (en streaming sur cette page). Qui est-il vraiment?

Maxence est devenu Skence lorsque des amis ont décidé de déformer son prénom, lui donnant par la même occasion un diminutif. On ne s’improvise pas musicien, c’est évident. C’est à l’âge de 12 ans que Maxence décide d’apprendre la guitare classique. Il s’en mordra les doigts couverts d’ampoules quand son professeur l’assommera à coups de demi-tons diatoniques et de cadences imparfaites. Maxence n’est pas fait pour le solfège. Tant pis, il reprend la guitare en autodidacte à 15 ans . Pendant plusieurs années il navigue du jazz au métal, d’un groupe de musique à l’autre. Son parcours est tout ce qu’il y a de plus classique jusqu’ici. Mais par la suite il se laisse séduire avec deux amis par l’univers des platines et de la MPC. Il se découvre alors une nouvelle passion et part à la recherche d’un style et d’une identité musicale propre. La techno et son euphorie, ce n’est pas pour lui. Ce que Maxence aime, c’est le Hip-Hop.

Skence l’avoue, le rap n’est pas son domaine. Il s’intéresse davantage au beatmaking. Son « Illmatic » à lui, c’est Meiso de DJ Krush. Sur cet album de 1995, le japonais avait quand même invité C.L. Smooth, Big Shug et Guru au mic. L’atmosphère très nocturne de la musique de Krush se fera sentir sur la première mixtape de Skence, le minimalisme en moins. Cette première tape, c’est Hip-Pop, qu’il met en ligne en 2011. On y trouve déjà le morceau « Anna » présent sur son nouvel EP, et pour cause, Hip-Pop est en quelque sorte déjà un premier « album » de beatmaker. Pour vous donner une idée, la sonorité de Skence évoque alors la Fine Équipe époque La Boulangerie, ou Mister Modo & Ugly Mac Beer.

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Depuis, Skence a poursuivi ses efforts et construit lentement son réseau. Il a délaissé les machines pour la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), qui lui donne plus de possibilités d’exploration. Et explorer, expérimenter, il l’a fait. À l’écoute de ses beats on reconnait un véritable amoureux de la musique. Il ne puise pas ses influences chez les autres beatmakers, il s’appuie plutôt sur des références plus classiques. Parmi les artistes qu’il admire, on compte notamment Michel Legrand et Serge Gainsbourg. La samplothèque de Skence est riche, il lui arrive même d’utiliser de la musique classique (Maurice Ravel par exemple). Cela explique la couleur « cinématique » de beaucoup des morceaux qu’il produit.

« Les artistes avec qui je rêve de travailler? Dj Krush bien sûr! Avishai Cohen, Michel Legrand, Jaco Pastorius: avec lui ça va être compliqué… Mais aussi Herbie Hancock, Q-Tip et je pourrai en citer encore bien d’autres… »

En 2013 Skence a diffusé Experience sur Bandcamp, une compilation de beats courts, somme du travail réalisé depuis Hip-Pop. On peut constater en l’écoutant une légère mutation de sa sonorité, qui se rapproche sensiblement de celle du californien Flying Lotus. Nous voilà maintenant en 2015 et Skence, âgé aujourd’hui de 32 ans revient avec un EP: Voyager. On y compte 6 morceaux, dont « Anna » qu’on avait pu entendre sur sa première tape. La très bonne surprise de Voyager, c’est la présence d’un rappeur sur un morceau intitulé « Summer Girls ». Il s’agit de Calvin Davey, un jeune franco-américain de 19 ans rencontré par l’intermédiaire d’Anna Paul, une amie chanteuse. Ce beat construit sur un sample de Richard « Groove » Holmes nous confirme que Skence est tout à fait capable de produire des instrus destinées au rap. L’influence de Flylo époque « Massage Situation » s’est définitivement installée dans la musique de Skence, en témoignent les morceaux « Tikoy », « Voyager » et « Twinkling ».

L’avenir, Skence l’anticipe déjà. La suite logique, c’est l’album, qui à l’heure actuelle est en cours de finalisation. Maxence y élargira le spectre de sa musique, et renouvellera sa collaboration avec Calvin Davey sur un morceau. Skence confirme donc à ceux qui en doutaient que Nantes est une terre favorable au Hip-Hop. Beaucoup de jeunes (et moins jeunes) se bougent pour faire vivre cette culture aux côtés d’une scène électro très active dans la capitale de l’ouest.

« Il y a beaucoup de bonnes soirées techno, c’est sûr. Sans doute parce qu’il est plus facile d’organiser un DJ set que de faire venir The Roots, avec le groupe entier et leur matériel. »