Mac Miller – Swimming

Août 2018

Mac Miller

Swimming

Note :

Après avoir livré une ode à l’amour dans son précédent opus qui célébrait son idylle récente avec Ariana Grande, Mac Miller revient deux ans plus tard avec un opus qui aborde à nouveau ce sujet. Le biais d’une rupture forcément médiatisée en plus.

Si Swimming parle d’amour et donc forcément de rupture, il évoque surtout la nécessité de dépasser la cicatrice d’un amour défunt pour s’en émanciper et apprendre à s’aimer. Soi pour soi.

Dépression ? OK, on va faire comme ça

Claquettes – peut être chaussettes (bise aux docteurs-ès-Style qui ont perdu pied en 2017) – que cette séparation fut rude pour le kid de Pittsburgh ! Mac Miller, comme tout un chacun, a déraillé quelques semaines suite à cette sale histoire. Sans oser parler d’humiliation parce qu’il n’y aurait aucune réalité (et encore moins de décence là-dedans), il est certain que l’écho discographique de The Divine Feminine était attendu par les fans et les observateurs tant on sait que les projets de Mac Miller se font le reflet condensé de son univers psychique du moment. Swimming ne déçoit pas et ce pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il se veut presque l’antithèse (sauf musicale) de The Divine Feminine, ensuite parce que le message, s’il est emprunt de moins de relents guimauves (et plein de l’assurance de celui qui entame une histoire d’amour) que son prédécesseur, n’est pas un pamphlet de son histoire et parle d’amour de soi. En 58 minutes et 13 tracks, Mac Miller livre l’un de ses projets les plus aboutis (Watching Movies With Sound Off conservant sa palme) sur un sujet sur lequel tout le monde l’attendait.

En ouvrant le bal avec un « Come Back to Earth » plein d’humilité, Mac Miller prend le siècle à contre-pied. Si le mot parait fort, il a au moins la justesse de signaler qu’il admet l’errance mais qu’il lui faudra savoir composer, surement moins facilement qu’auparavant :

In my own way, this feel like living
Some alternate reality
And I was drowning, but now I’m swimming
Through stressful waters to relief

S’il est de moins en moins rare de voir des rappeurs s’ouvrir sur leurs failles et leurs doutes, ils sont tout de même peu nombreux à s’épancher autant que le fait Mac Miller dans cet opus. C’est certes sa marque de fabrique, il n’empêche qu’il a peu retenu ses coups quand il a s’agit de dessiner les contours de son tourment d’amour. Sans en faire une gourmandise, il déploie en presque une heure une philosophie du salut amoureux qu’on ne peut que saluer.  Il y assume l’épisode en admettant qu’il lui a permis de mûrir et de comprendre qu’il devrait composer seul avec ses réussites et ses démons.

Solitude et sentiments

Ok, Mac est seul et plus encore qu’il ne le croyait comme il le clame dans « Small Worlds » ‘(« You never told me being rich was so lonely ») mais il a quand même eu l’occasion de recevoir la visite en studio de quelques talents pour l’épauler dans son effort artistique. « Hurt Feelings » en est la preuve puisque ce titre qui embraie sur une partition  plus pêchue que son retour sur Terre, met en lumière les talents d’écriture de J. Cole, Dev Hynes ou encore Pharrell Williams.

Si le fantôme de la Diva est indissociable de son oeuvre (les plus attentifs auront compris), l’ambiance harmonique est proche de ce que Mac Miller avait démontré dans The Divine Feminine. Offrant une continuité naturelle entre les deux opus et trahissant le fait que Larry Fisherman, (son alter-ego de studio) avait trouvé son credo. Enfin, même si son talent de producteur a déjà été salué par les initiés, il semblerait qu’il puisse maintenant varier les styles et accompagner les papes du genre. Entre le neo funk presque psychédélique offert par Dâm-Funk sur « What The Use? » ou les nappes de synthés vaporeuses de DJ Dahi (entre autres) qui accompagnent « Self Care », le kid de Pittsburgh entre en studio avec les plus grands et affirme son appétence musicale pour les belles choses. Si l’on évoque également les contributions de Flying Lotus (« Conversation Pt. 1 ») ou Steve Lacy (« Jet Fuel »), l’initié a saisi qu’il pourrait se régaler et le profane s’engager sur un chemin pavé de sucreries.

Mac Miller a trouvé son style dans son dernier effort. Au final, et c’est ce qui rend l’album intéressant, il est difficile d’arrêter une description précise de sa musique. Si la filiation avec le funk et les basses parfois trainantes de la soul est indéniable, l’artiste sait aussi apporter des effets catchy et modernes qui retiennent l’attention et confèrent à l’opus une musicalité très plaisante. Assurément, l’une des grandes prouesses du projet pour les fans. Ceux qui attendent une nouveauté ou une disruption à chaque release pourraient pourtant être déçus. Cet album est encore celui de la confirmation de son inspiration et l’effort d’écriture (surtout psychologique) reste son principal attrait à notre goût.

Look at me now

Nous l’avons évoqué plusieurs fois tout au long de cet article mais l’effort remarquable de l’affaire tient aussi à la disposition psychologique que Mac Miller tient à mettre en avant. Sans s’apitoyer sur son sort qu’il annonce clairement (« Come Back To Earth » ou « Small Worlds »), il tient surtout au long de cet album à témoigner de sa maturité, de la disposition dans laquelle il est et des enseignements qu’il en a tiré.

Rien n’empêche de voir surgir au détour d’un morceau une pointe de nostalgie voire une réelle amertume. Mais il se garde de la rendre cheesy et encore moins vulgaire. Le ton n’est plus à ça.  Cette fois, il s’agit d’assumer, d’admettre qu’il était mieux lorsqu’il se sentait accompagné mais qu’il devra composer sans cette aide précieuse. Finalement, il suit un chemin que nombre d’entre nous a du tracer. Un chemin où on apprend à composer en assumant que tout ne soit pas comme idéalisé. D’ailleurs, le mixage de l’opus illustre bien ce propos quand on perçoit que les derniers tracks sont plus portés sur les souvenirs et les réminiscences et trainent des mélodies pianotées au clavier capables d’emporter l’âme. Si « 2009 » revient souvent comme un modèle de ce genre, le sens onirique et réminiscent de « Dunno » offre une prose tragique à son sujet.

Swimming est une suite dont Mac Miller nous prend à témoin. Logique si l’on sait qu’il avait voulu hurler son amour il y deux ans. Oui mais pas simple à assumer à présent. Bref, il le fait et plutôt bien. Alors que tout le monde attendait avec impatience de voir comment il allait gérer cette affaire, il se présente avec un album bien tenu, joliment réalisé et dont la maitrise musicale colle parfaitement avec le noeud de son propos : mature et mélancolique. Tout n’est pourtant pas parfait, notamment parce que l’album propose peu d’expérimentations et qu’il n’est pas forcément au niveau d’un Watching Movies With The Sound Off. Pas grave, quand on connait la nature excessive du Monsieur, on aurait pu s’attendre à bien pire. Déjà parce que l’album s’écoute bien, ensuite parce que les lyrics sont porteurs d’un message intime enfin parce qu’il s’est évité le côté larmoyant. Mac Miller a eu des soucis. Mais il a grandi. La natation a vraiment du bon et lui aussi.