La légende NTM en 10 titres essentiels

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La légende NTM en 10 titres essentiels

Alors que le Nikoumouk s’apprête à s’élancer dans une nouvelle tournée, on a eu envie de se lancer le défi de résumer la carrière d’un des plus grands groupes de rap français en seulement dix titres. Comme pour IAM il y a quelques mois, le défi s’est révélé particulièrement délicat tant il est compliqué d’extraire uniquement 10 morceaux d’une discographie aussi riche de classiques et de titres qui ont marqué l’histoire du rap français. NTM, le groupe, n’est plus depuis 2001 mais la légende – elle – est toujours vivante…

« Le monde de demain » (1990)

Véritable cri du cœur, ce titre qui date de 1990 est une déflagration pleine de lucidité dont le texte est encore tout à fait d’actualité aujourd’hui, presque 30 ans plus tard. En quelques mots, NTM prend mieux que personne le pouls d’une jeunesse désabusée engluée dans la tourmente du tournant des années 90, qui voit le bloc soviétique exploser et le Mur de Berlin tomber tandis que la jeunesse française se révolte aussi dans les quartiers. Véritable plaidoyer oscillant entre rap hardcore et rap conscient produit par DJ S, « Le monde de demain » a aussi été le titre qui a fait connaître NTM auprès d’un public plus large.

Rimes marquantes : « Quelle chance, quelle chance d’habiter la France/Dommage que tant de gens fassent preuve d’incompétence/Dans l’insouciance générale les fléaux s’installent normal/Dans mon quartier la violence devient un acte trop banal/Alors va faire un tour dans les banlieues, regarde ta jeunesse dans les yeux, toi qui commande en haut lieu ».

« Police » (1993)

« Police » est certainement l’un des morceaux les plus hardcore de NTM, en tout cas celui qui a largement entretenu la sulfureuse réputation du duo de Seine-Saint-Denis. Le groupe s’en doutait certainement mais n’y a pas attaché plus d’importance que cela : avec « Police » qui deviendra pourtant un hymne, NTM se tire une balle dans le pied puisqu’il est soumis à une enquête de la Police Nationale sitôt sa sortie. Il faut dire que le titre met cette même police sur le banc des accusés, coupable d’abuser de sa position et de ses pouvoirs. Véritable appel à la révolte, « Police » prend une dimension politique le 14 juillet 1995 quand, pour le concert des libertés donné à la Seyne-sur-Mer pour protester contre la victoire du FN à Toulon, le groupe, juste avant de l’interpréter, s’en prend aux membres des forces de l’ordre présents dans la salle. Suite à une plainte, NTM sera condamné à une amende et de la prison avec sursis.

Lyrics marquantes : « Préférant au fond la forme, peur du hors norme/Pire encore si dans leur manuel ta couleur n’est pas conforme/Véritable gang organisé, hiérarchisé/Protégé par la tutelle des hautes autorités/Port d’arme autorisé, malgré les bavures énoncées/Comment peut-on défendre l’Etat quand on est soi-même en état d’ébriété avancé ?/Souvent mentalement retardé, le portrait type, le prototype du pauvre type ».


« J’appuie sur la gâchette » (1993)

Autre morceau issu de l’album 1993… J’appuie sur la gâchette, le titre éponyme est lui aussi mal reçu dès le départ. NTM est accusé d’y faire l’apologie du suicide et se voit fermer les portes des radios et des télés qui refusent de le jouer ou de diffuser le clip. Tout sauf une surprise pour JoeyStarr et Kool Shen qui avaient basé la promotion de ce disque sur ce même thème : « Cet album ne passera jamais à la radio ». Du coup, ce disque est l’un des moins vendus de la carrière de NTM, mais il recèle tout de même de beaucoup de titres trop sous-estimés. Comme « J’appuie sur la gâchette », un des morceaux les plus durs et froidement réalistes du groupe, traitant là encore d’un sujet de société dont personne ne veut vraiment parler.

Lyrics marquantes : « Quarante ans de déboires passés à la lumière du désespoir/Tu peux me croire ça laisse des traces dans le miroir/J’ai les neurones affectés et le cœur infecté/Fatigué de lutter, de devoir supporter la fatalité/Et de voiler le poids d’une vie de raté/Voilà pourquoi je m’isole, pourquoi je reste seul/Seul dans ma tête, libre, libre d’être un esclave en fait battant en retraite/Fuyant ce monde d’esthètes en me pétant la tête/OK, j’arrête net, j’appuie sur la gâchette ».

« Plus jamais ça » (1995)

Réécouter ce titre aujourd’hui, c’est se dire que NTM avait bien de l’avance dans l’analyse politique de la France et de ses électeurs. En 1995, le FN ne cesse de faire parler de lui et de grimper dans les sondages. Pire, pour la première fois, le parti lepéniste remporte plusieurs mairies dans le sud de la France à Toulon, Marignane et Orange. Rapprochant le FN du nazisme, NTM ne s’embarrasse pas de précautions oratoires pour dénoncer les mêmes vieux schémas identitaires, racistes et nauséabonds qui essaient de diviser le pays et qui prennent peu à peu de plus en plus de poids dans la vie politique. Là encore, JoeyStarr et Kool Shen avait un vrai temps d’avance sur les analystes politiques. Réécoutez ce titre juste après le duel Macron-Le Pen en 2017 et vous vous rendez facilement compte que 20 ans avant, NTM avait tout compris. Un doute ? Souvenez-vous de ces paroles prophétiques : « Mais ce qui est plus sûr, pour le futur/C’est qu’on aura droit à ce même climat ».

Lyrics marquantes : « Les honneurs, la patrie, les conquêtes et les colonies/On a déjà vu le résultat de ces conneries/Alors va-t-on continuer à se laisser manœuvrer par la haine malsaine d’un déséquilibré mental ?/Je vous rappelle encore que cet homme n’est pas normal/Et ce depuis la déconvenue de la guerre d’Algérie qu’il n’a pas digérée/Mais nous on s’en bat les couilles on n’était pas là/Et on est tous las de ce retour au même schéma ».

« Tout n’est pas si facile » (1995)

Reflet évident des problématiques de l’album Paris sous les bombes, « Tout n’est pas si facile » est un titre nostalgique, revenant sur le foisonnement de l’adolescence et de la découverte du hip-hop par les membres du groupe. L’excitation du début, l’absence de règles, la découverte d’une culture et d’un mode de vie ont laissé place à une carrière artistique avec plus de contraintes et de devoirs. JoeyStarr et Kool Shen revivent en moins de 5 minutes une période qui a conditionnée leurs vies. Ce morceau raconte aussi les amitiés trahies, les destins qui évoluent et les liens qui se rompent. Avec le recul et avec ce qui s’est passé entre les deux MC, ce morceau a presque valeur de prémonition…

Lyrics marquantes : « On a grandi ensemble, on a construit ensemble/Je me remémore les discussions que l’on avait ensemble/Et nos rêves, tu t’en souviens de nos rêves ?/quand on était dans les hangars, quand on sentait monter la fièvre/Putain c’est loin tout ça, c’est loin/J’ai passé mon adolescence à défoncer des trains/Je ne regrette rien/On a tellement tutoyé le bonheur qu’on pourrait mourir demain ».

« La fièvre » (1995)

Sans doute le premier vrai tube de NTM, La fièvre produit par DJ Clyde et DJ Max a fait passer le groupe du petit monde du rap au succès grand public avec un morceau devenu un des grands hits de l’année 1995. Ce titre a beaucoup fait pour la renommée de NTM et son passage dans la culture dite « populaire ». Assez funky, plutôt léger au niveau des lyrics, tous les ingrédients sont là pour que la fête soit belle. On peut ne pas aimer ce morceau et préférer le côté social et politique de NTM, mais il faut bien admettre que c’est super efficace et que d’un coup, c’est toute la France qui a eu La Fièvre. Dans la foulée, le disque dont le single est issu, Paris sous les bombes, devient le premier vrai album à succès du groupe et reste encore aujourd’hui un classique du rap français.

Lyrics marquantes : « Oh, ils m’ont mis la fièvre pendant des heures/Je suis resté assis sur un banc contre le radiateur/J’avais pourtant des choses à faire/J’avais beau leur répéter, y avait rien à faire/C’était définitivement pas mon jour/Déjà le rock au réveil j’étais pas vraiment pour/Y a des jours comme ça où tout ne va pour le mieux/Y a des jours où tout part en couille, tout coule ».

« Ma Benz » (1998)

Dans la même veine ou presque que « La fièvre », « Ma Benz » produit par l’acolyte de JoeyStarr, DJ Spank est un des plus gros tubes si ce n’est le plus gros de NTM. Une rythmique entêtante, des paroles légères, un clip presque classé X, il n’en fallait pas plus pour que « Ma Benz » fasse un carton ! Sorti en 1998 dans ce qui reste comme l’album le plus vendu de la carrière de NTM, « Ma Benz » est un single évident dont la puissance n’est plus à démontrer puisque 20 ans après chacun peut encore se trémousser dessus sans aucun problème. Et si on n’a toujours pas tout compris aux lyrics de Lord Kossity en featuring sur ce morceau, l’ambiance reste vraiment bouillante ! Trop peut-être pour certains qui y voient une atteinte à l’image de la femme et qui entraîne un certain boycott et des sanctions de la part du CSA. Qu’importe, le titre reste une des plus gros succès du groupe.

Lyrics marquantes : « C’est comme un trou intemporel ; bouge ton corps de femelle/Regarde le long de tes hanches, je coule/Ondule ton corps, baby, ouais, OK ça roule/Je deviens insaisissable à ton contact l’air est humide/C’est comme une étincelle dans ton regard avide ».

« Laisse pas traîner ton fils » (1998)

Ce n’est pas parce que « Ma Benz » est un hit que NTM a laissé de côté son militantisme et sa grandeur d’écriture. La preuve avec le titre « Laisse pas traîner ton fils » produit par Sullee B Wax et sur lequel intervient la chanteuse Angie Cazaux-Berthias. Dans ce morceau, JoeyStarr notamment se met littéralement à nu en racontant une partie de son enfance et sa relation plus que tendue avec son père notamment. Si c’est la rue qui a sauvé le Jaguar, les deux rappeurs mettent tout de même les choses au point et préviennent : « laisse pas traîner ton fils si tu ne veux pas qu’il glisse, qu’il te ramène du vice ». Encore une fois, le constat que Kool Shen et JoeyStarr porte sur la jeunesse et d’une lucidité confondante, encore une fois, ils avaient de l’avance. Nous sommes en 1998, mais en 2017, leurs mots ont toujours le même impact. On a souvent dit de NTM qu’ils étaient plus matures pour pouvoir écrire des textes aussi criants de vérité. C’est faux, ils en ont toujours rappé. Simplement, la caisse de résonance était sans doute moins grande pour Suprême NTM qui reste l’album du groupe le plus vendu de leur carrière.

Lyrics marquantes : « Putain, c’est en me disant : ‘j’ai jamais demandé à t’avoir’/C’est avec ces formules trop saoules enfin faut croire/Que mon père a contribué à me lier avec la rue/J’ai eu l’illusion d’y trouver mieux, j’ai vu ce qu’un gamin de quatorze ans avec le décalage de l’âge peut entrevoir, c’était comme un mirage/Plus d’interdit, juste avoir les dents assez longues pour profiter de tout ce qui tombe/La rue a su me prendre parce qu’elle me faisait confiance/Chose qui avec mon père était comme de la nuisance/Aucun d’entre nous n’a voulu recoller les morceaux/Toute tentative nous montrait qu’on avait vraiment trop d’ego ».

« That’s My People » (1998)

Sans doute un des plus beaux textes de NTM. Si Kool Shen est en solo sur ce titre, il fait passer une telle émotion que cela en est même étonnant pour un groupe plutôt orienté hardcore comme NTM. La prod signée Sully Séfil est assez simple mais très envoûtante et laisse libre cours à Kool Shen, backé par Busta Flex, pour exposer des sentiments très personnels, chose que le groupe n’avait pas forcément souvent fait jusqu’alors. Ce qui en ressort, c’est un amour immodéré pour le hip-hop sous forme de déclaration d’amour, mais aussi tout ce qui lui est cher parmi lesquels ses proches évidemment. Sur ce titre, Kool Shen prouve que le rap peut être une musique pleine de finesse et de sensibilité. Magnifique et bouleversant.

Lyrics marquantes : « Même si j’ai rien à prouver, je veux que tous mes potes puissent me retrouver/Je veux pouvoir les garder près de moi/Les regarder douze mois par an comme l’ont fait mes parents pour moi/Parce qu’après c’est trop tard, faut pas comprendre qu’on les aimait une fois qu’ils sont ti-par/Ou bien c’est qu’t’as envie de pleurer ou plutôt que tu sais pas/Dans ce cas, je peux rien pour toi/J’ai pas la clé du bonheur, j’ai même jamais été à la hauteur pour ce genre de trucs mais aujourd’hui j’ai peur/Car l’horloge a tourné ».

« C’est arrivé près de chez toi » (1998)

Produit cette fois encore par DJ Spank et JoeyStarr, on est très loin de « Ma Benz », preuve que BOSS et NTM savaient vraiment tout faire. Le militantisme, l’engagement, une certaine vision sociale et politique ont toujours été des traits de caractère forts chez NTM. Ce 4ème et dernier disque ne dérogera pas à la règle. JoeyStarr et Kool Shen accompagnés de Jaeyez du groupe AfroJazz prennent quelques minutes pour dénoncer encore une fois les errements d’un système qui laissent trop de gens en marge tandis que les politiciens responsables de cet état de fait se maintiennent au pouvoir ne payant jamais le prix de leurs erreurs. Dénoncer, s’engager a toujours été une constante chez NTM et si le groupe dionysien n’a jamais été qualifié de « conscient », ne pas mettre en avant leurs prises de position sur la société et le monde serait trop sous-estimer leur apport et leur vision.

Lyrics marquantes : « Tu sens pas que ça pue, c’est l’état d’esprit qu’il y a près de chez toi/Et crois-moi, l’exclusion c’est aussi simple que ça/C’est rien que du direct live et des choses qu’évoluent pas/C’est les mêmes qu’en font les frais, le peuple subit, subira/Le vent contraire d’un système impotent parce que trop lent/De tout temps pour les problèmes latents/Tant ignorés quand sauf quand fait s’faire réélire, mais attend y a pire/Si t’attends le réveil des foules c’est que tu conspires ».

Si l’évocation des ces 10 titres de légendes a évoqués chez vous de puissants souvenirs, vous souhaiterez peut-être hurler ces lyrics enflammés en live avec Joey et Kool Shen à l’occasion de leur tournée qui passera par le Festival Chorus, le 7 et 8 avril à la Seine Musical de Boulogne (92), le Cabaret Vert (08), les Francopholies (17), le Festival ODP (33).