L’incroyable histoire derrière le titre de l’album ‘2001’ de Dr. Dre

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L’incroyable histoire derrière le titre de l’album ‘2001’ de Dr. Dre

Il y a 20 ans jour pour jour, Dr. Dre s’apprêtait à retrouver le haut de l’affiche avec la suite de son premier album The Chronic. Un retour au top qui ne sera pas vu d’un bon œil par Suge Knight, qui se lancera dans une guerre ouverte contre son ancien associé, avec notamment une bataille autour du nom Chronic 2000, qui forcera Dre à appeler finalement son nouveau projet 2001.

En 1999, le label Death Row Records ne représente plus grand chose, si ce n’est des bons souvenirs d’une période qui aura vu la West Coast prendre le contrôle d’un Hip Hop appartenant davantage à New York depuis sa naissance. En 1992, avec la sortie de l’album The Chronic, le label créé par Dr. Dre et Suge Knight s’imposera immédiatement comme l’une des places fortes du Hip Hop, avec notamment l’émergence d’un rappeur qui changera complètement la face du rap game : Snoop Doggy Dogg.

Death Row sera aussi l’incarnation de cette rivalité légendaire East Coast vs West Coast avec le label Bad Boy Records de Puff Daddy. Une pseudo-guerre entre la côte Atlantique et la côté Pacifique, représentant les extrémités du territoire américain, qui se ponctuera par les assassinats de Tupac et The Notorious B.I.G. en 1996 et 1997. Suite à ces tragiques événements, Dr. Dre et Snoop Dogg décideront de quitter le label, le premier pour créer Aftermath Entertainement, et le second pour rejoindre le No Limit Records de Master P.

Avec le départ de toutes ses têtes d’affiches, la structure musicale contrôlée par Suge Knight tombera dans l’oubli, ne se faisant remarquer que ponctuellement avec la sortie de projets posthumes de 2Pac. Un filon qui sera exploité jusqu’à l’épuisement, voire au-delà…

Death Row vs Aftermath

Pendant que Death Row peine à trouver un artiste capable de relancer et incarner un nouveau souffle, Dr. Dre, de son côté, trouve en Eminem le déclencheur d’une nouvelle ère de domination qui marquera véritablement le lancement de son label Aftermath. En janvier 1999 sortira le fameux single « My Name Is » de son nouveau protégé. A partir de là, tout ira très vite avec l’album The Slim Shady LP qui verra le jour seulement un mois plus tard. Voyant en Eminem la stimulation que Snoop Dogg lui avait apportée lors de l’enregistrement de The Chronic, le doc de Compton se lancera ensuite dans la création de son second album, avec une sortie prévue avant le passage à l’an 2000.

Si tout le monde est impatient et curieux, à l’époque, d’entendre ce nouveau projet de Dre, il y en a un qui ne sera pas vraiment sur la même longueur d’onde… En effet, Suge Knight a toujours en travers de la gorge le départ en 1996 de son producteur à succès, sonnant le début de la fin pour Death Row. Lors d’une interview radio, Dr. Dre envisagera rapidement de garder le titre Chronic pour son prochain opus censé incarner le son du futur, celui des années 2000. Il se murmurera donc que Chronic 2000 pourrait bien être le nom de cet album. Un titre qui donnera aussitôt des idées au boss de Death Row, incarcéré à l’époque (de 1996 à 2001), qui s’empressera de sortir au début du mois de mai 1999 une compilation intitulée Suge Knight represents Chronic 2000: Still Smokin’.

Bataille autour d’un titre

C’est lors de la promotion papier dans les magazines spécialisés que le camp de Dr. Dre découvrira les intentions de Suge Knight de sortir un projet avec comme titre Chronic 2000. Une compilation annoncée avec 4 titres inédits de Dre de l’époque Death Row, ainsi que les morceaux du premier The Chronic. S’engagera donc une procédure judiciaire autour de ces deux futures sorties, sur deux points : le nom des œuvres et le contenu musical. Contre toute attente, un accord sera trouvé très rapidement pour que chaque camp puisse utiliser le nom Chronic 2000. Et sur le contenu, Suge Knight reverra ses plans en ne faisant figurer aucun morceau de Dr. Dre sur son projet, que ce soit des unreleased ou ceux de The Chronic.

L’affaire entre les deux entrepreneurs aurait donc pu s’arrêter là, mais c’est mal connaître Suge Knight… Après la sortie de son Chronic 2000 (Still Smokin’), il menacera immédiatement la maison de disque de Dre pour les empêcher d’utiliser à leur tour le nom Chronic 2000. Ils se rabattront donc finalement sur Chronic 2001, avant que Suge aille plus loin en clamant que le mot Chronic lui appartient aussi, oubliant complètement l’accord passé entre les deux parties il y a quelques mois. Ne voulant pas se lancer dans une énième procédure judiciaire, Dr. Dre décidera donc de transformer son Chronic 2000 en 2001, tout simplement.

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Les sosies vocaux

C’est donc le 4 mai 1999 que sortira ce Chronic 2000 (Still Smokin’) présenté, ou plutôt représenté, par Suge Knight, comme l’indique la pochette. Une compilation double-CD de 28 titres, dont le principal intérêt résidera finalement sur les deux inédits de Tupac (« Who Do U Believe In » et ce « Late Night » produit par DJ Quik). Pour le reste, le boss de Death Row s’entourera d’une nouvelle équipe d’artistes et se fera surtout remarqué pour son goût prononcé pour les voix qui se rapprochent de celles de ses anciens protégés.

Les voix et les intonations de Tha Realest et Top Dogg ne sont pas sans rappeler celles de Pac et Snoop respectivement. Des ressemblances vocales qui frôleront souvent le mauvais goût, laissant planer un certain malaise sur les morceaux de ces sosies vocaux. On est souvent dans une imitation qui laissera perplexe les fans et qui plombera totalement ce projet à l’ambition très limitée, si ce n’est d’essayer de mettre des bâtons dans les roues de Dr. Dre et sa bande. Le comble sera atteint sur le morceau « They Wanna Be Like Us » de Tha Realest, Doobie et Top Dogg (par ordre d’apparition des couplets), qui s’attaqueront sans complexe aux copycats. Il fallait oser…

Sur ce projet, on retrouvera aussi le morceau « Cindafella » de Top Dogg, reprenant exactement le même sample que le « Snoopafella » de Snoop Dogg. Pas vraiment un hasard, mais plutôt une commande sur mesure après avoir entendu que le premier single de l’album No Limit Top Dogg de Snoop pourrait être un titre reprenant le « Cinderfella Dana Dane » de Dana Dane. Une provocation de plus de la part de Suge, tout comme la sortie de sa compilation, seulement une semaine avant le nouvel album de Snoop.

Règlement de comptes

Cette compilation sera aussi l’occasion pour Suge de donner une tribune à des rappeurs qui ont des comptes à régler avec Dr. Dre, mais aussi Snoop Dogg et Eminem. Il y a même deux morceaux qui seront spécifiquement réservés à ces deux derniers. Le « Don’t Forget Where You Came From » de Swoop G visant Snoop, et le « Presenting Miilkbone » de Miilkbone qui répondra aux petites piques de Slim Shady sur son titre « Just Don’t Give a Fuck ». Un morceau dans lequel le MC de Detroit s’attaquait à certains rappeurs blancs : « I’m nicer than Pete, but I’m on a search to crush a milkbone / I’m everlastin’, I melt vanilla ice like silicone / I’m ill enough to just straight up diss you for no reason ».

Dr. Dre devra, lui, attendre la compilation suivante, Too Gangsta For Radio (2000), pour avoir l’honneur de se faire insulter sur un titre entier avec ce « Fuck Dre! » signé Tha Realest, Twist, Swoop G et Lil’ C-Style. Malgré toutes ces diatribes, il n’autorisera jamais un de ses artistes à répondre directement à Suge et son équipe. Sur « Like Toy Soldiers », Eminem censurera même le nom du patron de Death Row : « That was never my object, for someone to get killed / Why would I wanna destroy something I helped build? / That wasn’t my intentions, my intentions were good, I went through my whole career without ever mentionin’ **** ». Il ne prononcera son nom que quelques fois en concert lors de l’interprétation live de ce morceau.

Chronic 2000 vs 2001

Lors de l’accord trouvé entre les avocats de Suge Knight et Dr. Dre, les deux ennemis avaient donc convenu que chaque camp puisse utiliser le nom Chronic 2000, concluant que ce serait aux fans de décider quelle sortie mériterait le mieux ce nom. Le choix ne sera pas très compliqué à faire, puisque l’adhésion sera totale autour du projet 2001 de Dre. Un album qui totalise à ce jour plus de 13 millions d’albums vendus à travers le monde, et qui fait désormais partie de ces monuments intouchables de la culture Hip Hop. On ne peut pas en dire autant pour la compilation de Suge qui, au mieux, fait sourire aujourd’hui quand on la réécoute…

2001 sera incarné par des gros hits radio planétaires, et est-ce vraiment un hasard si le premier single de cet album se nomme « Still D.R.E. », répondant directement au titre du projet de Suge Knight : Chronic 2000 (Still Smokin’) ? On connait tous la réponse, avec au final un tube qui réhabilitera illico presto le docteur au top du rap game. Ce morceau sera aussi à l’origine d’un nouveau chapitre dans la carrière de Dr. Dre et marquera ses grandes retrouvailles au mic avec Snoop Dogg avec « The Next Epiosde ».

Suge Knightmare

Le passage au nouveau millénaire ne calmera pas Suge Knight. Régulièrement, il se fera remarqué par des intimidations en tout genre, comme quand il réservera des dizaines de places lors de la tournée phénomène The Up In Smoke Tour (été 2000) réunissant Dr. Dre, Snoop Dogg, Eminem et Ice Cube. Son but ? Inviter ses acolytes pour essayer de créer des débordements et perturber le bon déroulement de ce gigantesque show. En 2002, Suge Knight décidera même de se rendre personnellement sur le tournage du clip « In Da Club » de 50 Cent en compagnie d’un gang de Mexicains, histoire d’envoyer un énième message à Dr. Dre, qui était présent sur le set pour y tourner une scène avec Eminem et Fifty.

Il y aura aussi cette histoire lors des Vibe Awards 2004, qui honoreront Dr. Dre pour sa carrière. Lors de cet événement, un certain Jimmy Jonhson s’approcha de Dre pour lui demander un autographe avant de lui mettre plusieurs coups de poing. Une bagarre générale se déclencha, dans laquelle Young Buck mettra un coup de couteau à l’assaillant. Un homme qui avouera plus tard avoir été payé par Suge pour s’attaquer à Dre en contre-partie de l’annulation de la dette de son frère envers le patron de Death Row.

Plus récemment en 2015, c’est sur le tournage du film Straight Outta Compton (le biopic du groupe NWA) que Suge se fera une nouvelle fois remarquer. Suite à une discussion qui dégénéra lorsque des membres de l’équipe du film lui demandèrent de partir, il percuta et roula sur deux individus, dont l’un fut déclaré mort quelques minutes plus tard (le producteur Terry Carter). Pour cet événement tragique et avec un casier judiciaire déjà bien rempli, il fut condamné à 28 ans de prison l’année dernière. Il devrait donc retrouver la liberté seulement à l’approche de ses 80 ans… Pour en savoir un peu plus sur la vie tumultueuse de Suge Knight, je ne peux que vous conseiller le très bon documentaire American Dream/American Knightmare d’Antoine Fuqua (réalisateur de Training Day), qui retrace la destiné de ce personnage hors du commun qui fascine autant qu’il effraie.

Et pour finir sur une note moins dramatique, revenons sur le titre du second projet de Dr. Dre. Il y a un rappeur de Compton qui a eu un peu de mal à assimiler que ce projet intitulé 2001 était en fait sorti en 1999. Cet artiste n’est autre que The Game, qui, a deux reprises sur son premier album The Documentary, situera la parution de 2001 de Dre au même moment que cette fusillade qui le plongera dans un coma au cours de l’année 2001. En effet, sur le titre « Dreams », il commence son premier couplet par : « I woke up out that coma 2001 / ’bout the same time Dre dropped 2001 ».

Une erreur temporelle pour une rime facile qu’il réitérera sur le refrain du morceau « Where I’m From » avec « If you don’t know, almost lost my life when Dre dropped The Chronic ». Du name-dropping approximatif qui n’empêchera pas The Documentary de devenir le classic qu’on connait, ajoutant une référence de plus dans le catalogue du label Aftermath.

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