Flynt – Ça va bien s’passer

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Octobre 2018

Flynt

Ça va bien s'passer

Note :

Avec Ça va bien s’passer, son troisième album, Flynt montre que s’il a mis du temps pour réussir à le sortir, il n’a pas pris son temps pour rien en livrant un disque abouti, plein de nouveautés bien qu’un peu désabusé.

Un partage d’expérience

Ça va bien s’passer, le dernier album de Flynt sonne comme un rapport d’étape. Celle franchit par l’homme bien plus que celle passée par l’artiste. Celle d’un mec comme vous et moi qui vient de se prendre de plein fouet la crise de la quarantaine et qu’il ne l’a pas forcément bien vécue. Aujourd’hui, il semble bien que Flynt ait laissé cette délicate période derrière lui, mais elle a eu le temps de fortement influencer la composition de Ça va bien s’passer. Étalée sur deux, la maturation de ce disque a forcément été perméable aux humeurs du rappeur, bonnes comme mauvaises. Finalement, Ça va bien s’passer est une sorte de condensé de tout ça et même s’il recherche des motifs d’espoir dans chaque difficulté, ne nous en cachons pas, l’ensemble est globalement sombre et mélancolique. Et si on emploie le terme de rapport d’étape, c’est que le rappeur du 18e n’a pas réfléchi son album au hasard. Il l’a fait dans un but bien défini : laisser une trace et faire passer des messages à ses enfants. Aujourd’hui, ils sont encore un peu trop jeunes pour bien saisir la finesse de la plume de leur père mais bientôt, ils seront en âge de comprendre en quoi ce qu’il dit à du sens et de l’intelligence. Ces messages deviendront alors des conseils qui les accompagneront dans la longue marche de la vie. Et ce qui vaut pour ses enfants, vaut aussi pour ses auditeurs. Jamais dans le jugement ou dans la moralisation, il préfère se servir de sa propre expérience. Lui aussi a eu des coups durs ou des moments de doute et il en a tiré des leçons qu’il a envie de partager avec le public. Libre à nous, ensuite, de nous en inspirer ou non… Flynt, lui, aura vécu une expérience quasi cathartique qui lui aura permis de mettre des mots sur ses maux.

Douloureuse lucidité

Avec des titres comme « Dos rond », « Calme et posé », « Ça va bien s’passer », il offre plusieurs visions de la vie qui se rejoignent sur un point : elles sont désabusées mais ô combien lucides ! La vie à Paris, la banlieue, la perte de certaines valeurs, les habitudes, la lassitude, la routine autant de forts créateurs de frustration et symboles d’une réalité parfois difficile à affronter. Flynt, qui travaille comme tout un chacun, exprime à merveille ces sentiments que l’on a tous connu quand on a un chef sur le dos, qu’on n’a pas envie de se lever le matin ou que les choses n’avancent pas dans le sens que l’on voudrait. Mais là où certains péteraient les plombs comme Disiz, lui choisit la résilience et se réfugie dans sa passion pour éviter de perdre totalement pied. Et puis, du haut de ses maintenant quarante ans passés, il a une vision plus nette de ce qu’il veut et surtout ne veut pas, de ce qu’il peut plus encaisser et de ce qu’il ne veut plus subir.

Alors, dans « Avant les regrets », il met en garde les plus jeunes, les enjoignant à rêver fort, à profiter de la vie et leur adresse cette phrase sous forme de mantra : « la vie est ce que tu en fais ». Autrement dit, vivez pleinement en essayant d’avoir le moins de regrets possibles avant que la vie quotidienne ne te rattrape et ne freine tes ambitions. Et c’est certainement quand il exprime les mêmes sentiments que ceux que l’on peut tous avoir à un moment donné qu’il est le plus proche de nous. C’est de cette façon aussi qu’il dresse un portrait saisissant de cette fameuse France d’en bas chère à nos politiques. Il le fait avec justesse et émotion, autant de sentiments forts qu’il arrive aussi à développer dans des chansons d’amour, « Page blanche, nuits roses » et « A partir d’aujourd’hui » qui forment un diptyque narrant le début d’une histoire à sa fin quasi inévitable, encore une fois gangrenée par les mêmes maux, la routine, les habitudes, etc… L’émotion atteint son apogée dans « Chanson pour ton fils », un bijou d’humanité et de simplicité mais aussi un texte très poignant où Flynt écrit au fils d’un ami décédé. C’est littéralement bouleversant et il réussit là un très très grand morceau.

Il y a encore de l’espoir

Mais attention, tout n’est pas négatif dans l’album de Flynt et c’est le sens même de son titre : Ça va bien s’passer. Car malgré tout ce qui a été dit, des motifs d’espoir demeurent et l’état d’esprit reste positif, envers et contre tout. Et on fera face aux difficultés la tête haute même si ça fait mal. Et puis, on est « Champions du monde » ou pas ? Si ce track est un ovni, il est aussi un immense motif d’espoir et le souvenir d’un moment déjà culte pour des millions de personnes. Enfin, on ne peut pas parler d’un projet de Flynt sans parler de rap, sans doute son sujet préféré. S’il le fait moins qu’il n’a pu le faire dans le passé, il ne résiste pas au plaisir d’en remettre quand même une petite couche comme sur « Joga Bonito », « DA » ou « Lutèce ». Si ces morceaux sont plus « classiques », ils prouvent qu’il garde toujours un sacré niveau. C’est d’autant plus criant sur ce disque où il fait évoluer son flow en s’adaptant à des BPM plus lents tout en gardant une maîtrise parfaite de sa technique. Bref, une chose est certaine à l’écoute de ce disque, c’est que Ça va bien s’passer au moins pendant plus d’une heure !