Comment Chuck D, B-Real et RATM sont-ils devenus The Prophets of Rage ?

Comment Chuck D, B-Real et RATM sont-ils devenus The Prophets of Rage ?

Alors que la rumeur courrait depuis des années, la constitution des Prophets of Rage a été officialisée en mai 2016 via le lancement de leur site internet. La réunion de cette formation née de la fusion entre les musiciens de Rage Against The Machine, le rappeur californien B-Real du groupe Cypress Hill et le leader du légendaire groupe Public Enemy, Chuck D, accompagné par DJ Lord (qui a remplacé l’emblématique Terminator X en 1999, ndlr) est loin d’être une coïncidence. Retour sur la genèse de ce triptyque de rêve.

Une connivence rap / rock qui ne date pas d’hier

Avant tout, rappelons que le groupe Prophets of Rage emprunte sa dénomination à un titre phare de l’album polémique de Public Enemy It Takes A Nation of Millions To Hold Us Back paru en 1988 chez Def Jam.  L’instigateur du projet Tom Morello, guitariste et leader de RATM depuis le départ du chanteur Zach de La Rocha en 2000, avait déjà collaboré avec B Real sur l’album Rise Up de Cypress Hill en 2010, en reprenant  avec de furieux riffs de guitare le sulfureux et néanmoins classique « Shut Em Down » issu de l’album Apocalypse 91…The Enemy Strikes Black de Public Enemy.

https://www.youtube.com/watch?v=YmDX1t77T9E

Groupe latino issu de la scène rap West Coast, Cypress Hill a, quant à lui, toujours tenu à marquer son identité musicale, en s’éloignant artistiquement des gangsta rapper « traditionnels ». L’attirance du groupe pour des sonorités « métaleuses » se concrétise dès 1993 par sa participation à la BO du film Judgement Night avec, entre autres, les groupes Pearl Jam et Sonic Youth (lire notre Top 10 Rock et Rap pour en savoir plus sur ce projet, ndlr). Cypress Hill prend définitivement un tournant rock en 2000 avec le double album Skulls and Bones, dont le single « Rock Superstar » marquera les esprits en matière de fusion rap/rock.

La même année, Rage Against The Machine reprend sur scène le morceau « How Could I Just Killed A Man » extrait du premier album éponyme de Cypress Hill en compagnie de leurs auteurs. Le rapprochement entre les deux formations californiennes se précise alors.

De son côté, RATM n’est pas en reste en matière de collaboration avec des artistes rap, puisqu’ils entament une tournée dès 1997 aux côtés des Shaolins de Staten Island a.k.a Wu-Tang Clan.

Côté Public Enemy, dès 1996, Chuck D apparaît sur scène aux côtés du chanteur Zach de La Rocha pour une reprise live de « Black Steel In The Hour of Chaos« , qui a assurément marqué le combo californien. Cette reprise est immortalisée sur disque avec sa présence sur le maxi du single « Vietnow » et l’album live Live and Rare sorti en 1998.

Souvent accusé à tort d’être anti-démocratique par la puritaine Amérique, Zach de La Rocha a toujours partagé des causes communes avec l’ennemi public numéro un comme la libération du journaliste Black Panther Mumia ABU Jamal, la lutte anti impérialiste, ou encore le discours pro Afro-américain de Malcolm X. Par ailleurs, Chuck D avait également fait un premier pas vers le métal en reprenant son « Bring The Noise » en 1991 avec les rockeurs culte d’Anthrax pour les besoins de leur album de faces B Attack of The Killers B’s.

Une communion RATM x Cypress x PE enfin concrétisée

Il aura donc fallu attendre 2016 et l’annonce de la formation des Prophets of Rage pour que soit définitivement concrétisée cette connivence entre les trois groupes phares des années 90. La communion s’est effectuée début juin pour une série de concerts à travers les États Unis dans un premier temps. L’objectif affiché est clair : réveiller les consciences avant l’élection présidentielle de 2017. Lors de ses sessions musclées, la formation hybride reprend quelques classiques comme les hymnes anti système de RATM « Take The Power Back » (littéralement « Récupère le Pouvoir ») ou le « Fight The Power »de Public Enemy.

Le point d’orgue de cette tournée au titre évocateur « Make America Rage Again » (« redonner la rage à l’Amérique ») a eu lieu le 19 juillet à Cleveland, le jour de l’investiture officielle de l’ultra conservateur Donald Trump au Parti Républicain. La veille, le triptyque musical avait déjà entonné gratuitement la chanson pour soutenir une marche pour la justice, suite aux multiples violences policières, qui frappent la communauté Afro américaine.

Depuis, le groupe composé d’artistes issus des trois grandes communautés américaines a lâché une nouvelle version enragée du morceau « Prophets of Rage » de P.E. Les prophètes de cette nouvelle rage annoncent d’ores et déjà un mini album pour la fin de l’année. Donald Trump et consort sont prévenus. Leur course  vers le pouvoir sera dorénavant semée d’embûches composées d’ultra sons contestant cette Amérique conservatrice et raciste. En d’autres termes, Rock et Rap se sont enfin réconciliés pour une autre Amérique. Reste à confirmer que cette bande de quinca’ saura rallier les plus jeunes auditeurs / électeurs à sa cause…

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Pour aller plus loin, lire notre Top 10 Rock et Rap.

Bonus : Prophets of Rage – « Killing in the name of« 

Cet article est une contribution libre proposée par Rémi Chervier, également auteur de l’interview de Niro des 2Bal 2Neg et qui tient le blog Un oeil sur mon quartier.