30 ans de Rap au féminin (Part II) : les rappeuses des années 90

30 ans de Rap au féminin (Part II) : les rappeuses des années 90

Après une première partie publiée il y a quelques mois qui faisait honneur aux pionières du rap au féminin, on est heureux de vous présenter ci-dessous la deuxième partie de ce dossier consacré aux plus grandes figures féminines du rap US. Un second volet qui tente de mettre la lumière sur 7 femcees qui, par leur style et leur talent, ont marqué plusieurs générations de fans mais aussi de futures rappeuses qui prendront le micro dès le début des années 2000. Mais ceci, nous le verrons dans la troisième et dernière partie de cette trilogie. 

PART 2 – Les rappeuses des 90s

Au milieu des années 90, alors que le rap US est en voie de commercialisation et propulse les stars de l’époque 2Pac et Biggie au rang de véritable « people », le rap féminin va prendre une tangente vers l’ultra-féminisation avec des artistes tels Lil’Kim ou encore Foxy Brown. Elles sont sexy, extraverties mais pas moins talentueuses. Cette nouvelle génération de « femcees » hissera le rap à un nouveau niveau de médiatisation en amenant notamment un public féminin dans cet univers jusqu’ici principalement réservé à la gente masculine. C’est aussi le retour d’un rap plus festif, plus dansant qui opère via les tubes taillés pour le dancefloor de Missy Elliot ou encore d’Eve.

C’est également à cette époque qu’on verra de plus en plus la femme devenir le symbole d’un objet sexuel et d’une réussite sociale dans les clips. Certains rappeurs réalisent ainsi le fantasme de la vie de pimp, largement nourrie par le cinéma, en arborant de plus en plus de femmes extraverties et aux attributs bien en évidence dans les clips, qui s’imposent déjà comme le corollaire standard du format single dans les années 90.

Du côté des rappeuses, une évolution stylistique se fait aussi ressentir, les baggys et casquettes sont laissés de côté pour mettre en avant tous les atouts féminins. Plus de pudeur, plus de peur, l’heure est à la sensualité et à la féminité. Le combat se déplace aussi, il n’est plus question de montrer que les femmes peuvent rapper mais qu’elles peuvent être aussi fortes que les hommes voire plus, tout en étant sexy. Malheureusement, certaines rappeuses, notamment les deux rivales que sont Lil’ Kim et Foxy Brown, tomberont dans les mêmes travers que leurs homologues masculins lorsque le succès frappera à leur porte, en sombrant rapidement à la pression de la vie de star du rap par l’abus d’alcool, de drogues voire des démêlés judiciaires pour certaines…

Aux antipodes de cette figure de la femcee sexy, quelques exceptions prolongeront l’image de la rappeuse engagée qui prévalait la décennie précédente. Il s’agit notamment de Rah Digga, Lauryn Hill et Bahamadia, toutes trois présentées en fin d’article.

 

Lil’ Kim : La Badass

À l’âge de 17 ans, Lil’ Kim intègre Junior M.A.F.I.A., le groupe lancé par son mentor Notorious B.I.G.. Elle entretient avec ce dernier une relation fusionnelle et houleuse, qui la conduira à subir un avortement juste avant la sortie de son premier album studio Hard Core, en 1996. Ce disque se classe en tête des charts, faisant d’elle une icône du rap US. Lil’ Kim fait une place majeure à la femme féminine dans le Hip-Hop grâce à son style. Avant elle, toutes les femmes devaient être masculines, pour montrer qu’elle était l’égal de la figure masculine du rappeur. Féminité et détermination sont les mots d’ordre de la nouvelle génération de rappeuses, souvent malmenées par des malversations judiciaires et financières. Lil’ Kim a même enregistré un album en prison, The Naked Truth, portée par le soutien de ses fans et de ses proches. Elle reste l’artiste la plus active avec une carrière longue de quasiment 25 années. Ceci-dit, son ambition lui a coûté cher. Aujourd’hui déformée à cause d’opérations chirurgicales répétées, Lil’ Kim a perdu en route quelques uns de ses atouts qui ont créé sa réputation…

Foxy Brown : l’Effrontée

Née Inga DeCarlo Fung Marchand le 6 septembre 1978 à Brooklyn, Foxy Brown est d’origine asiatique et trinidadienne. Elle est autant connue pour sa carrière solo que pour ses collaborations. Foxy a été remarquée par l’équipe de production Trackmasters, qui a notamment produit le second album de Nas, It Was Written. C’est ce qui lui permettra d’évoluer au sein de l’éphémère super-groupe The Firm, avec pour associés Nas et AZ. En définitive, il restera longtemps d’elle une image de femme agressive et violente, caractère longtemps ressenti dans sa musique. Son pseudonyme fait référence à un film emblématique du courant BlaxploitationFoxy Brown, sorti en 1973. Dans ce film, dont rôle-titre est incarné par Pam Grier, le personnage est une femme au fort caractère qui veut venger la mort de son grand-père éboueur, tué par un gangster. Le film a très fortement influencé un réalisateur : Quentin Tarantino, qui adaptera d’ailleurs pour Pam Grier le rôle principal de son film Jackie Brown.

Eve : La Tigresse

Eve Jihan Jeffers-Cooper est née le 10 novembre 1978 à Philadelphie, en Pennsylvanie. Elle s’intéresse initialement au chant et devient même membre d’un groupe féminin (Dope Girl Posse ou D.G.P.). Après sa séparation du groupe, la néo-chanteuse se lance dans une carrière solo sous le nom d’Eve of Destruction. En 1998, elle travaille avec DMX et les Ruff Ryders. En 1999, elle collabore avec The Roots sur « You Got Me » avec Erykah Badu. La même année, Eve publie son premier album studio, Let There Be Eve…Ruff Ryder’s First Lady, qui fait d’elle la première rappeuse à avoir un album classé à la première place du Billboard. Eve apparaît comme l’artiste « Bling-Bling » par excellence et surtout, elle caractérise l’époque où le rap se démocratise et est entendu et apprécié par une grande majorité de jeunes du monde entier. Moins provocant que ses comparses Lil Kim et Foxy Brown, Eve a un style qui tend plus vers le R’n’B’ et la pop que vers le rap « pur et dur » qui prévalait chez les premières rappeuses.

Missy Elliott : l’Excentrique

Dès l’âge de 4 ans, Missy Elliott voulait être chanteuse, sans que personne ne la prenne au sérieux. La jeune Melissa faisait souvent le pitre en classe. Un test QI révèle une intelligence supérieure à la moyenne, ce qui lui permet de sauter des classes. Mais cela l’isole fortement des autres élèves. Elle va alors se réfugier dans l’écriture. Fin des années 1990, Missy Elliott devient artiste solo et finit par remporter cinq Grammy Awards et vend plus de 30 millions d’albums aux États-Unis. Pour conserver son identité, elle lancera son propre label, en prenant le soin de s’entourer de quelques huiles essentielles du circuit : Timbaland, Whitney Houston, ou encore Janet Jackson. Tout comme Eve, Missy Elliot prendra un tournant pop pour finalement revenir à un style plus classique, notamment sur le titre « Gossip Folks ». Les albums suivants s’enchaînent et sont souvent d’énormes succès commerciaux, preuve que le rap a parfaitement intégré le moule de l’industrie musicale.

Rah Digga : La Technique 

Rah Digga, de son vrai nom Rashia Fisher  est une des rappeuses américaines les plus respectées jusqu’à aujourd’hui. Première femcee du groupe du New Jersey, Da Outsidaz, elle intègre grâce à l’intermédiaire de Q-Tip, le groupe Flipmode Squad de Busta Rhymes, ce qui la propulsera au rang des rappeuses les plus influentes de sa génération. Par la suite, elle se concentrera sur sa carrière solo qui n’en sera pas moins riche avec 3 albums à son actif. Elle a collaboré avec les plus grands noms de la production tels que Preemo et Pete Rock. Elle a donné la réplique à quelques mastodontes de l’époque, de RZA à Talib Kweli en passant par Common et Mos Def. Son premier album solo, Dirty Harriet, est publié en 2000 et fait participer Busta Rhymes et Eve. Elle collabore aussi avec Bahamadia sur la chanson « Be Ok » extraite de la compile Lyricist Lounge, Vol. 1 du label Rawkus Records. À cette période, elles sont les deux seules femmes du mouvement Lyricist Lounge aux côtés d’artistes masculins comme Mos Def, Talib Kweli, Pharaohe Monch, ou Common.

Lauryn Hill : The Queen

Lauryn Hill est née le 25 mai 1975 à South Orange (New Jersey). Elle a fréquenté l’école Columbia High School à Maplewood, dans la banlieue ouest de New York, où elle a commencé à chanter et à jouer étant très jeune. Elle rencontre là-bas Pras, qui est son camarade de classe et son grand ami Wyclef Jean avec qui ils forment le groupe The Rap Translators en 1989 alors que Lauryn n’a que 13 ans. En 1994, les membres de Rap Translators sont contraints de changer de nom afin d’éviter toute confusion et conflit avec un autre groupe utilisant le même patronyme. Le groupe devient alors The Fugees. Leur premier album Blunted on Reality était musicalement très prometteur, mais cela ne s’est pas ressenti dans les ventes. Il fut suivi par The Score, qui deviendra un des disques de rap le plus vendu de tous les temps et leur permettra de prendre une dimension internationale. En 1998, Lauryn Hill commence sa carrière solo avec l’album The Miseducation of Lauryn Hill, dont le titre fut inspiré du livre de Carter G. Woodson, The Miseducation of the Negro. Ses influences baignent dans le Reggae et la Soul, ce qui amène couleur et légèreté à son style. En 2001, elle enregistre un album live de nouvelles chansons, MTV Unplugged No. 2.0, accompagnée seulement d’une guitare, elle se concentre sur le message qu’elle veut faire passer, inspirée par ses convictions politiques et religieuses. Véritable égérie des rappeuses et auditrices de rap aux quatre coins du monde, Lauryn Hill a considérablement marqué la culture Hip-Hop par sa voix, son talent, son style et ses valeurs.

Bahamadia : L’Underground

Proche de la Gang Starr Foundation et notamment de Guru qui l’invite en 1995 sur l’excellent morceau « Respect the Architect » sur son album Guru’s Jazzmatazz, Vol. 2: The New Reality, Bahamadia est une rappeuse originaire de la ville de Philadelphie. Active dès 1993, la jeune rappeuse fait ses armes au sein de la scène hip-hop locale et collabore notamment avec les inévitables The Roots en 1995 sur « Push Up Ya Lighter ». En 1996, Bahamadia sortira son premier album Kollage, qui restera son plus gros succès. Un album sombre et qui fait montre de toute la verve lyricale de la jeune rappeuse à la voix reconnaissable entre mille. Aux manettes pour cet album, on retrouve la fine fleur de la production east coast de l’époque : Dj Premier, Da Beatminerz, The Roots ou encore Guru, pour un album qui restera un classique du rap underground des années 90.

C’était donc la deuxième partie du dossier « 30 ans de rap US au féminin », une contribution libre de M.A.J que nous avons choisi de publier sur The BackPackerz. Suivez-nous sur Facebook ou inscrivez-vous à notre newsletter pour être informé de la sortie de l’ultime partie de ce dossier. Et si vous aussi voulez tenter d’être publié sur The BackPackerz, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.

BONUS : la playlist Le Rap Féminin en 30 morceaux (Part 2)