10 compilations de producteurs qui ont marqué les années 2000

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10 compilations de producteurs qui ont marqué les années 2000

Les compilations de producteurs sont toujours des exercices de style particuliers au sein d’une discographie. Très peu sont ceux qui se lancent dans ce genre de projet spécifique et pourtant le résultat peut avoir un impact important sur une carrière.

Souvent présentées à tort comme des albums fourre-tout avec beaucoup d’invités, dans la plupart des cas les compilations de producteurs sont des collections précieuses sous-estimées. Tous les producteurs ne passent pas forcément par cette étape dans leur carrière, créant certaines frustrations chez leurs fans. J’ai longtemps imaginé ce à quoi pourrait ressembler ce genre de projet de la part d’un Just Blaze, Scott Storch ou DJ Toomp par exemple, pour rester dans la période des années 2000 qui nous intéresse dans cet article.

Les producteurs stars ont souvent privilégié les multiples placements de prods sur des albums d’artistes divers, au profit d’un projet plus personnel (et peut être plus compliqué à réaliser). Il y a aussi ces beatmakers qui ont eu une carrière solo de rappeur en parallèle, rendant donc difficile l’ébauche de ce genre d’album dans leur discographie. Et puis nous avons une autre catégorie, ces producteurs qui ont toujours préféré privilégier des projets avec un artiste spécifique. Au final, mon choix pour trouver des compilations de producteurs des années 2000 s’est donc trouvé naturellement réduit avec 10 projets qui se sont vite démarqués.

Dans cette liste vous trouverez uniquement des albums, souvent assimilés à des compilations, de producteurs qui ont mis leurs créations sonores au service de leurs invités. Ce ne sont donc pas des albums solos de producteurs sur lesquels ils prennent principalement le micro, même si, de façon exceptionnelle, certains le feront à la marge sur les projets choisis.

DJ Muggs – Soul Assassins II

Sortie : 3 octobre 2000

La première compilation The Soul Assassins, Chapter 1 de DJ Muggs sortie en 1997 laissait déjà présager une probable suite. Sur ce chapitre 2 intitulé tout simplement Soul Assassins II, on y retrouvera quelques invités du premier volume accompagnés par un nouveau casting tout aussi convainquant. Un projet qui sera aussi l’occasion pour Muggs d’organiser une sorte de passation de pouvoir avec son protégé The Alchemist qui incarnera de la meilleure des façons son héritage dans les années 2000. ALC aura donc l’honneur de placer 3 prods sur ce LP dont le « Victory or Defeat » de Hostyle (du crew Screwball) qui aujourd’hui prend une signification toute particulière depuis son décès au début de l’année 2020. Sur ce LP, Muggs fait du Muggs sans aucune concession pour le plus grand bonheur de ses fans. Mes souvenirs préférés : le « When The Pain Inflict » des frères Kurupt et Roscoe, ainsi que ce remix du « When The Fat Lady Sings » de GZA pour de bonnes vibes West Coast.

Hi-Tek – Hi-Teknology

Sortie : 8 mai 2001

Cette première compilation d’Hi-Tek fera partie de ces sorties marquantes de l’épopée du label Rawkus, dans la lignée des albums Black Star et Train of Thought dont le producteur aura été le principal architecte sonore. Un projet qui respire sa ville de Cincinatti avec bien évidemment des invités locaux comme Donte et Main Flow du groupe MOOD avec lequel Hi-Tek fera ses débuts en tant que beatmaker en 1995. Les deux rappeurs se distinguent sur le sublime « Suddenly » tout comme la talentueuse Jonell sur « Round & Round » dont le remix avec Method Man présent sur la soundtrack du film How High fera un carton en radio. La chanteuse de Cinci accompagnera aussi Hi-Tek sur le dernier titre de cet opus, seul morceau où l’on entendra au micro le beatmaker pour une prestation convaincante. Sans surprise, son compère Talib Kweli répondra également présent à l’invitation ainsi que Mos Def, Common, Cormega, Slum Village et Buckshot. Ce dernier en très grande forme sur le « The Illest It Gets », l’un de mes souvenirs préférés de cet album solide.

Swizz Beatz – G.H.E.T.T.O. Stories

Sortie : 10 décembre 2002

Swizz Beatz fera toujours partie pour moi de ces producteurs qui n’ont pas toujours obtenu tout le crédit qu’ils méritaient. Et pourtant, le leader du collectif Ruff Ryders aura écrit une page importante de l’histoire du Hip Hop avec ses différentes contributions pour les albums de DMX, Eve, The Lox et Cassidy pour ne citer qu’eux. Son style parfois décalé sera souvent moqué et ses amitiés avec les stars du milieu seront jalousement pointées du doigt pour justifier sa présence sur certaines tracklists. Et je ne parle même pas de son mariage avec Alicia Keys qui a déchainé les passions… Quoi qu’il en soit, aujourd’hui le CV de ce beatmaker parle pour lui et ce projet reste un résumé intéressant et indispensable de son catalogue. Une très bonne façon de se familiariser avec son univers. A retenir, « Endalay » de Busta Rhymes, « Good Times » de Styles P, ainsi que la collaboration avec Shyne et l’association improbable du groupe Metallica avec Ja Rule.

RZA – The World According to RZA

Sortie : 28 avril 2003

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, c’est bien un américain qui au début des années 2000 décidera de monter un projet avec des invités internationaux. Dix ans après des débuts tonitruant avec le Wu-Tang Clan, le producteur RZA s’est donc lancé dans la conception d’un album ambitieux qui ne sortira finalement même pas aux États-Unis. Une preuve de plus du peu d’ouverture du marché musical US aux langues étrangères… Un projet principalement Européen qui accueillera bien évidemment quelques artistes français. On y retrouvera la rappeuse Bams, Passi et les groupes Saïan Supa Crew, IAM et N.A.P. Certains auront la chance de croiser le mic avec Ghostface, U-God et RZA lui-même pour un résultat plutôt honnête qui n’entrera toutefois pas dans la légende. La meilleure prod de ce projet restera celle du morceau « Mesmerize » de la rappeuse suédoise Feven qui chantera en anglais, avec un RZA qui s’essayera très brièvement au suédois. Encore aujourd’hui, l’écoute de cet album reste néanmoins un passage obligé pour les fans français de rap et du Wu !

The Neptunes – Clones

Sortie : 19 août 2003

C’est donc en 2003 que le productif duo The Neptunes trouvera le temps de nous sortir cette compilation, entre le premier album de leur groupe N.E.R.D. et le premier essai solo de Pharrell. Ce projet arrivera finalement dans la foulée de la création de leur label Star Trak et fera bien évidemment la part belle aux artistes de cette structure musicale avec le duo Clipse, Kelis, Roscoe P. Chain, Fam-Lay, Supercat ou encore Spymob. Un disque qui va bien au-delà des frontières du Rap et du R&B pour flirter avec la Pop et le Rock dans un style évidemment Neptunien. Chad Hugo et Pharrell Williams exploreront un large spectre de sonorité et ce dernier signera son premier grand tube au micro avec le single « Frontin » en compagnie de Jay-Z. Des poids lourds comme Snoop Dogg, Ludacris, Nelly et Busta Rhymes viendront remercier les Tunes pour leurs hits mais c’est bien le déjanté « Pop Shit » avec Ol’ Dirty Bastard qui me vient toujours en premier à l’esprit quand je repense à ce projet.

The Alchemist – 1st Infantry

Sortie : 29 juin 2004

Si aujourd’hui le nom d’Alchemist peut être citer sans problème aux côtés des plus grands producteurs qu’ait connu le Hip Hop. En 2004, ALC n’est à l’époque qu’un super beatmaker qui espère encore marquer sur la durée le rap game. Avec déjà des placements intéressants sur de gros projets, Alan Maman souhaitera accentuer encore un peu plus son influence avec un album mémorable. Ce sera chose faite avec ce 1st Infantry qui regroupera tout ce qui fera son succès et sa longévité par la suite. Un disque complet porté par ce single accrocheur « Hold You Down » avec Prodigy, Nina Sky et Illa Ghee. Le membre de Mobb Deep, toujours en grande forme, qu’on retrouvera à trois autres reprises en compagnie de son compère Havoc, Nas et aussi The Game sur le fameux « Dead Bodies ». Pour rester dans les beats marquants, la palme d’or est attribuée pour moi à l’hypnotique « Boost The Crime Rate » de J-Hood et Sheek Louch qui me traumatise encore aujourd’hui. Mention spéciale également pour les prestations de Lloyd Banks et Devin The Dude sur « Bangers » et « Where Can You Go ». Bref, un grand projet signé A-A-A-A-Alchemist !

Get Large – Please… Believe It!!!

Sortie : 26 octobre 2004

Get Large est un duo de beatmakers Français composé de Dam’s et Sla auquel il ne faut surtout pas oublier d’y associer 6, DJ et co-créateur du label Get Large Recordz. Rapidement ils se feront un nom à New York avec un style qui collera parfaitement à l’époque, sous fond de samples Soul avec des voix pitchés ultra-efficaces. Le casting aligné sera un testament de la scène New Yorkaise du début des années 2000 avec un peu de tout. On surfera entre du Wu (Ghostface, Killah Priest, Hell Razah), du Dipset (Juelz Santana, JR Writer), de l’Infamous (Havoc, Godfather Pt. III) et d’autres références comme Tragedy Khadafi, Masta Ace, Styles P, Blaq Poet et Ali Vegas. Des morceaux marquants, il n’en manquera pas sur cette compilation. Difficile de résister à des titres comme « U And Me » du trio Chryme Fam ou « Pimp The Game » de Sacario (même voix que Jigga). Tout comme ce « Live It Up » d’Havoc, Synysta et Tragedy Khadafi qui sample habillement le « Mais dans la lumière » de Mike Brant, quelques années avant le fameux « Crack a Bottle » d’Eminem, Dr. Dre et 50 Cent. Du très bon Made in France et l’une de mes compil’ préférées de cette liste.

9th Wonder – The Dream Merchant Vol. 2

Sortie : 9 octobre 2007

Quand sortira ce second et dernier volume de la série de compilation The Dream Merchant de 9th Wonder, le producteur ne fait déjà plus partie de l’aventure Little Brother. Heureusement, ce disque nous offrira une dernière offrande du groupe avec ce fameux « No Time to Chill ». Ce projet sera aussi l’occasion de croiser les artistes qui composent une bonne partie de la scène de la Caroline du Nord de l’époque. Un album qui sera marqué également en fil rouge par une rappeuse  du nom de Rapsody. Elle apparaîtra, non crédité sur la tracklist, à la fin de 5 morceaux avec des bouts de titres qui laissaient déjà présager un avenir brillant. Ce volume 2 confirmera une nouvelle fois tout le talent de 9th avec des grands souvenirs comme « Brooklyn in My Mind » avec Mos Def, Memphis Bleek et Jean Grae, « Let It Bang » de Skyzoo et Ness, ou ce « Reminisce » en compagnie de Novej et Big Remo.

Statik Selektah – Spell My Name Right

Sortie : 6 novembre 2007

Après quelques mixtapes du même nom, c’est bien une version album de sa série Spell My Name Right qui verra le jour en 2007. Une consécration pour Statik Selektah qui au fil des années se sera forgé une solide réputation derrière les manettes avec un carnet d’adresse prestigieux. Une compilation des plus fournies avec pas moins de 40 invités qui viendront donc se frotter aux productions du DJ et beatmaker originaire de Lawrence dans le Massachusetts. Un style reconnaissable et efficace qui fera très vite son succès et dont profitera largement son protégé Termanology, omniprésent notamment sur ce projet avec 7 apparitions. Si cette compilation n’est peut-être pas ma préférée de sa discographie, elle n’en restera pas moins un point de contact privilégié pour se familiariser avec monsieur ShowOff. Un morceau incarnera parfaitement la philosophie de cet album, le grandiose « Stop, Look, Listen » avec Styles P, Term et Q-Tip dont je ne me lasserai jamais.

Jake One – White Van Music

Sortie : 7 octobre 2008

Déjà un nom installé dans le milieu mais encore sous-estimé, cet album de Jake One lui permettra de solidifier un peu plus sa place dans l’industrie. Le producteur de Seattle nous livrera un projet cohérent, extrêmement bien réalisé, avec un nombre limité de guests par morceau. Un choix payant donc, avec une lecture qui y gagnera en simplicité pour une écoute des plus agréable. On y retrouvera bien évidement la touche caractéristique de ses productions avec ce style soulful si plaisant et accrocheur. Et ce n’est pas un hasard si Jake One décidera d’ouvrir cet album en compagnie de 2 autres producteurs, également rappeurs, avec le titre « I’m Coming » de Black Milk et Nottz. Un clin d’œil symbolique qui lancera parfaitement ce projet qui est certainement mon préféré de cette sélection. White Van Music est homogène de bout en bout avec assez d’excellentes collaborations pour y revenir régulièrement depuis plus de 10 ans. Du « God Like » de D. Black aux « Dead Wrong » Young Buck et « Soil Raps » de Keak Da Sneak, sans oublier les connexions « The Truth » de Freeway avec Brother Ali et « Kissing The Curb » de Bishop Lamont et Busta Rhymes pour citer quelques-uns de mes coups de cœur.

 

Et pour finir, je vais me permettre de rajouter un album à la valeur très symbolique et un peu particulier étant donné les circonstances. Le 11ème donc de cette liste…

J Dilla – The Shining

Sortie : 22 août 2006

Projet commencé et bien avancé avant sa mort, ce sera donc sous une forme posthume que sortira cet album de Dilla. Un LP qui arbora par conséquent une aura symbolique avec un contenu fidèle à l’état d’esprit du beatmaker de Detroit. Ce sera Karriem Riggins qui complétera la réalisation finale de cet opus avec un projet qui en définitive pourra se classer dans la catégorie compilation de producteurs, compte tenu de la faible présence au micro de Jay Dee (seulement sur 3 titres étant donné le contexte). Le casting sera resserré avec des fines gâchettes et proches comme Common, Guilty Simpson, Black Thought ou Pharoahe Monch. Cependant, l’invité le plus en vue sur cet album restera incontestablement le génie de Dilla saupoudré sur les 37 minutes de cette œuvre. The Shining frôle la perfection et propulsera J Dilla au panthéon des plus grands producteurs de la musique. Je n’ai pas de mots pour décrire la sensation que dégage l’ouverture « Geek Down » ou ce sublime final « Won’t Do ». Même effet pour le « E=MC2 » samplant Giorgio Moroder, avec sa rythmique que Dilla décide de faire rentrer à contretemps, ou ce « So Far To Go » enflammé par D’Angelo. #RIP Dilla !