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5 choses à retenir de ‘Sweat The Technique’, le livre de Rakim

Le légendaire rappeur new-yorkais Rakim vient de publier une œuvre autobiographique comme bien d’autres rappeurs avant lui (Scarface, RZA, Prodigy…). Dans Sweat The Technique, paru le 24 septembre 2019, le « God MC » parle de son épopée dans le hip-hop et des nombreux processus créatifs qui l’ont amené à toujours vouloir devenir meilleur. Pour ne pas vous spoiler tout le livre, voici cinq faits marquants qui ont retenu notre attention à la lecture de celui-ci.

1. Il doit beaucoup à sa prof d’anglais

Comme beaucoup d’adolescents, le jeune William Griffin n’est pas très attiré par l’école. Au lycée, il sèche régulièrement les cours en se demandant ce que tout cela pourrait bien lui apporter. Mais sa professeure d’anglais, Ms Bonaparte (ça ne s’invente pas), a réussi à attirer son attention lorsqu’elle lui a expliqué que la classe d’anglais pourrait l’aider pour écrire ses textes de rap. Elle lui a donné une liste de mots de vocabulaire, que le jeune Rakim s’est empressé d’apprendre en gardant les mots de 4 et 5 syllabes. C’est comme cela qu’il a pu travailler ses rimes multisyllabiques. Puis il a appris comment le résumé d’un livre s’apparente à un texte de rap dans sa construction. Petit à petit, le rappeur en devenir a commencé à apprécier la littérature et en particulier l’écriture complexe des textes de Shakespeare. Autant dire que si Rakim a par la suite été acclamé pour son écriture, sa professeure d’anglais n’y est pas pour rien.

2. Le Jazz l’a poussé à complexifier sa technique

Dans son enfance, William Griffin a appris a joué du saxophone en regardant son frère pratiquer, puis en l’imitant lorsque ce dernier quittait la maison. Il a rapidement appris à maîtriser cet instrument complexe. Amateur de jazz, les grands musiciens de ce genre ont eu une influence importante sur le rap de Rakim. Dizzy Gillespie l’a poussé à se cultiver, à vouloir connaître tout ce qui lui était possible. Les rythmes et les mélodies de Thelonious Monk ont guidé les rimes et le flow du rappeur de Long Island. L’arrogance de Miles Davis a nourri son ego. Mais c’est John Coltrane qui l’a poussé à développer une écriture plus sophistiquée. Lui-même joueur de saxophone, Rakim n’en reviens pas lorsqu’il remarque que Coltrane jouait parfois deux notes en même temps. Cela lui semble impossible. Il s’est inspiré de cela pour sortir des techniques d’écriture traditionnelles et construire des phrases enchevêtrées sur deux mesures, comme dans « Move The Crowd » :

Standing by the speaker, suddenly I had this

fever. Was it me or either summer madness

3. Il utilisait plusieurs astuces pour écrire

Largement adoubé par le public pour être l’un des premiers avoir développé une écriture technique dans le rap, Rakim explique dans Sweat The Technique que c’est le résultat d’un procédé très graphique. Il commençait par mettre des points sur ses pages afin de représenter les mesures et donc savoir combien de temps il lui restait avant de devoir finir son couplet. Grâce à cette méthode il a pu apprivoiser plus facilement le format classique des couplets en 16 mesures. Rakim a aussi appris à développer les rimes internes : faire rimer des mots à l’intérieur des vers et pas seulement à la fin. Pour cela, il traçait une grille de plusieurs cases au bas de sa page, puis il remplissait les cases avec des mots qui rimaient, lui offrant ainsi des possibilités infinies. Il illustre ceci avec des rimes issues du morceau « I Ain’t No Joke » :

I ain’t no joke. I used to let the mic smoke

Now I slam it when I’m done and make sure it’s broke

When I’m gone, no one gets on ‘cause I won’t let

Nobody press up and mess up the scene I set

Enfin, pour mettre en voix ses textes de la meilleure manière, Rakim utilisait des points de couleur pour indiquer les moments où il devait reprendre sa respiration. De cette façon, lorsqu’il enregistrait ses morceaux avec le couplet sous les yeux, il savait exactement quand effectuer des pauses. Cette méthode lui a permis de maîtriser son flow et rapper sur le beat à la perfection.

4. Il n’était pas que rappeur dans son duo avec Eric B

Rakim, que certains appelleront aussi « The God », est connu pour être un rappeur hors pair, l’un des meilleurs de l’histoire de cette musique. Toutefois, William Griffin pourrait aussi récolter les lauriers pour son travail de producteur. Alors qu’on a tendance à penser qu’Eric B. était le beatmaker sur les albums du duo, Rakim confie dans Sweat The Technique qu’il a réalisé les trois quarts des beats sur les albums d’Eric B. & Rakim. Eric s’occupait principalement des scratchs et a aussi produit les tracks instrumentales sur les albums. On comprend donc que le duo légendaire reposait principalement sur Rakim, et c’est peut-être pour cela qu’il a eu par la suite la meilleure carrière solo.

5. L’alchimie avec Dr. Dre ne s’est jamais créée

Après son album The Master, Rakim est en quête d’un nouveau label pour produire son prochain projet. C’est alors que Dr. Dre lui fait la proposition alléchante de venir chez Aftermath pour travailler avec lui. Mais avant de pouvoir travailler avec le rappeur new-yorkais, Dre devait finir d’autres projets sur lesquels il bossait déjà. Rakim a donc déménagé à Los Angeles pour pouvoir collaborer plus facilement avec le légendaire producteur de la West Coast. Mais les beats peinaient à venir et l’alchimie entre les deux artistes n’était pas si présente. Dre comptait apporter une touche gangsta à l’univers de Rakim, non seulement dans les instrumentaux, mais aussi dans les lyrics. Cependant, ce dernier n’avait pas l’intention de renier son côté rap conscient ni la sagesse qui avaient fait sa renommée. Après trois ans passés à LA, Rakim n’avait pas enregistré le moindre morceau dont il était satisfait et Dre n’avait eu que très peu de temps à lui consacrer. Retour à New York, donc, pour l’enfant de Long Island, qui s’est tout de même séparé en bons termes de Dre, mais aura fini d’enregistrer son album The Seventh Seal sans lui. Inutile de dire que cette collaboration aurait pu produire quelque chose de mémorable, mais malheureusement, les albums collaboratifs ne créent pas toujours une synergie parfaite entre les artistes.

Bonus

Rakim a commencé à écrire très jeune. C’est à l’âge de sept ans qui écrit ses premières rimes. Pas d’histoires de rue dans ces phrases, non, juste quelque chose de bien plus enfantin :

Mickey Mouse bought a house

He built it by the border

An earthquake came and rocked his crib

And now it’s in the water.

 

Vous pouvez vous procurer le livre Sweat The Technique (uniquement disponible en anglais pour le moment) sur Amazon. Sachez qu’il existe aussi en format audiobook, lu par Rakim en personne.

Sébastien Laurent

Voue un culte à MF DOOM. S'intéresse au rap des bas-fonds, celui dont on ne parle pas assez. Un soupçon de technique dans l'écriture et un beat sombre font son bonheur.

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